De nombreux détaillants du secteur de la cuisine ont vu leurs ventes chuter au premier semestre 2025 : en moyenne de 5% par rapport à l’année précédente. Pourtant, certains acteurs ont réussi à croître à contre-courant de la tendance, ce qui soulève la question : que font-ils différemment ? Quels choix font-ils en matière de communication, de positionnement et d’expérience en magasin pour rester pertinents ?
Les consommateurs reportent les achats importants en raison de l’inflation, de la hausse des taux d’intérêt et de l’incertitude économique. La reprise du marché immobilier est prudente, ce qui a un impact direct sur les projets de construction et de rénovation. Mais le consommateur a également changé. Lorsque Isabelle Vermeir est arrivée à la tête de la société de cuisines Ixina il y a trois ans, sa mission était claire : redynamiser la marque. Avec succès : la chaîne a enregistré une croissance de près de 7% de son chiffre d’affaires après six mois. Les chiffres d’aujourd’hui prouvent que sa stratégie a non seulement été réfléchie, mais surtout efficace. Que peuvent apprendre d’autres détaillants de cette approche ? Et comment s’adapter en tant que marque sur un marché en mutation rapide ?
Stratégie de niveaux de prix
Transparence est plus importante que jamais, souligne Isabelle Vermeir. Lors de son arrivée chez Ixina, l’un de ses premiers objectifs était de rendre la marque plus accessible à un public plus large. ‘Ixina n’était pas toujours perçue comme une marque pour tout le monde’, dit Vermeir. ‘Les consommateurs pensaient parfois que nous nous adressions surtout à un public aisé, ce qui n’est pas le cas.’ Pour lever cet obstacle, Ixina a introduit quatre niveaux de prix clairs, de 5 000€ à plus de 20 000€. Ainsi, les clients savent immédiatement à quoi s’attendre. Une approche qui fonctionne particulièrement bien à une époque où les consommateurs réfléchissent soigneusement à leurs grosses dépenses. ‘Nous communiquons très clairement sur ce qui est inclus dans le prix : installation, service, TVA. Pas de petites lignes. Les gens veulent savoir à quoi s’attendre, surtout en cette période.’
Pas d’attente
Outre une communication claire, Ixina a beaucoup investi ces dernières années dans sa présence locale. Les magasins physiques sont devenus une sorte de combinaison entre showroom et lieu de rencontre. ‘Après le COVID, nous avons constaté que se contenter d’attendre l’arrivée du client ne fonctionnait plus. Nous avons donc franchi nous-mêmes le pas. Nos franchisés connaissent leur région par cœur. Ils organisent des événements afterwork, collaborent avec des brasseurs locaux, des chocolatiers ou des chefs. Ainsi, Ixina devient visible comme faisant partie du quartier.’ Cette approche porte ses fruits. Certains magasins accueillent lors de ces afterworks plus de cent visiteurs. Non pas pour leur vendre immédiatement une cuisine, mais pour rendre la marque plus accessible et faire connaître notre offre. ‘Si, plus tard, ils ont besoin d’une cuisine, ils sauront où aller’, explique Vermeir. ‘C’est une pure construction de relation à long terme.’
L’impact de l’inflation
Parallèlement, le comportement des consommateurs évolue aussi. Si les restaurants et les dépenses de luxe sont sous pression, la cuisine reste un endroit où les gens veulent investir. ‘Les gens cuisinent à nouveau plus souvent à la maison. La cuisine n’est pas seulement un espace fonctionnel, c’est le cœur de la maison. Là où l’on travaille, mange, vit. En période de crise, cet endroit devient plus important que jamais.’ Bien que les clients soient plus sensibles aux prix qu’avant, Vermeir ne voit pas qu’ils abandonnent massivement. Ils choisissent simplement différemment : de manière plus consciente, avec un budget serré, mais en privilégiant la qualité et le confort.
Durabilité et humanité
La durabilité est aussi un thème de plus en plus important pour le consommateur, même si ce n’est pas toujours le premier critère de sélection. ‘Nous constatons que les clients posent de plus en plus de questions sur les matériaux, les essences de bois, les colles. Nous travaillons sur de meilleurs processus, choisissons de manière plus consciente et essayons de compenser l’empreinte écologique grâce à des initiatives. Nous n’y sommes pas encore mais nous avançons.’ Outre les choix de matériaux, Vermeir souligne un autre facteur de durabilité souvent sous-estimé : le service. ‘Les consommateurs s’attendent à ce que vous restiez joignable après l’achat. Si quelque chose ne va pas, ils veulent une solution rapide. Cette confiance est essentielle.’
L’importance du local
Bien que la phase d’orientation se déroule plus que jamais en ligne (via Google, les réseaux sociaux ou les campagnes), le showroom avec des éléments locaux reste indispensable. ‘Vous pouvez voir beaucoup de choses en ligne, mais les matériaux, les couleurs, et les textures, vous devez les toucher. Le canal digital amorce, le magasin offre l’expérience.’ Et cette expérience doit répondre aux attentes du client, peu importe son lieu de résidence. Ce qui fonctionne à Liège ne fonctionne pas nécessairement en Flandre Occidentale. ‘Nous donnons à nos franchisés la liberté de s’adapter à leur région. Une maison de campagne nécessite une approche différente d’un appartement en ville. Cette sensibilité locale est essentielle.’
Moins dépendant des cycles immobiliers
Bien que les ventes de cuisines soient traditionnellement liées aux cycles de déménagement et de rénovation, Ixina essaye de s’en distancer partiellement. ‘Il est vrai que le marché immobilier se redresse, et cela aide certainement. Mais nous remarquons aussi que les gens changent plus rapidement de cuisine. Plus pour la vie, mais pour 20 ans ou moins. Et les tendances évoluent plus vite qu’avant : couleurs pastel, coins arrondis, accents de bois.’ Pour répondre à cela, Ixina élargit son offre vers ‘more than kitchen’ : armoires, dressings, meubles TV dans le même style que la cuisine, pour étendre l’univers dans les autres espaces de vie.
Le danger de la stagnation
Pourquoi certains acteurs du secteur de la cuisine n’arrivent-ils pas à générer cette croissance et ce revirement ? Selon Vermeir, cela est souvent dû à un manque d’autoréflexion. ‘Vous ne pouvez pas continuer à faire ce que vous faisiez il y a cinq ou dix ans. Les attentes ont changé, les clients pensent différemment. Les marques doivent constamment se remettre en question.’ Elle pointe également la force du modèle de franchise, qui stimule l’entrepreneuriat au niveau local. ‘Nos franchisés sont extrêmement investis dans leur magasin. Cet engagement fait la différence.’
Une croissance ambitieuse
En plus de l’augmentation des chiffres de vente, le réseau d’Ixina continue de s’étendre. En 2025, au moins trois nouveaux magasins ouvriront, avec l’ambition d’être présents dans chaque région. ‘Nous voulons que chaque personne en Belgique ait une Ixina à proximité’, conclut Vermeir. ‘La force réside dans la combinaison de personnes talentueuses, de choix judicieux et d’une histoire qui tient la route. Et c’est là que nous continuons à investir.’