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Le Cercle du Lac fête ses 20 ans : retour sur deux décennies d’entrepreneuriat au cœur du Brabant wallon

Créé en 2005 à Louvain-la-Neuve, le Cercle du Lac célèbre ses vingt ans d’existence dans un contexte paradoxal. Si le plus grand cercle d’affaires du Brabant wallon affiche aujourd’hui une santé retrouvée avec 600 membres actifs et une programmation dense, il fait face à des défis financiers structurels. Rencontre avec Sylvie Wodon, directrice générale, qui dessine les contours d’un redressement ambitieux à l’horizon 2028

Vingt ans après sa création par trente coopérateurs visionnaires, le Cercle du Lac s’est imposé comme un acteur incontournable de l’écosystème entrepreneurial wallon. Implanté stratégiquement dans le Parc scientifique de Louvain-la-Neuve, le cercle bénéficie d’un positionnement unique à l’intersection du monde économique, académique et politique.
« La caractéristique du Cercle, c’est d’être vraiment proche de l’UCLouvain, de la connaissance et de la recherche. Nous sommes le seul cercle d’affaires à être aussi proche d’une université. Ça fait partie de notre ADN et constitue notre unicité« , souligne Sylvie Wodon, directrice générale depuis 2018.

Sylvie Wodon, directrice générale du Cercle du Lac © Cercle du Lac

Cette proximité académique se traduit par une forte représentation du secteur pharmaceutique (GSK, UCB, IBA et de nombreuses startups qui gravitent dans l’entourage de ses grands groupes). Avec 600 membres issus de secteurs diversifiés, le Cercle organise entre 100 et 150 activités annuelles, attirant plus de 25 000 visiteurs par an.

Du voilier au paquebot : une croissance difficile à digérer

L’histoire du Cercle du Lac est marquée par un tournant majeur en 2013 avec l’inauguration de son bâtiment contemporain de 3 260 m², conçu par l’architecte Patrick van der Straeten. Une infrastructure moderne dotée de sept espaces modulables, pensée pour créer une atmosphère conviviale tout en répondant aux besoins des entreprises membres.

Mais cette montée en gamme s’est révélée plus complexe que prévu. « On passe d’un voilier à un paquebot. Avec toutes les conséquences que cela implique : c’est plus grand, ça donne plus de perspectives mais il est vrai que financièrement, il faut savoir faire tourner ce paquebot et le financer aussi« , reconnaît Sylvie Wodon.

Le projet initial n’était d’ailleurs pas celui des fondateurs. L’UCLouvain, propriétaire du terrain en bail emphytéotique, a imposé la construction de 4 000 m² comme condition sine qua non pour la nouvelle implantation du cercle. Une exigence qui a conduit à l’intégration d’un business center, activité éloignée du cœur de métier d’un cercle d’affaires. Finalement occupé par l’UWE (Union Wallonne des Entreprises) puis par intoPIX, cet espace illustre les ajustements nécessaires pour équilibrer le modèle économique.

Treize exercices déficitaires sur quinze : la réalité des chiffres

Si le Cercle affiche une belle vitalité opérationnelle, sa situation financière demeure préoccupante. Selon des informations récentes rapportées par L’Écho, l’organisation a enregistré son treizième exercice déficitaire en quinze ans d’existence. Un constat qui a conduit les actionnaires à réagir.

En septembre 2025, une dizaine d’actionnaires se sont engagés à lever de nouveaux fonds pour refinancer le bâtiment et assurer la pérennité de l’institution. L’objectif affiché : retrouver le chemin de la rentabilité en 2028. « Nous savons qu’en 2033, le bâtiment sera payé. Donc ça va être une grande bouffée d’oxygène » confie la directrice avec optimisme.

Cette fragilité financière contraste avec un modèle opérationnel qui semble fonctionner : deux tiers des membres déclarent avoir réalisé du business grâce au Cercle du Lac, un taux de satisfaction élevé qui témoigne de la valeur ajoutée de la plateforme.

