Jonas Dhaenens a créé Combell en 1999 dans sa chambre. Il était alors âgé de 16 ans. Ce qui n’était au départ qu’un petit service d’hébergement de sites web est devenu en à peine 25 ans l’une des plus grandes entreprises technologiques européennes. team.blue compte des millions de clients dans quelque 22 pays. Rencontre avec un visionnaire passionné.
Son nom est inconnu du grand public, qui n’a pas non plus la moindre idée de ce que représente team.blue. Pourtant, en à peine 25 ans, Jonas Dhaenens a écrit une success story improbable. Au départ, il ne s’agissait que d’une modeste boîte proposant des solutions d’hébergement de sites web pour de petites entreprises. Devenue entre-temps team.blue, la société figure aujourd’hui parmi les géants du numérique, avec un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros.
« Mon téléphone portable était sur ma table de nuit, les revendeurs pouvaient toujours me joindre, c’était capital pour moi »
En 1999, alors qu’Internet en est encore à ses balbutiements, Jonas Dhaenens commence à créer des sites web et à héberger des noms de domaine. Fils d’indépendants – son père dirigeait un bureau d’assurances et sa mère un magasin bio –, l’entrepreneuriat coule littéralement dans ses veines. « J’ai toujours voulu me lancer comme indépendant. C’était tout à fait logique à mes yeux », se souvient Jonas Dhaenens. Son « r » gantois trahit ses origines, tandis que son apparence garde encore quelque chose d’enfantin. Rien ne laisse transparaître son statut d’entrepreneur technologique, trônant à la tête d’une entreprise de plusieurs millions de dollars. « Je ne dirige pas une start-up deep tech, je ne suis pas programmeur. Je comprends bien la technologie et son fonctionnement, et je sais quelles sont les tendances. Mais j’ai toujours été du côté des chiffres. Il fallait que ça ait du sens sur ce terrain-là. » Ses études secondaires en comptabilité et en informatique symbolisent bien la fusion qu’il incarne. Un entrepreneur passionné, doté d’une bonne dose de connaissances technologiques, parfaitement à l’aise dans le monde des chiffres.
Les premières années
Combell, la petite entreprise qu’il a fondée dans sa chambre, s’est révélée rentable dès le premier jour. « J’ai beaucoup appris sur le tas et j’ai très vite compris que je devais mettre en place un modèle financier solide », précise-t-il. Grâce à son sens de l’adaptation et de l’efficacité, il est rapidement parvenu à affiner le modèle financier de son entreprise. À l’instar des polices d’assurances vendues par son père, Jonas a découvert la puissance des revenus récurrents grâce aux abonnements. Cette méthode constituera la base de son succès ultérieur et actuel.
Pendant que ses camarades de classe faisaient la fête, il travaillait sans relâche. Vendeur le jour, il se glissait le soir derrière le helpdesk. « Mon téléphone portable était sur ma table de nuit, les revendeurs pouvaient toujours me joindre, c’était capital pour moi. S’il y avait quoi que ce soit, je me rendais immédiatement sur place pour donner un coup de main. Est-ce que je manquais de sommeil ? Quand on est jeune, on peut se permettre ce genre de chose », lance Jonas Dhaenens dans un sourire.
Combell a connu une croissance fulgurante. Après seulement deux ans, l’entreprise avait déjà réalisé un chiffre d’affaires de 200 000 euros, avant d’atteindre l’année suivante les 500 000 euros. En 2008, Combell a totalisé un chiffre d’affaires de près de 6 millions d’euros, principalement grâce à une croissance organique. Entre la création de Combell et 2015, Jonas Dhaenens a conclu 25 petites acquisitions en Belgique et dans les pays voisins. Chacune de celles-ci a été soigneusement pensée dans l’optique de renforcer la position de Combell sur le marché tout en assurant une croissance importante. Basées sur des partenariats intelligents, ces acquisitions n’ont pas seulement permis des économies d’échelle, elles ont aussi développé l’expertise technologique de l’entreprise, rendant Combell de plus en plus performante pour ses clients.
Le premier partenaire Private Equity externe
L’année 2015 a marqué un tournant dans l’histoire de Combell, avec l’entrée du fonds de capital-risque Waterland, opération qui a contribué à la croissance de l’entreprise. Avec le soutien de Waterland, Combell a pu porter son regard au-delà du Benelux, ailleurs en Europe. Le rythme s’est accéléré, avec 20 acquisitions supplémentaires en quatre ans. « Tout ça a entraîné une énorme augmentation de la croissance, tant au niveau des activités que du chiffre d’affaires », se souvient Jonas Dhaenens.
