Fabrice Brion n’est pas un CEO comme les autres. Ingénieur passionné, entrepreneur wallon déterminé, visionnaire et pragmatique, il a su faire de son projet universitaire une success-story mondiale. À la tête d’I-Care, leader de la maintenance prédictive industrielle, cet entrepreneur incarne l’innovation et l’ambition dans un secteur en pleine expansion. Avec une présence dans 55 pays, des centaines de milliers de capteurs déployés et une croissance fulgurante, son entreprise s’apprête à franchir un cap historique : une introduction en bourse prévue en 2025.
Au-delà des chiffres impressionnants, Fabrice Brion est avant tout un bâtisseur. Il croit en l’importance de la croissance pour garantir l’indépendance de son entreprise et maintenir les centres de décision en Belgique. Entre passion pour la mécanique, leadership participatif et stratégies de développement à long terme, il nous livre sa vision de l’avenir de la tech européenne et des défis à relever pour s’imposer face aux géants internationaux. « Il y a des instants qui changent une vie ». Pour Fabrice Brion, CEO d’I-Care, ce moment où tout a basculé remonte à plus de 25 ans. « Je terminais mes études d’ingénieur à Mons et je devais choisir un sujet de mémoire, je n’avais pas vraiment d’idée. Et puis, mon professeur de mécanique, Monsieur Deroubaix, m’a proposé de travailler sur la maintenance prédictive des machines industrielles. Sur le moment, je n’ai rien compris, mais aujourd’hui, je l’en remercie encore ».
Ce sujet de mémoire a donné naissance à l’une des plus belles pépites technologiques belges, leader mondial dans son secteur et qui s’apprête à entrer en bourse dans les prochains mois.. Cette success-story, Fabrice Brion en parle avec la simplicité et la précision d’un ingénieur en mécanique. « I-Care a fêté ses 20 ans l’an dernier. Nous employons environ 950 personnes dans le monde, dont plus de la moitié en Belgique. Nous avons la particularité d’être une entreprise véritablement fédérale, avec une répartition équilibrée entre nos bureaux francophones (à Mons et Namur) et néerlandophones (Leuven et Malines). Nous avons des filiales dans 12 pays et des clients dans 55 pays et 70% de notre chiffre d’affaires est réalisé à l’étranger ».

« Si je n’avais pas fondé I-Care, j’aurais tout fait pour travailler en F1 »
Ce mémoire de fin d’études est devenu l’acte fondateur d’I-Care. Il trône aujourd’hui en bonne place dans le petit bureau que Fabrice Brion occupe au centre de son siège de Mons, au milieu d’une montagne de livres, d’une collection de casquettes de F1 aux couleurs de Ferrari et d’une écharpe du club de foot de Dortmund.
Mais les couleurs que Fabrice Brion porte le plus fièrement, ce sont celles d’I-Care (prononcez I-Care comme IPhone, ndlr): sur sa chemise comme sur les tee-shirts et les sweats des employés. « Je suis un patron heureux. Je suis content de ce qui a été fait. Je suis content de ce qui reste à faire. Je suis content de voir mes employés souriants. Je pense que vous l’avez vu. Je suis assez content de travailler ici », précise Fabrice Brion, qui passe plus de douze heures par jour au bureau. « Je me lève à 6 h du matin, je suis au bureau tôt et je pars vers 19 h – 19 h 30. Mais pour moi, l’entrepreneuriat, ce n’est pas un travail, c’est une passion. Je peux travailler sur un dossier plutôt que de regarder un mauvais feuilleton sur Netflix, et ça me convient. Mais quand je coupe, je coupe vraiment ». Sa plus grande passion reste tout de même… mécanique. « J’aime l’automobile. Je restaure moi-même des voitures anciennes, notamment des modèles populaires des années 80, ce qu’on appelle les youngtimers. Et puis je suis passionné par la Formule 1 en général et par Ferrari en particulier. Si je n’avais pas fondé I-Care, j’aurais tout fait pour travailler en F1».
« La croissance, indispensable pour rester indépendants »
La croissance de sa pépite, Fabrice Brion en parlerait pendant des heures. Mais quand on lui demande les clés de ce succès, il reste modeste. Et surtout, il regarde loin devant lui pour anticiper les nouveaux défis. « Aujourd’hui, notre secteur est en pleine croissance. Si on veut rester indépendants, parce que c’est la seule manière de garder tous les centres de décision ici en Belgique, il faut, il faut relever ce défi de la croissance ».
