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Abonnement, partage, circularité : le leasing se réinvente

Le « Vehicle-as-a-Service » (Véhicule en tant que Service – VaaS) s’invite progressivement dans le paysage automobile. Loin de remplacer déjà l’achat ou le leasing classique, ce modèle repose sur l’idée que l’usage de la voiture pourrait à terme primer sur sa propriété. Abonnements flexibles, formules tout compris, autopartage ou intégration dans des offres de mobilité : autant de pistes qui dessinent une évolution encore balbutiante, mais riche de promesses. Cette série d’articles propose de décrypter ces nouvelles approches, leurs enjeux économiques et sociétaux, et les perspectives qu’elles ouvrent pour les conducteurs comme pour les entreprises. Examinons comment le secteur du leasing a entamé sa mutation vers ce concept VaaS.

Le leasing automobile ne se limite plus à fournir un véhicule : il devient un service flexible et modulable, pensé pour l’usage plutôt que pour la possession. Abonnements, véhicules partagés, cycles multiples pour les électriques… le secteur a progressivement évolué vers ce que l’on appelle aujourd’hui le Vehicle-as-a-Service (VaaS). Ce basculement, presque naturel, transforme le leasing en une plateforme de mobilité où chaque contrat suit les besoins réels de l’utilisateur et/ou de son employeur, et non l’inverse.

Fin 2017, Tex Gunning, CEO mondial de LeasePlan, lance le programme stratégique “What’s Next ?”. L’objectif : anticiper l’avenir du leasing auto et affirmer que la valeur ne réside plus dans la propriété du véhicule, mais dans la capacité à fournir un service de mobilité fluide, flexible et digitalisé.

En Belgique, Johan Portier (alors CEO de LeasePlan Belux, aujourd’hui d’Ayvens, suite à la reprise de LeasePlan par ALD Automotive) traduit cette rupture par une formule audacieuse : devenir « le Spotify du leasing auto». La métaphore n’est pas cosmétique : elle signifie clairement que la notion d’accession remplace la possession.

Huit ans plus tard, cette vision n’est pas le fruit d’une proclamation : elle a émergé par strates, à travers une série d’innovations (partage, abonnement, modularité, circularité) qui ont recomposé le marché pour laisser apparaître un chemin vers le Vehicle-as-a-Service (VaaS).

Flexibilité et premières formules mid-term

Bien avant l’explosion des véhicules électriques, le VaaS prend racine dans l’évolution du monde de l’emploi. Carrières moins linéaires, mobilité interne accélérée, transformations rapides des métiers… le leasing traditionnel (48 ou 60 mois) devient inadapté. Les sociétés de leasing répondent par des formules mid-term, souvent sur 12 à 24 mois, conçues pour suivre le collaborateur plutôt que l’inverse. Et ce, au risque d’aller parfois sur les platebandes des loueurs court terme

C’est la logique VaaS dans sa forme la plus pure : le service suit la trajectoire de l’utilisateur ou de l’employeur de celui-ci, et non l’inverse.

© DR/Shutterstock.com

Soyons de bon compte : ces formules plus courtes et plus flexibles ont bien du mal à trouver leur place aujourd’hui. L’évolution fiscale pour les voitures de société et l’électrification massive augmentent plutôt les contrats. « En ce moment, la durée moyenne des contrats de location à long terme est de 51 mois », constate Stijn Blanckaert, directeur général de Renta. « Il y a cinq ans, la durée moyenne tournait encore autour de 42 mois. Pour les véhicules électriques, les sociétés de leasing privilégient des contrats plus longs en raison d’un amortissement plus élevé et d’une garantie plus longue sur la batterie. » Ayvens propose même des contrats jusqu’à 72 mois sur ces voitures électriques.