Le retour du présentiel post-Covid

Après les crises successives (Covid, énergétique, indexation salariale) le cercle connaît depuis mi-2024 un renouveau significatif. L’affluence aux activités est revenue à des niveaux comparables à 2019, marquant le retour en force des interactions en présentiel.

© Cercle du Lac

« On m’a posé la question : pourquoi finalement revient-on à ce présentiel, alors qu’on disait tous que le distanciel, la vidéo, allait prendre une énorme part ? […] Le fait est que les entrepreneurs ont besoin de se revoir, de se rencontrer, de se parler, d’échanger. Nous le sentons depuis une petite année« , analyse Sylvie Wodon.

Cette tendance valide la mission première du Cercle : créer un espace de rencontre physique où les décideurs peuvent échanger, networker et faire des affaires. Un constat qui s’applique au-delà du seul Cercle du Lac, alors que d’autres cercles d’affaires comme le Cercle de Wallonie ou le B19 continuent également leurs activités.

Un modèle en mutation

Le Cercle du Lac a revu ses ambitions à la baisse par rapport aux objectifs initiaux. L’objectif de 1 000 membres annoncé lors de l’inauguration du nouveau bâtiment s’est révélé « très beau, très ambitieux, mais peut-être utopique« , selon la directrice. Avec 600 membres aujourd’hui, le cercle a trouvé un rythme de croisière plus réaliste.

La stratégie actuelle privilégie la qualité à la quantité. La cotisation individuelle garantit que chaque membre est un décideur capable de prendre des décisions rapidement, évitant ainsi les lourdeurs hiérarchiques.

© Cercle du Lac

Face aux évolutions du monde entrepreneurial, le cercle mise sur trois piliers : « inspirer, connecter, entreprendre« . Un positionnement qui valorise aussi bien les débats intellectuels et conférences que les activités passion (golf, classic car) et le networking opérationnel. « C’est important d’avoir ces activités passions qui réunissent autour d’un intérêt commun. Il y a ce lien d’appartenance qui est important« , insiste la directrice.

2025-2028 : le temps des choix stratégiques

Le plan de relance du Cercle du Lac s’articule autour d’une vision pragmatique à court-moyen terme. Exit les business plans à cinq ans, jugés inadaptés à la volatilité actuelle : le cercle travaille désormais sur des horizons de deux à trois ans.

Les priorités sont claires : continuer à offrir des activités de qualité, sonder régulièrement les besoins des membres, et mettre davantage en avant l’entrepreneuriat de production et l’innovation. « Le fonctionnement d’un entrepreneur a fortement changé. Avant, on aimait bien prendre son verre, traîner, voir les copains. Aujourd’hui, on vient dans un cercle pour faire des affaires. Il faut un return quand on vient à une activité« , résume Sylvie Wodon.

La célébration des 20 ans, qui s’est tenue le 13 novembre 2025 avec 250 invités, marque une étape symbolique. Mais au-delà des festivités, le Cercle du Lac se trouve à un tournant stratégique. Sa capacité à capitaliser sur ses atouts (positionnement unique, communauté fidèle, infrastructure moderne) tout en résolvant ses fragilités financières structurelles déterminera son avenir.

L’histoire du Cercle du Lac est celle d’une institution reconnue et appréciée qui doit néanmoins réinventer son modèle économique pour assurer sa pérennité. Un défi que partagent de nombreux acteurs de l’économie belge à l’heure des transformations rapides du monde des affaires.

Martin Boonen
Martin Boonen
Martin Boonen est journaliste diplômé de l'Institut de Journalisme de Bruxelles (2012). Il collaboré avec de nombreuses rédactions à différent niveau de responsabilité : journaliste, chef de rubrique, secrétaire de rédaction et rédacteur en chef, tant sur le web que pour la presse imprimée. Spécialisé dans les startups et l'entrepreneuriat à impact, il est devenu en 2025 rédacteur en chef du site web de Forbes Belgique. Il est affilié à l'Organisation Mondiale de la Presse Périodique depuis 2011.

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