Jusqu’ici, tous les voyants d’I-Care sont au vert. « Sur les dix dernières années, nous avons enregistré une croissance moyenne de 35 % par an. Notre ambition est de maintenir cette dynamique sur les dix prochaines années ». Exceptionnel ? Pas vraiment selon le CEO de l’entreprise montoise. « Il faut relativiser ce succès. En Europe, et plus particulièrement en Belgique et en Wallonie, notre croissance peut paraître rapide. Mais replacée dans un contexte mondial, elle est plutôt normale. Nous avons souvent tendance à nous inquiéter face à la croissance, alors qu’elle est essentielle ».
Cette croissance est capitale pour I-Care, mais pour Fabrice Brion, c’est un véritable enjeu économique et sociétal européen qui se joue aujourd’hui. « Pour préserver nos valeurs et notre modèle économique, nous devons impérativement générer de la croissance. Nous devons financer l’éducation, la recherche et développement, la sécurité, la transition énergétique, le vieillissement de la population, tout en gérant une dette publique conséquente. Il est donc essentiel d’encourager la croissance des entreprises technologiques, car elles génèrent des ressources et créent de la valeur. »
La clé de ce succès mondial ? « Je pense que c’est aussi parce qu’on a commencé dix ou quinze ans avant les autres, si on avait commencé plus tard, ça aurait été très difficile. Aujourd’hui, notre obsession, c’est de garder cette avance ». C’est aussi pour cette raison que la nouvelle unité de production sur le site de Mons va bientôt sortir de terre. « Les travaux seront finis cet été et on inaugurera la nouvelle unité en septembre, elle nous permettra d’augmenter nos capacités de production, notamment de pouvoir tourner sur trois pauses ».
Vision, anticipation et stratégie. Voici les trois axes qui portent I-Care depuis sa création en 2004 (l’entreprise vient de fêter ses 20 ans). « Nous avons deux stratégies complémentaires. La première repose sur la croissance organique : nous développons nos relations avec nos clients existants et nous nous implantons dans de nouveaux secteurs et pays, en investissant dans le marketing et le service. La seconde repose sur la croissance externe : nous effectuons des acquisitions stratégiques d’entreprises concurrentes ou complémentaires lorsque les opportunités se présentent. Nous avons réalisé huit acquisitions en huit ans, soit une par an en moyenne. La dernière date de juin et concernait une société en Allemagne ».
Le site montois d’I-Care, c’est une ruche technologique qui bouge en permanence, où les espaces sont assez petits, proches, ce qui a tendance à renforcer le collectif et l’esprit d’équipe. Il faut préciser que cette culture d’entreprise horizontale et participative, mise en place par le CEO lui-même, fonctionne efficacement. Elle responsabilise les équipes dans la transparence, en les associant à de nombreuses décisions stratégiques. « C’est fondamental », insiste Fabrice Brion. « Dire ce que l’on va faire et faire ce que l’on a dit est un principe clé. Je pense que c’est mon côté ingénieur : il faut boucler la boucle. Nous ne cachons pas nos ambitions. Lorsqu’on annonce vouloir multiplier notre taille par dix en dix ans, certains pensent que c’est exagéré. Mais jusqu’à présent, nous avons toujours respecté nos engagements ».
Fabrice Brion aime le foot (et particulièrement Anderlecht), mais il compare souvent son rôle de CEO à celui de sélectionneur des Diables Rouges. « Un sélectionneur d’équipe nationale doit faire avec les joueurs dont il dispose. Il ne peut pas acheter les talents ailleurs. De la même manière, mon rôle est d’exploiter au mieux les compétences de notre équipe sans aller chercher systématiquement des talents externes. »
Des équipes qui bénéficient d’une grande autonomie dans leurs projets. « Aujourd’hui, les employés ont besoin de donner du sens à leur travail. L’autonomie et la transparence leur permettent d’être davantage impliqués. » C’est aussi dans cette volonté de créer un véritable esprit d’entreprise, d’équipe que Fabrice Brion a très vite décidé d’ouvrir le capital d’I-Care au personnel. « Un tiers de nos employés sont actionnaires. Si nous réalisions une nouvelle augmentation de capital, nous atteindrions probablement un employé sur deux ». Cet actionnariat du personnel favorise l’implication et la vision à long terme.