Mais revenons aux services qui s’adaptent à l’utilisateur… L’arrivée d’acteurs disruptifs comme Lynk & Co, spécialisé dans l’abonnement (tout en élargissant aujourd’hui ses horizons en ajoutant des stratégies de ventes plus classiques) amplifie ce mouvement. Nicolas López Appelgren, CEO Europe, résume : « On peut répondre aux mêmes besoin de mobilité avec moins de voitures. Car en Europe, une voiture reste en moyenne à l’arrêt 95 % du temps. C’est un investissement énorme qui rapporte peu et perd de la valeur chaque jour. »

Le partage (comme l’autopartage) semble donc être la clé. Chez Lynk & Co, on a développé un service de sous-location. « Environ 2.000 Européens partagent activement leur voiture, au moins deux fois par mois », témoigne Nicolas López Appelgren. « Le concept est attrayant, mais il en est encore à ses débuts. Nous voyons surtout un fort potentiel dans le marché B2B. Imaginez une entreprise avec 100 commerciaux : au lieu d’acheter ou de louer 100 véhicules de société, elle pourrait en prendre 30 ou 40 et créer une flotte partagée interne, avec des clés numériques. Pas besoin de gestionnaire : il suffit de réserver via son smartphone et de prendre la route. »

Le modèle d’abonnement mensuel, avec véhicule partageable via clé numérique et sous-location possible, pousse la logique de l’usage à son maximum : moins d’actifs, mais plus d’utilité par actif.

Le budget mobilité, pierre angulaire de l’usage

Le budget mobilité, pensé comme alternative durable à la voiture de société, pourrait devenir – sans vraiment le vouloir, car il n’est pas conçu pour cela au départ – un outil structurant. Selon le baromètre Arval Mobility Observatory 2024, 1 entreprise sur 5 l’a adopté ou prévoit de le faire. Parmi elles, 61% communiquent totalement de manière transparente sur les coûts et montants.

« Une politique RH moderne propose une offre de mobilité étendue et personnalisable. Le collaborateur peut faire ses propres choix : vélo, car-sharing, transports publics, ou voiture de société », commentait Yves Ceurstemon (Arval). Le budget mobilité devient ainsi une plateforme d’orchestration des usages, plutôt qu’un simple dispositif alternatif.

Leasing privé : un marché petit mais révélateur

Le leasing pour particuliers reste marginal en Belgique, avec seulement 13.200 voitures au 31 mars 2025 (2,7 % de la LLD). Stijn Blanckaert (Renta) commente : « Le potentiel est énorme, mais le marché belge reste culturellement attaché à la propriété. » Il faut sans doute laisser le temps au temps, car ce n’est un secret pour personne : le Belge est né avec une brique dans le ventre et un volant dans les mains. Cela contraste néanmoins avec les 248.000 contrats de « private lease » aux Pays-Bas…

Leasing d’occasion et circularité

Le leasing de voitures d’occasion, en particulier électriques, ajoute une dimension circulaire essentielle. Les véhicules électriques s’usent moins, s’entretiennent mieux et gardent une valeur plus stable : ils peuvent être loués deux, parfois trois fois.

© DR/Shutterstock.com

Sam Heymans, CEO de Lizy, le résume : « La durée de vie des véhicules électriques est plus longue et ils ont besoin de moins d’entretien. De plus, les bénéfices environnementaux s’accroissent à mesure que la durée d’utilisation des véhicules s’allonge. » Cette approche (prolonger la vie utile et fractionner le service) s’inscrit pleinement dans l’économie VaaS.

Un système en couches devenu cohérent

Vue de loin, le marché peut ressembler à un patchwork. Mais pris dans son ensemble, il forme un écosystème cohérent, où la voiture devient un service multi-formule :

  • budget mobilité : modularité, choix, ajustement
  • abonnements : réversibilité, absence d’engagement, fluidité
  • sous-location : mutualisation, optimisation de l’usage
  • private lease : normalisation du modèle “service” auprès du grand public
  • leasing d’occasion : circularité et allongement des cycles électrification : colonne vertébrale technologique
  • digitalisation : infrastructure invisible qui permet tout le reste

Aucune brique n’a été pensée pour “faire du VaaS”, mais ensemble elles y conduisent naturellement.

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