Le spécialiste de l’immobilier de santé Aedifica a lancé hier une offre d’échange d’actions qui fait sens à l’attention de son concurrent Cofinimmo. Si l’opération réussit, elle accouchera du plus gros propriétaire immobilier coté belge.
De mémoire de journaliste immobilier, c’est une opération boursière qui fera date, quelle qu’en soit l’issue. Et elle tombe sous le sens: elle concerne en effet deux sociétés immobilières réglementées du Bel 20 leaders européennes sur le même segment de marché de la santé, à savoir Aedifica, l’acheteuse, et Cofinimmo, l’achetée potentielle.
Les cours des deux sociétés concernées ont été suspendus dès mercredi après-midi, moment choisi par la première pour annoncer officiellement aux autorités de marché son offre d’échange (OPE) lancée sur sa concurrente. Dans le communiqué officiel d’Aedifica reçu jeudi après clôture de Bourse, on peut lire qu’il s’agit d’une « offre volontaire sur 100% des actions Cofinimmo sur la base d’un ratio d’échange proposé de 1,16 nouvelle action Aedifica par action Cofinimmo » avec un seuil d’acceptation minimum de 50% plus une action sans quoi l’opération n’aura pas lieu. L’intention avouée est de parvenir rapidement à un squeeze out si le seuil des 95% est atteint.
Depuis l’annonce de cette OPE qui fera date, l’action Cofinimmo est repartie à la hausse (+7%). Une hausse justifiée car « le prix d’offre implicite de 80,91 euros par action représente une prime de 20,8% par rapport au prix de l’action Cofinimmo non perturbé de 67 euros au 30 avril 2025 à 16h02″, motive, chiffres à l’appui, Aedifica.
Le plus gros investisseur immobilier coté du pays
Pour cette dernière, qui profite du cours déprécié de la plupart des sociétés immobilières cotées depuis l’intronisation de Donald Trump à la présidence US et de l’effet délétère de ses décisions sur les marchés mondiaux, le moment est particulièrement choisi: en 2021, le cours de l’action Cofinimmo a culminé à 140 euros. Mais au-delà de l’opportunité financière conjoncturelle exploitée par Stefaan Gielens, son opportuniste CEO depuis 20 ans, l’offre d’Aedifica est surtout pertinente en termes industriels, les deux portefeuilles immobiliers historiques étant à la fois géographiquement complémentaires et fonctionnellement proches.
« La transaction combinera le portefeuille d’Aedifica sur ses marchés principaux actuels avec celui de Cofinimmo (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Finlande et Irlande), augmentera sa présence en Espagne et installera une première présence en France et en Italie », motive d’ailleurs Aedifica avant d’ajouter que le portefeuille combiné devrait diversifier davantage le profil des locataires, le poids des 10 principaux occupants passant de 47% chez Aedifica à 43% dans le groupe combiné.
Valorisé à quelque 2,68 milliards d’euros, le portfolio détenu par Cofinimmo avoisine actuellement les 6 milliards d’euros de capitalisation brute (Gross Asset Value) et est majoritairement composé d’immobilier de santé (77%).

Aedifica, dont la dernière capitalisation boursière flottante culminait à 3,36 milliards d’euros, est pour sa part quasi totalement focalisée sur l’immobilier de soins avec un portefeuille estimé lui aussi à plus de 6 milliards d’euros (GAV).

En cas de réussite de l’opération d’échange, la nouvelle entité belge fusionnée disposera d’un portefeuille immobilier pan-européen valorisé à 12,1 milliards d’euros (GAV) et affichant une capitalisation boursière flottante dépassant 5,8 milliards d’euros, devenant de facto le plus gros investisseur immobilier coté du pays.
Mais rien n’est encore fait pour l’instant. Sur le coup de 22 heures hier jeudi, Cofinimmo réagissait par un (très) laconique communiqué officiel pour indiquer que son Conseil d’Administration évaluait la proposition d’Aedifica dans l’intérêt de Cofinimmo et de ses actionnaires, que la proposition d’Aedifica était non-liante et conditionnelle et qu’il n’y avait à ce stade aucune certitude que Cofinimmo entame des discussions avec Aedifica, ni qu’Aedifica fasse une offre. Cofinimmo concluait en annonçant qu’elle informerait le marché en temps utile conformément à ses obligations légales.
Délit d’initié ?
Selon nos confrères de L’Echo, des soupçons existaient sur l’opération officialisée ce jeudi dès la séance de mercredi. Juste avant sa suspension, l’action avait en effet brusquement bondi de 67 à plus de 70 euros en quelques minutes. Des rumeurs de marché sur l’opération circulaient sur certains blogs comme celui de Betaville et rien n’exclut que certains acteurs, au fait de la transaction qui se préparait, en aient profité pour passer à l’achat, ce qui relèverait de ce qu’on appelle un délit d’initié. La FSMA s’apprête d’ailleurs à lancer une enquête sur ces mouvements suspects.