La maintenance prédictive vit aujourd’hui une révolution permanente, boostée par les progrès gigantesques de l’intelligence artificielle. Pas de quoi inquiéter Fabrice Brion qui connaît mieux que personne l’impact potentiel de l’IA sur la maintenance prédictive.
« Pour nous, cette révolution de l’IA a déjà eu lieu depuis longtemps, nous faisons de l’intelligence artificielle depuis plus de 20 ans, même si le nombre de données traitées a totalement explosé ». L’intelligence artificielle est clairement au cœur des process d’I-Care, qui tente d’anticiper les nouvelles évolutions pour garder son avance sur la concurrence. « C’est l’une des applications les plus rentables et les plus rapides de l’IA dans l’industrie. Nous avons connu une explosion du nombre de capteurs : nous avons produit 10 000 capteurs en 10 ans avec notre première génération, puis 10 000 en 18 mois avec la deuxième, et aujourd’hui nous en fabriquons 1 500 par jour. L’IA est indispensable pour traiter ces volumes de données. C’est pour cette raison que notre métier est en pleine croissance aujourd’hui et que de plus en plus de clients font appel à nous. Le volume augmente, idem pour les capacités d’acquisition, la quantité de données que chacun de ces capteurs va générer. Ça veut dire que quand j’ai commencé mon mémoire il y a plus de 20 ans, sur le net, sur le web, on avait une donnée tous les trois mois. Aujourd’hui, on a une donnée toutes les quinze minutes ».
« La maintenance prédictive, c’est l’inverse de l’obsolescence programmée »
L’homme qui soigne les machines, celui qui les écoute, qui les soigne. Les médias ont multiplié les formules pour tenter de vulgariser le concept de la maintenance prédictive industrielle, le secteur où brille I-Care. En fait, Fabrice Brion prolonge la durée de vie des machines, en plus d’être une sorte de lanceur d’alerte technologique des éventuels problèmes. « La maintenance prédictive, c’est l’inverse de l’obsolescence programmée. Quand on achète quelque chose, on a programmé une date de fin. Nous, c’est tout l’inverse. On fait en sorte que les machines tiennent plus longtemps, qu’elles durent plus longtemps que prévu. »
Mais l’obsolescence programmée, elle, existe bel et bien, et certains en abusent pour pousser à la consommation. « Moi, je suis ingénieur mécanicien et en mécanique, pour concevoir quelque chose, il y a deux règles fondamentales. Il faut que ça marche et il faut que ça tienne. Et pour faire un calcul de conception mécanique, il faut définir quelle est la durée de vie souhaitée. Personne ne sait calculer quelle doit être l’épaisseur d’un verre, d’un câble, d’une coque de téléphone, si on ne lui dit pas combien de temps elle doit fonctionner. Bref, il faut toujours définir une durée de vie potentielle. Le problème, c’est que certaines marques pour tirer les prix vers le bas et pour vendre plus, ont tendance à utiliser des durées de vie qui sont excessivement courtes. »
Et c’est vrai qu’I-Care fait exactement l’inverse. « Chaque jour, nous sommes connectés à 500.000 machines dans le monde via nos capteurs, nous recevons des données toutes les quinze minutes. Notre rôle est d’analyser les données et de fournir un diagnostic aux clients, pour leur dire quand intervenir sur une machine. Nous ne réparons pas nous-mêmes, nous prévenons les pannes. En réalité, nous prolongeons la vie des machines car nous évitons de devoir ouvrir la machine pour intervenir dans le mécanisme, ce qui provoque une possibilité de casse. Pour faire une comparaison avec l’entretien d’une auto, notre travail permet de faire un entretien à 240.000 kilomètres plutôt qu’après 30.000. »

« Je crains plus les non-décisions de la Commission européenne que les décisions de Trump »
Quelques semaines avant l’élection de Donald Trump, Fabrice Brion, qui possède une importante filiale à Houston (Texas, USA) avait déclaré dans une interview que le retour aux affaires de Trump pourrait être bénéfique pour l’économie. Il n’a pas changé d’avis. « Oui, et Trump peut remercier Joe Biden, qui a favorisé les investissements industriels avec son combat contre l’inflation. Aujourd’hui, le marché américain tourne à plein régime et ces investissements sont rentabilisés. En ce qui concerne l’Europe, il faudrait que cela nous fasse prendre conscience de la nécessité de réindustrialiser et de ne pas dépendre uniquement d’autres marchés. Et de prendre des décisions. J’ai souvent plus peur des non-décisions de la Commission européenne que des décisions de Trump. Ne pas décider est parfois pire que de prendre une mauvaise décision. »
