Le secteur français de la thalassothérapie fait face à une double pression : une concurrence étrangère toujours plus agressive et une clientèle en quête de bien-être global, de résultats concrets et d’approches personnalisées. Si la France reste le leader mondial en nombre de centres, son chiffre d’affaires ne la place qu’au quatrième rang, signe d’un modèle qui peine à convertir l’héritage en performance économique. Pourtant, quelques acteurs tirent leur épingle du jeu en misant sur l’innovation et la qualité. C’est le cas des Thermes Marins de Saint-Malo.
Avec 56 centres de thalassothérapie et 88 stations thermales, la France reste une place forte du bien-être aquatique. Mais cette position héritée d’une tradition médicale et balnéaire ancienne est aujourd’hui remise en cause. Les effets de la crise sanitaire ont entraîné une baisse durable de la fréquentation. En 2024, les centres thermaux n’ont pas retrouvé leurs niveaux d’avant-COVID, avec une fréquentation toujours inférieure de 18,7% par rapport à 2019.

Dans le même temps, des destinations étrangères comme la Tunisie, où une semaine de thalasso coûte trois fois moins qu’en France, grignotent des parts de marché. Le public, plus jeune, plus mobile, exige aujourd’hui des offres personnalisées, efficaces, et intégrant des technologies connectées. La thalassothérapie française doit se réinventer ou se faire marginaliser. C’est dans ce contexte mouvant que les Thermes Marins de Saint-Malo tirent leur épingle du jeu.
Du Grand Hôtel de Paramé à un groupe d’envergure
L’ancrage historique du site remonte à 1880, lorsque le Grand Hôtel de Paramé est construit pour accueillir la haute société européenne dans un style digne des palaces de la Belle Époque. Ce n’est qu’en 1963 que le Docteur Pierre Héger, pionnier de la médecine marine, transforme l’établissement en centre de soins par l’eau de mer.

Mais c’est le tournant de 1981 qui va marquer l’entrée dans une nouvelle ère : Serge Raulic, ancien bras droit de Louison Bobet à Quiberon, rachète les Thermes Marins. Il engage alors une vaste stratégie de modernisation des infrastructures, avec un positionnement haut de gamme qui rompt avec les logiques curatives traditionnelles. Le Grand Hôtel devient un véritable complexe de santé et de luxe, où le soin est indissociable de l’expérience client.
Gouvernance familiale et stratégie au long cour
Aujourd’hui encore, les Thermes Marins de Saint-Malo restent un groupe intégralement familial. Sous la houlette de Serge Raulic, président, de son fils Olivier Raulic, directeur général, et de Charlotte Raulic-Bordron, la nouvelle génération, l’entreprise conjugue continuité et innovation. Le groupe emploie 850 personnes, gère dix structures d’hébergement, trois centres Aquatonic (Rennes, Paris Val d’Europe, Nantes), un golf 27 trous et une ligne de cosmétiques marins.

Le seul site de Saint-Malo emploie 470 salariés, reçoit 30 000 curistes annuels et génère un chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros en 2023, avec une rentabilité nette de 18,7%. Dans un secteur en crise, cette performance est remarquable. Le groupe Raulic est aujourd’hui le premier acteur indépendant français de thalassothérapie.
Une médecine du bien-être hautement spécialisée
Ce leadership repose sur une intégration poussée des compétences médicales. Contrairement à la majorité des centres, les Thermes Marins disposent de trois médecins intégrés, dont une spécialiste de l’hypnose, une en ostéopathie, et une médecin environnementale. Leur mission : personnaliser les cures, réduire les traitements médicamenteux, et inscrire les soins dans une logique préventive.