Épaulée par Waterland, l’entreprise s’est rapidement transformée en un acteur européen d’envergure. « Fin 2018, nous avions fait de Combell Group une entreprise au chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, axée sur les entrepreneurs et les PME. Nous détenions aussi une autre société d’hébergement, Sentia, également avec un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, qui se concentrait sur des solutions sur mesure pour les grandes entreprises. Cette dernière est devenue une boîte indépendante, ensuite vendue à Accenture. »
« Chaque euro que je gagnais était réinvesti dans l’entreprise »
La naissance de team.blue
Si l’année 2015 représentait déjà un grand bond en avant, c’est en 2019 que Jonas Dhaenens a abattu sa meilleure carte. Waterland a cédé la place au fonds d’investissement Hg Capital. Ce fonds a racheté la participation de Waterland pour assurer la poursuite de l’expansion. Jonas Dhaenens a également investi massivement dans la croissance. « Chaque euro que je gagnais était directement réinvesti dans l’entreprise. J’ai même emprunté des sommes supplémentaires », confie-t-il en riant. La stratégie d’acquisitions et de fusions est restée l’épine dorsale de l’entreprise. Jonas Dhaenens a négocié une fusion entre le groupe Combell et son partenaire sectoriel néerlandais TransIP Group. Le groupe Register est lui aussi entré dans la danse, et le fruit de cette fusion a donné naissance à team.blue. La chambre d’ado gantoise n’était plus qu’un lointain souvenir. Mais comme toujours, le visionnaire Jonas Dhaenens ne s’est pas arrêté là. À un rythme effréné, l’entrepreneur a continué à débusquer des entreprises SaaS innovantes et d’autres acteurs numériques susceptibles de conférer une valeur ajoutée à l’écosystème de team.blue. Cette quête a conduit à une croissance constante de sa clientèle et de son offre de services, de sorte que l’entreprise est aujourd’hui présente dans 22 pays, emploie plus de 2 800 personnes et gère quelque 3,3 millions de clients. C’est l’une des plus grandes entreprises technologiques non cotées en bourse en Europe. C’est aussi un géant des noms de domaine, de l’hébergement web et des solutions numériques pour les PME. « D’ici fin 2024, nous visons un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros, à travers les 60 marques que rassemble le groupe », déclare Jonas Dhaenens.
L’avenir
team.blue est aujourd’hui une entreprise qui pèse un milliard de dollars. Cet été, le fonds de pension canadien CPP Investments a investi 550 millions d’euros dans la société, ce qui représente une participation d’un peu moins de 20 %. Voilà qui porte la valeur d’entreprise de team.blue à 4,8 milliards d’euros. L’ambition de team.blue est de doubler sa croissance en cinq ans.
« Nous devons continuer à évoluer. Bien que l’entreprise serve toujours ses clients d’origine – des PME en mal de site web et de solutions numériques –, le marché s’est métamorphosé de manière spectaculaire. Un simple site web et un nom de domaine ne suffisent plus aujourd’hui. Les entreprises ont besoin d’une identité numérique complète et d’outils pour prospérer en ligne. C’est pourquoi nous nous concentrons depuis 2020 sur les innovations de produits. » L’entreprise élargit son offre de produits et investit dans des sociétés SaaS qui sont à la pointe en matière de développements technologiques. « Plus de la moitié des acquisitions que nous avons réalisées ces dernières années visaient à élargir l’offre de produits. Au cours des deux dernières années, ce chiffre dépasse même les 80 %. » Jonas Dhaenens considère son entreprise comme un écosystème de solutions numériques, dont chaque partie contribue au succès de l’ensemble.
« Je suis toujours passionné », répond-il lorsque nous lui demandons comment il parvient à tout superviser. « Tout évolue rapidement. Oui, c’est plus complexe, mais ma vision est restée la même. J’aime déléguer, et chaque pays est proche de sa clientèle à travers sa propre marque. » Il investit dans un système de copropriété, où les employés peuvent participer à la croissance et au développement de team.blue. Jonas Dhaenens est devenu un président qui, d’une part, surveille la vision à long terme et les opportunités du marché tout en restant, d’autre part, le visage et la voix qui traite avec les investisseurs institutionnels et les analystes.
Il est lui-même investisseur, par le biais de différents fonds, dans plusieurs petites entreprises depuis 2015. « Je combine un regard d’entrepreneur et une approche d’investisseur. Ça m’aide aussi à mieux comprendre les questions de nos investisseurs. » Aux jeunes entrepreneurs, il conseille de ne jamais perdre de vue l’objectif de leur entreprise. « Restez concentré et gardez le cap. »