« Investir dans la tech protégera plus l’Europe que des chars et des missiles »
Autre paradoxe de la pépite montoise, elle a pris son essor et le leadership mondial dans un secteur technologique où les entreprises européennes sont souvent à la traîne. Aujourd’hui encore, le secteur peine à convaincre le monde politique que la tech peut être un moteur économique . « Malheureusement, en Europe, on a souvent peur du changement et de ses conséquences. Pourtant, ne pas changer est souvent bien plus dangereux que le changement lui-même. Si nous étions passés à l’action il y a dix ans, nous ne serions pas dans cette situation aujourd’hui. L’immobilisme ne fait qu’aggraver le problème ». Pour lui, les plans de subsides sans lame de fond, sans prise de conscience, ne serviraient à rien. « Il est capital que le monde politique fasse enfin passer le message que l’avenir se trouve dans la tech, que le monde change et qu’on doit changer. Que si on veut maintenir une présence économique, notre présence, nos valeurs, on a besoin de peser dans ce monde technologique. Ce sera plus efficace pour se protéger que des missiles ou des chars. »

I-Care prépare son introduction en bourse en 2025 : un pari stratégique pour la tech en Europe
Ce n’est pas une nouveauté : I-Care, prévoit son introduction en bourse en 2025. Et même s’il n’avance aucune date précise, Fabrice Brion, défend cette décision comme un levier crucial pour la croissance de l’entreprise et un signal fort pour l’industrie technologique européenne.
Un choix stratégique pour la tech européenne
« On croit au principe de la bourse. Beaucoup d’entreprises technologiques aux États-Unis le font, mais en Europe, on a oublié l’intérêt de cette introduction », explique Fabrice Brion. Il estime que l’Europe est en train de « perdre un match à neuf points » face aux grandes puissances technologiques.
Ce match perdu, selon lui, se joue sur trois niveaux : le manque de grandes entreprises tech en Europe, l’absence de création d’emplois à haute valeur ajoutée et le retard des investisseurs à soutenir des entreprises technologiques innovantes.
« On a conseillé pendant de nombreuses années à nos investisseurs d’investir dans des valeurs sûres comme bpost et Proximus, et pas dans des entreprises considérées comme plus risquées, comme Google, Facebook ou Amazon. On voit aujourd’hui le résultat… », souligne le dirigeant.
Une introduction conditionnée à la conjoncture économique
Quant au calendrier exact de l’introduction en bourse, Fabrice Brion reste prudent. « Tout dépend de la conjoncture. A priori, pour l’instant, on est toujours sur une tendance pour 2025. Mais on voit quelques soubresauts sur les marchés avec ce qui se passe d’un point de vue macroéconomique. Peu de gens pourraient dire avec certitude une date précise. »
L’incertitude économique mondiale, notamment après la crise en Ukraine, a déjà retardé ce projet, initialement prévu en 2022. Cependant, le CEO se veut confiant : « C’est un plan qu’on met en place depuis plusieurs années. On est prêts, on appuiera sur le bouton au bon moment. »
Accélérer la croissance d’I-Care
L’objectif de cette introduction en bourse est clair : financer l’expansion d’I-Care. « La croissance va se faire par deux leviers : la croissance organique, via des investissements en marketing et l’ouverture de nouveaux pays, et la croissance par acquisitions, en saisissant les opportunités », détaille Fabrice Brion.
Avec ce projet, I-Care espère renforcer sa position de leader en maintenance prédictive et envoyer un signal fort à l’écosystème technologique européen. Son introduction en bourse pourrait être un tournant non seulement pour l’entreprise, mais aussi pour le développement de la tech en Europe.

