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Mike Radossich nommé CEO de Syensqo : une nouvelle ère s’ouvre pour la chimie belge

En succédant à Ilham Kadri dès janvier 2026, Mike Radossich prend la tête de Syensqo à un moment charnière. Il doit assumer un héritage stratégique alors que les attentes financières sont hautes et que le repositionnement global de l’entreprise n’est pas encore complètement achevé. La feuille de route du nouveau dirigeant s’annonce dense.

Syensqo : héritière d’une scission historique

Née officiellement en décembre 2023 de la scission de Solvay, Syensqo est l’émanation de la chimie de spécialité du groupe centenaire. Cette séparation stratégique, approuvée à 99,53% par les actionnaires, visait à libérer le potentiel de deux entités aux logiques industrielles distinctes. Syensqo, désormais autonome, s’est rapidement affirmée comme un acteur global avec un chiffre d’affaires de 6,56 milliards d’euros en 2024 et plus de 13 000 collaborateurs répartis sur 62 sites industriels dans 30 pays.

© DR/Shutterstock.com

Positionnée sur des segments à forte valeur ajoutée tels que les polymères de spécialité, les matériaux composites, la chimie de formulation et les solutions durables, Syensqo ambitionne de croître deux fois plus vite que ses marchés finaux. Le groupe vise une marge EBITDA avoisinant les 25%, avec une génération de cash cumulée supérieure à 7 milliards d’euros sur la période 2024–2028.

Ilham Kadri : transformation, scission, controverses

Arrivée à la tête de Solvay en 2019, Ilham Kadri aura marqué durablement le paysage industriel européen. Sa stratégie de modernisation s’est appuyée sur le plan « Grow », une réduction massive de l’endettement, des investissements ciblés de 4 milliards d’euros, et une réforme structurelle du portefeuille du groupe. Elle aura également porté les ambitions ESG, initié le Solvay Solidarity Fund, et défini quatre plateformes de croissance autour des matériaux durables et de l’énergie verte.

Architecte de la scission entre Solvay et Syensqo, elle a piloté une opération saluée comme un succès stratégique malgré des débuts de marché mitigés pour Syensqo. « Les critiques font partie de ce travail », déclarait-elle alors, assumant pleinement le cap qu’elle avait fixé.

Ilham Kadri, CEO sur le départ © DR

Son mandat fut aussi marqué par un débat autour de ses primes exceptionnelles, atteignant 38 millions d’euros en deux ans, qui ont alimenté une controverse sur la gouvernance d’entreprise en Belgique. Néanmoins, même ses détracteurs reconnaissent en elle la figure de celle qui a « réveillé la belle endormie ».

Mike Radossich : parcours d’un bâtisseur

Mike Radossich, 55 ans, connaît intimement les rouages de Syensqo. Cet ingénieur chimiste formé à l’Université Villanova, titulaire d’un MBA de Fairleigh Dickinson, affiche une carrière de 28 ans dans l’industrie. Il a débuté chez Cytec Industries avant de rejoindre Solvay en 2015 lors de son acquisition. Il a ensuite dirigé plusieurs entités clés, dont Technology Solutions, Novecare, et plus récemment la division Consumer & Resources, avec 4 300 employés sous sa responsabilité et un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros en 2024.

© DR

Sous sa direction, Mike Radossich a orchestré des transformations opérationnelles majeures, réduit de 30% les coûts fixes de l’unité Aroma, amélioré la performance sécurité (RIIR de 0,16 contre 0,28 en moyenne), et piloté l’acquisition de JinYoungBio (Corée du Sud) et Azerys (Maroc).

« C’est pour moi un honneur d’assumer le rôle de CEO de Syensqo », a-t-il déclaré. « Avec Syensqo désormais fermement établi en tant que leader dans les solutions avancées et de spécialité, nous sommes pleinement concentrés sur la stimulation d’une croissance rentable à long terme, l’amélioration des rendements et la création de valeur ».

Une succession sous haute surveillance

La succession d’Ilham Kadri n’a rien d’un changement improvisé. L’entreprise a mis en place un processus rigoureux de passation, amorcé dès septembre 2025, avec un accompagnement assuré par la future ex-CEO jusqu’à fin décembre. Elle restera ensuite en qualité de conseillère spéciale pour garantir la continuité stratégique.

« Mike allie une vaste expérience de l’industrie chimique à une connaissance approfondie de notre entreprise. Sa nomination est le résultat d’un processus de sélection rigoureux », a souligné Rosemary Thorne, présidente du conseil d’administration.

L’objectif est clair : maintenir l’élan d’innovation et de croissance impulsé par Ilham Kadri, tout en renforçant l’ancrage de Syensqo sur ses marchés stratégiques.

Défis internes, marchés volatils et ambitions globales

Mike Radossich arrive à un moment critique. Syensqo évolue dans un environnement marqué par des tensions commerciales accrues, des pressions sur les chaînes d’approvisionnement et une forte volatilité des marchés finaux, notamment dans l’électronique et l’énergie. Les résultats du premier trimestre 2025 illustrent ce contexte : un chiffre d’affaires stable à 1,62 milliard d’euros, mais une baisse de 14,2% de l’EBITDA sous-jacent par rapport à l’an dernier.

© DR/Shutterstock.com

Face à cela, Syensqo a lancé un plan d’économies de 200 millions d’euros d’ici fin 2026, impliquant une réduction de 200 postes. L’entreprise vise également à renforcer son efficacité via une nouvelle infrastructure numérique, en prévision de la fin des accords transitoires avec Solvay fin 2025.

Sur le plan stratégique, les priorités sont claires : finalisation des désinvestissements (Oil & Gas, Aroma), poursuite du programme de rachat d’actions de 300 millions d’euros, et exploration d’une double cotation aux États-Unis pour élargir la base actionnariale.

Perspectives : croissance durable ou turbulences à venir ?

Malgré les incertitudes, Syensqo conserve des atouts solides : un portefeuille équilibré, une orientation client renforcée, une dynamique d’innovation soutenue par 348 millions d’euros d’investissements R&I en 2024, et un taux de vitalité produit de 20,9%.

La feuille de route de Mike Radossich s’inscrit dans cette continuité, avec pour ambition de transformer Syensqo en un pure player agile et global de la chimie de spécialité. Son style de leadership, fondé sur les résultats, la discipline opérationnelle et une culture de performance, sera déterminant.

Reste à voir si cette nouvelle phase permettra à Syensqo de tenir ses promesses de croissance, de rentabilité et de durabilité. À l’image de son nom (contraction de « science » et « co ») Syensqo incarne un projet industriel ambitieux, à l’intersection des grandes transitions technologiques et environnementales.

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