L’or n’a jamais pesé aussi lourd qu’en 2025. Les cours ont battu record sur record, propulsés par les guerres, l’instabilité géopolitique et la perte de confiance généralisée dans les marchés financiers.
Valeur refuge par excellence, le métal jaune a vu son prix grimper en flèche, entraîné par des achats massifs de particuliers, d’investisseurs… mais aussi de banques centrales. « Quand le Qatar achète de l’or, ce n’est pas la même échelle que Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Ça fait bouger le cours immédiatement et ça le maintient très haut », rappelle Alexis Gosse, 26 ans, fondateur de l’Agence de l’Or, enseigne spécialisée dans l’achat et la vente de métaux précieux.
Une génération crypto qui revient au tangible
Face au bitcoin et à l’immobilier, longtemps considérés comme alternatives stars, l’or reprend l’avantage. « Je préfère dire que le bitcoin, c’est le nouvel or. Les profils qui investissent dans les cryptos ressemblent beaucoup à ceux qui achètent de l’or », observe Alexis. Même volonté de diversification, même besoin de liquidité et de décentralisation. La différence ? « Le bitcoin, on a 15 ans de recul. L’or, c’est 4000 ans d’histoire. » Difficile de faire plus solide en matière d’actif anticrise.

La Chine l’a bien compris : Pékin incite désormais sa jeunesse à investir massivement dans l’or, au détriment des bijoux de luxe. Résultat : le marché de la bijouterie recule, mais jamais la Chine n’a vendu autant de lingots et pièces qu’aujourd’hui. « Les jeunes se détachent des objets de marque pour aller vers des actifs tangibles qui gardent leur valeur », constate Alexis.
Un actif lent, mais sûr
Le patron de l’Agence de l’Or insiste : l’or n’est pas un produit spéculatif. « Il ne faut pas s’attendre à +30 % en six mois. C’est un actif sûr, mais lent. » Même après la flambée des derniers mois, le marché est revenu sur une volatilité « normale ». UBS table toutefois sur un cours dépassant les 100 000 €/kg à moyen terme. « Je ne serais pas étonné de le voir passer ce cap. »
Si la Belgique attire, c’est aussi pour son cadre fiscal. « Aujourd’hui, il y a 0 % de taxes sur l’or physique, à l’achat comme à la revente », précise Gosse. Mais attention : la fête pourrait être de courte durée. Une nouvelle taxe sur la plus-value est annoncée pour 2026, sans certitudes sur son application. Le conditionnel reste de mise.

Qui achète de l’or en Belgique ?
Du jeune investisseur méfiant vis-à-vis des banques à l’agriculteur qui enterre son stock sous béton dans son jardin, les profils sont multiples. « La phrase que j’entends le plus ? « Je n’ai plus confiance dans les banques. » » La fourchette d’investissement est large : de 1 000 à 3 000 € pour les plus prudents, jusqu’à plusieurs centaines de milliers pour les gros portefeuilles. « En moyenne, ça tourne entre 10 000 et 50 000 €, mais j’ai récemment eu un client à 357 000 €. Et encore, je reste un petit poisson : dans certaines boîtes, ce montant, c’est une matinée. »
La Belgique a une histoire particulière avec le métal jaune. Umicore, l’une des plus grandes fonderies mondiales, est belge. Et la culture de l’or y est profondément ancrée : « Des clients me disent qu’à Noël, ils recevaient une pièce d’or de leurs grands-parents. » Une tradition discrète mais efficace : un Krugerrand acheté 50 euros dans les années 80 en vaut 3 000 aujourd’hui.

Dépoussiérer un secteur opaque
Si l’or garde une image élitiste – celle des lingots de 12,5 kg qu’on voit dans les films – Alexis insiste : il est possible d’investir petit à petit. « Beaucoup de gens ignorent qu’on peut acheter pour 500 ou 1000 €. Dans la tête des gens, acheter de l’or, c’est réservé aux milliardaires. »
Avec ses trois agences en Belgique, il cherche à moderniser la pratique : transparence, rapidité, accueil soigné. « Je voulais casser l’image opaque et poussiéreuse des comptoirs de métaux précieux. Chez nous, il y a des diffuseurs de parfum, du café, et surtout, les clients sont payés dès le lendemain. » Un positionnement de proximité qui tranche avec un secteur parfois plombé par une réputation sulfureuse.
Une ambition en or
Entré dans le métier presque par hasard après des études de gemmologie, Alexis a monté sa société en fonds propres. Aujourd’hui, il rêve grand : « En 2030, j’aimerais avoir une cinquantaine d’agences. » Pour l’instant, il reste seul actionnaire. Mais demain ? « J’aimerais ouvrir l’actionnariat, avec des tickets d’entrée élevés. »
En attendant, il capitalise sur un marché en pleine mutation, où l’or s’impose comme le dernier rempart face aux crises à répétition. À la fois valeur refuge millénaire et nouvel objet de désir pour une génération en quête de tangible. « Ce qui rassure les gens, c’est de pouvoir tenir leur argent dans la main, de le mettre dans leur poche et de prendre l’avion avec. » Dans un monde incertain, difficile de faire plus concret.

