En frappant les murs de la Royal Courts of Justice le 8 septembre 2025, Banksy ne s’est pas contenté d’un geste politique. Il a aussi déclenche, comme d’habitude, une onde de choc dans le marché de l’art contemporain, où chaque apparition de l’artiste anonyme est synonyme de spéculation, de tensions juridiques et de forte valorisation potentielle.
Depuis plus de vingt ans, Banksy bouscule les règles du jeu artistique. À chaque nouvelle œuvre, une mécanique spéculative s’enclenche. L’œuvre de Londres, bien que recouverte rapidement, n’échappe pas à ce phénomène. Des acheteurs potentiels ont déjà approché des cabinets juridiques pour tenter de négocier le rachat du mur.
Entre 2015 et 2021, le chiffre d’affaires du marché des œuvres de Banksy est passé de 1,2 million à 35,2 millions de livres sterling, avant de se stabiliser autour de 6 millions en 2024. Le potentiel de valorisation de cette nouvelle fresque est donc élevé (si tant est qu’elle puisse être conservée).
La question de la propriété : un vide juridique persistant
Comme toujours avec Banksy, la propriété de l’œuvre soulève des débats épineux. Le bâtiment appartient au HM Courts and Tribunals Service, qui a immédiatement annoncé la suppression de la fresque pour des raisons de conservation patrimoniale. Officiellement, la Royal Courts of Justice étant un bâtiment classé, toute altération de sa façade est interdite.

Mais cette décision entre en contradiction avec la logique du marché de l’art : certains propriétaires de murs ornés de Banksy ont par le passé réussi à vendre leur pan de mur à des collectionneurs pour des sommes à six chiffres.
Un modèle économique à contre-courant
Banksy a su contourner les circuits traditionnels via son propre organisme d’authentification, Pest Control Office, garant de la légitimité de ses œuvres. Ce dispositif lui permet de garder un contrôle sur le marché secondaire tout en préservant l’anonymat indispensable à sa pratique illégale du street art.

Ce paradoxe entre illégalité et valorisation extrême rend chaque œuvre de Banksy juridiquement et économiquement unique. À ce jour, certaines pièces, comme Love is in the Bin (18,6 millions £) ou Game Changer (21,3 millions $), se sont hissées parmi les plus chères de l’art contemporain.
Censure ou marketing viral ?
La dissimulation rapide de l’œuvre, entourée de caméras et de vigiles, a été perçue comme une tentative de censure. Mais dans l’écosystème Banksy, chaque forme de répression devient un multiplicateur d’attention, donc de valeur.
Son compte Instagram, suivi par 11 millions de personnes, a officialisé l’œuvre. En quelques heures, l’image a circulé dans le monde entier, créant un effet médiatique qui renforce sa désirabilité sur le marché. Même invisible, une œuvre de Banksy continue d’exister économiquement.
Vers une protection institutionnelle du street art ?
Ce nouvel épisode relance le débat sur la conservation des œuvres éphémères et non sollicitées. Faut-il les effacer pour protéger le patrimoine ou les préserver comme témoignages sociopolitiques ? Certaines villes ont tranché : à Paris, Bristol ou Détroit, des fresques de Banksy sont désormais protégées au même titre que des œuvres de musées.
Le Royaume-Uni, quant à lui, semble hésiter. En refusant la patrimonialisation de cette fresque, il court-circuite une opportunité d’enrichir son capital culturel… et économique.
L’œuvre de Banksy à Londres est en fait bien plus qu’un coup de poing visuel : c’est une étincelle dans un système économique où l’art, la politique et la spéculation se télescopent. Entre marché, loi et visibilité mondiale, chaque geste de Banksy continue de redéfinir les règles… et de les monnayer.