Les offres comme le séjour « Starter Poids de forme » ou l’escapade « Future Maman » illustrent cette approche. Elles combinent soins d’hydrothérapie (affusions dynamiques, enveloppements d’algues, douches sous-marines), bilans personnalisés, nutrition diététique et activité physique adaptée. Le tout est coordonné par une équipe de plus de 100 professionnels : kinésithérapeutes, diététiciennes, esthéticiennes, coachs sportifs, hydrothérapeutes.
L’innovation comme ADN
Historiquement innovants (le parcours Aquatonic date de 1986), les Thermes Marins poursuivent cette dynamique. Le soin « Kobido by TMSM », nouveauté de cette année, combine traditions asiatiques et rigueur médicale française. L’introduction de l’ostéopathie médicale, la création d’espaces de relaxation sensorielle, les nouveaux outils de diagnostic (impédancemétrie, bilans fonctionnels) renforcent l’offre. Cette capacité à développer des protocoles internes et à former ses équipes (plus de 100 praticiens spécialisés) permet une maîtrise de la chaîne de soin rare dans le secteur.

Du soin au grand art de vivre
Les soins ne sont qu’une facette de l’expérience malouine. Le Grand Hôtel des Thermes, cinq étoiles, offre un confort palace dans un cadre historique face à la mer. Les chambres à bow-windows offrent une vue sur les remparts ou la plage, et l’intérieur conjugue tradition d’hôtellerie d’excellence et touches contemporaines. Préférez, cependant, les chambres avec balcon. La prise directe qu’ils offrent sur le plage du Sillon est les embruns de la mer ajoute beaucoup au confort de la chambre. Le piano-bar de la Passerelle, les salons boisés, les luminaires dorés, les détails du service contribuent à une atmosphère feutrée où l’on se sent attendu.


Côté restauration, le Cap Horn est le restaurant gastronomique de l’hôtel, avec une cuisine inspirée de la grande tradition française. Le chef Daniel Le Guénan y revisite avec panache les grands classiques de ce qui reste l’une des meilleures cuisines du monde. Vue panoramique sur la Manche, carte marine et raffinée, desserts signés Sylvain Dahirel perpétuent l’expérience “palace” d’un séjour au Grand Hôtel des Thermes.




La Verrière, restaurant diététique, propose une cuisine de rééquilibrage à base de produits locaux, avec menus adaptés aux séjours santé. Dirigée lui aussi par Daniel Le Guénan, ce deuxième restaurant, installé sous une majestueuse verrière qui lui donne son nom, soutenue par d’impressionnants piliers en ferronnerie imitant des arbres, n’oublie cependant pas d’être gourmand. Les portions y sont peut-être même plus agréables que les généreuses assiettes du Cap Horn. Enfin, La Terrasse permet une offre plus décontractée lors des beaux jours en profitant de l’environnement au plus près de la mer.


Chaque table offre une expérience complémentaire : plaisir, santé, convivialité. En 2025, le végétal prend une place centrale, les assiettes sont plus flexibles, les recettes sans gluten montent en gamme, et le travail des algues bretonnes devient un axe identitaire fort.
Une référence européenne face à une concurrence globalisée
Alors que de nombreux centres français ferment ou changent de mains, Saint-Malo renforce ses positions. Le modèle des Thermes Marins repose sur une intégration verticale, une excellence technique, et un positionnement prix assumé. Loin du tout-inclus à bas coût, l’établissement vise une clientèle européenne exigeante, prête à investir dans une santé de qualité.

L’impact local est également notable : les Thermes figurent parmi les trois plus grands employeurs de la ville, participent au rayonnement touristique de la Bretagne, et développent des partenariats avec des filières agricoles et maritimes locales.
Le thermalisme français à la croisée des chemins
Le succès des Thermes Marins de Saint-Malo est bien plus qu’un cas d’école. Il incarne une vision globalisée du thermalisme, où soin, hébergement, gastronomie et gouvernance convergent pour créer un modèle résilient et exportable.

Dans un marché européen en recomposition, leur trajectoire interpelle : combien d’acteurs sauront encore conjuguer exigence médicale, expérience client et performance économique sans renoncer à l’ancrage local ? Saint-Malo répond à cette question par les faits. Mais qui peut encore les suivre ?