PLUS-VALUE BELGE
La Belgique, un atout stratégique pour l’internationalisation des entreprises
La Belgique se distingue par sa position géographique et culturelle unique en Europe, ce qui en fait à la fois une opportunité et un défi pour les entreprises qui y évoluent. Fabrice Brion tente de tirer profit de la particularité du modèle belge et les avantages qu’il offre aux entreprises souhaitant conquérir les marchés internationaux.
Une entreprise ancrée dans la double culture belge
Contrairement à d’autres start-up ou scale-up qui se concentrent sur une seule région ou un seul marché linguistique, I-Care utilise la structure fédérale belge. « Je pense qu’on a la particularité sur la Belgique, par rapport à d’autres start-up, d’être encore fédérale », explique Fabrice Brion. Son entreprise bénéficie d’une répartition équilibrée des effectifs entre les bureaux néerlandophones, situés à Leuven et Malines, et les bureaux francophones implantés à Mons et Assesse. Cette configuration n’est pas le fruit du hasard, mais d’une volonté stratégique dès le départ. « C’était une volonté depuis le début. Et puis, les acquisitions, la croissance des clients ont fait qu’on a continué à se développer de manière assez parallèle des deux côtés, ce qui est une force finalement, puisque aujourd’hui notre marché, c’est le monde. »
Une ouverture sur le monde grâce à la diversité belge
L’internationalisation est un enjeu clé pour les entreprises belges. Avec des clients répartis dans 55 pays et des filiales dans 12 pays, l’entreprise de Fabrice Brion réalise plus de 50 % de son chiffre d’affaires à l’exportation. Selon lui, la diversité culturelle belge représente un avantage stratégique majeur : « Une force se trouve dans la Belgique puisqu’on a, du côté flamand, plus la mentalité du nord de l’Europe, qui permet de faire plus facilement des affaires aux Pays-Bas, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Tandis que du côté francophone, on a plus une mentalité sud-européenne, qui facilite les relations commerciales avec les Français, les Italiens et les Espagnols. »
Cette capacité d’adaptation et de flexibilité, nourrie par le multilinguisme et la diversité des mentalités, fait de la Belgique un terreau fertile pour les entreprises à vocation internationale.
L’emploi : un enjeu prioritaire
En tant qu’employeur, Fabrice Brion confirme que son entreprise recrute régulièrement. « On engagera encore cette année plus de 100 personnes, dont une majorité de profils ingénieurs, mais aussi des fonctions support dans le marketing, la vente, l’administration, la finance et l’audit. » Contrairement aux idées reçues, il assure ne pas rencontrer de grandes difficultés de recrutement, notamment en Wallonie.
Toutefois, il met en avant un problème majeur du marché du travail belge : le décalage entre les compétences disponibles et les besoins des entreprises. « Aujourd’hui, on crée des emplois en Belgique et en Wallonie, mais on a un problème de compatibilité entre les compétences des demandeurs d’emploi et les offres. » Pour lui, la solution réside dans l’investissement massif dans l’éducation. « Si on continue sans cesse chaque année à mettre des gens sur le marché du travail qui n’ont pas les compétences nécessaires pour les jobs créés, c’est un peu comme le nettoyage des écuries d’Augias. »
Un rapprochement nécessaire entre enseignement et entreprise
Pour résoudre cette inadéquation, il plaide pour un rapprochement entre le monde de l’enseignement et celui de l’entreprise, afin d’aligner les formations avec les besoins du marché. Il n’hésite pas non plus à remettre en question les pratiques des entreprises elles-mêmes : « L’enseignement doit bien sûr se remettre en question, mais je ne dédouane pas le monde de l’entreprise. Quand un poste reste ouvert trop longtemps, il faut se demander si on ne cherche pas des moutons à cinq pattes. Les entreprises doivent s’adapter en revoyant leurs attentes et en proposant de la formation en interne. »
Transformer les défis belges en opportunités
Pour Fabrice Brion, la Belgique est à la fois une chance et une malchance. « Il faut retourner ces inconvénients en avantages. La Belgique se trouve à cheval sur la frontière entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. Ce n’est pas juste une frontière linguistique belge, c’est une véritable frontière européenne. Il faut savoir en jouer, en retirer les côtés positifs plutôt que de toujours voir les côtés négatifs. »
Grâce à son positionnement unique en Europe, sa diversité culturelle et linguistique, ainsi que sa capacité d’adaptation, la Belgique peut être un véritable levier de succès pour les entreprises qui savent en tirer parti.