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Nonante Folies : quand deux entrepreneurs transforment la brasserie belge en modèle d’économie

La plupart des restaurateurs ouvrent un restaurant. Eux ont préféré créer une marque.
Maxime Grell et Ludovic Chevalier, les fondateurs du groupe Nonante Folies, n’ont pas simplement décidé de raviver la flamme de la brasserie belge. Ils ont pensé un modèle. Un modèle économique, réplicable, scalable, où la carbonnade, le vol-au-vent et la bière pression deviennent synonymes de business solide.

Leur pari ? Moderniser la brasserie belge sans jamais la trahir. Et prouver qu’entre la nostalgie et le néo-food concept, il existe un espace rentable, celui d’une cuisine identitaire, populaire et bien exécutée.

Du bistrot de quartier à la marque de restauration

Avant Nonante Folies, il y avait deux petits établissements de quartier, nichés autour du Châtelain. Deux bistrots à taille humaine, mais trop restreints pour dégager une marge suffisante. « Les charges fixes explosaient, les salaires grimpaient, et au bout du compte, il ne restait pas de quoi rémunérer le bureau, donc le développement », résume Maxime Grell.

Alors, plutôt que de courir après des rentabilités impossibles, ils décident de changer d’échelle. Leur réflexion aboutit à une stratégie claire : créer une marque forte, capable de fédérer plusieurs adresses sous une même identité. Une marque qui capitalise sur des économies d’échelle, sur la mutualisation des ressources, et sur un positionnement clair : celui d’une brasserie belge revisitée, accessible, généreuse et intergénérationnelle.
« Une marque, des synergies, et un modèle durable », résume Ludovic Chevalier.

C’est la naissance de Nonante Folies, dont les deux premières signatures sont désormais connues : Boemvol, brasserie XXL installée à deux pas de la Bourse de Bruxelles, dans un bâtiment classé, et Volle Gas, adresse mythique d’Ixelles remise au goût du jour.

boemvol volle gas
Boemvol a débarqué il y a quelques mois à peine en face du Palais de Justice. ©Nonante Folies

L’économie du « joyeux bordel »

Leur vision ? Faire du bruit, littéralement. « Une brasserie, c’est un joyeux bordel. Ça vit, ça résonne, ça rit », s’amuse Maxime Grell. Le concept repose sur cette chaleur collective qui manque parfois aux établissements trop calibrés. Chez eux, on assume le brouhaha, les verres qui s’entrechoquent, la convivialité bruyante. Une expérience pensée non pas comme un dîner, mais comme un moment de vie.

Mais derrière le folklore, la stratégie est fine. Des établissements XXL (jusqu’à 500 m²), un positionnement prix 10 à 15 % inférieur à la concurrence, et une clientèle intergénérationnelle qui remplit les salles du matin au soir. Leur rentabilité ne se joue pas sur l’assiette, mais sur le turnover. « On ne cherche pas la marge par plat, mais la dynamique de volume », expliquent-ils. En clair : le modèle Nonante Folies repose sur la rotation, la mutualisation et la fidélité à grande échelle.

La brasserie comme produit d’investissement

Le duo a aussi compris que la restauration, aujourd’hui, ne se finance plus comme avant.
Nonante Folies s’est construit avec un apport personnel, trois investisseurs privés et un double soutien bancaire (Béobank et Fintro).

L’objectif ? Ouvrir deux établissements par an et sortir de Bruxelles dès 2027. « On n’a pas vocation à mettre une brasserie dans tous les coins de Bruxelles. L’idée, c’est d’exporter l’ADN belge dans d’autres villes, pourquoi pas à Lille ou à Paris », confient-ils. Derrière les casseroles, c’est donc un business model à la belge qui s’écrit : une cuisine simple, locale, mais pilotée comme une PME de croissance.

Le groupe a repimpé Volle Gas, institution bruxelloise.
©Nonante Folies

Quand la passion rencontre la gestion

Car si les deux fondateurs parlent volontiers de « passion du métier », ils rappellent surtout que l’époque du restaurateur-artiste est révolue. « La restauration n’est plus un métier de passion, c’est un métier de gestion. Les marges sont trop serrées pour l’improvisation », affirme Ludovic Chevalier.

Chaque jour, ils suivent les données de satisfaction client et les ratios financiers en temps réel. Une discipline plus proche du reporting que du service à table. « C’est devenu indissociable », insistent-ils. 
En somme, Nonante Folies, c’est l’idée que la convivialité peut être optimisée. Que la bière pression peut se gérer comme un produit scalable. Et que la brasserie belge peut, elle aussi, devenir un modèle d’entreprise exportable.

Le futur du « made in Belgium »

En pleine époque des « food concepts » éphémères, le pari du duo semble presque contre-culturel : revenir à une offre classique, durable et intemporelle. Miser sur les plats mijotés plutôt que sur les cartes QR. Sur la proximité avec les producteurs plutôt que sur les trends TikTok. Mais c’est précisément ce qui fait leur différence.

« Les modes passent tous les deux ans. Nous, on construit pour dix », lâche Maxime Grell. Leur ambition n’est pas de révolutionner la cuisine belge, mais de la repositionner : entre tradition et modernité, entre terroir et management. Bref, Nonante Folies, c’est une brasserie pensée comme une start-up. Un groupe qui transforme la nostalgie en actif, la passion en métrique, et le « joyeux bordel » en performance économique.

Maxime Grell et Ludovic Chevalier, fondateurs de Nonante Folies, avec leur équipe.
©Coufo Studio

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