C’est ce soir que nous connaîtrons les lauréats des premiers Belgium Startup Awards. Son fondateur, l’ancien de Google et serial entrepreneur Nicolas Debray, pose ici le premier jalon de fédération nationale de l’écosystème startup belge qu’il ambitionne de créer. Un défi titanesque dans un pays aux compétences économiques régionalisées, mais une nécessité face à la fragmentation actuelle du secteur.
L’événement d’aujourd’hui à TheEgg à Bruxelles ne sera pas qu’une simple cérémonie de remise de prix. Derrière cette compétition nationale inédite se cache un projet d’ampleur : unifier un écosystème entrepreneurial belge aujourd’hui morcelé entre les trois régions du pays. À l’origine de cette ambition, Nicolas Debray, entrepreneur aguerri et architecte d’une vision qui pourrait redéfinir le paysage startup national.
Une vision fédératrice pour l’entrepreneuriat belge
Le parcours de Nicolas Debray illustre parfaitement les mutations de l’économie digitale belge des vingt dernières années. Diplômé de l’ULB Solvay en 2007, il rejoint immédiatement Google Belgium à une époque où « personne ne sait vraiment ce que fait Google » et où « il n’est pas encore vu comme une start-up« . Cette expérience fondatrice lui permet d’acquérir une vision pionnière du marketing digital, qu’il transforme rapidement en opportunité entrepreneuriale.
En 2009, avec Gabriel Goldberg, également ancien de Google, il co-fonde Semetis, agence de marketing digital révolutionnaire basée sur le « triangle magique » intégrant SEA, SEO et Web Analytics. Le succès est au rendez-vous : l’agence devient leader du marché belge, travaillant avec Proximus, Colruyt, ING, IKEA ou Decathlon. En 2015, Omnicom rachète 80% de Semetis, avant que Nicolas Debray ne finalise la vente de ses parts restantes en janvier 2023.

Depuis 2019, à travers son cabinet Hakacia et ses multiples casquettes d’investisseur privé, Nicolas Debray s’impose comme une figure incontournable de l’entrepreneuriat belge. Il siège aux conseils d’administration de Sortlist, Tapio, BeInfluence Europe, ou encore Doctor Manager. Mais c’est en observant les dysfonctionnements structurels de ce système qu’il identifie un besoin crucial : « Je constate que beaucoup se plaignent du manque d’écosystème intégré en Belgique. Il n’y a pas d’organisme fédéral chargé d’animer l’environnement des start-ups » déplore-t-il. Pourquoi ? « Parce que le financement est régional. La Flandre finance les entreprises flamandes, Bruxelles les bruxelloises, la Wallonie les wallonnes. »
Pourquoi une structure nationale pour l’entrepreneuriat est urgente
L’analyse de Nicolas Debray met le doigt sur un paradoxe belge : un pays au cœur de l’Europe, siège des institutions européennes, mais incapable de fédérer ses propres entrepreneurs. Cette fragmentation institutionnelle a des conséquences directes sur la compétitivité du secteur.
Les chiffres sont éloquents : selon les données de Scaleups.eu (fusionné avec Startups.be), seulement 12% des startups belges atteignent le stade de scale-up. Un taux largement inférieur à celui des pays voisins qui ont su développer des structures fédératrices. « En France, ils ont la French Tech. Aux Pays-Bas, TechLeap. Ici, chacun fait son truc dans sa région », constate amèrement l’entrepreneur.
Cette fragmentation ne se limite pas aux financements publics. Elle s’étend aux événements, aux réseaux, aux opportunités de visibilité. « À Gand, on sait que c’est le Wintercircus. À Bruxelles ? Il y a plein de portes, mais pas une seule claire », illustre Nicolas Debray. Cette dispersion nuit à la lisibilité internationale de l’écosystème belge et complique l’accès aux financements privés transfrontaliers.
La solution qu’il préconise ? « Une fédération nationale pour défendre les intérêts communs de notre marché. Elle pourrait par exemple faire du lobbying pour obtenir un tax shelter, si les startups ont besoin de financement. Elle peut évangéliser, expliquer aux investisseurs comment l’environnement entrepreneurial fonctionne chez nous. »
Les Belgium Start-Up Awards 2025 pour tremplin
Les Belgium Startup Awards ne sont que la première étape du chemin qui mène à cette future fédération. La première idée qu’il réalise avec ces awards, c’est de créer un point de rencontre entre grands groupes corporate capables de supporter le coût opérationnel de l’action s’il lui permet d’entrer en relation avec des startups de tout le pays et pouvant potentiellement répondre à une problématique qu’ils rencontrent. Pour réaliser son ambition, Nicolas Debray a conçu un modèle économique astucieux qui contourne les écueils politiques régionaux : « Le business model des awards, c’est d’avoir du sponsoring privé, des frais d’inscription, du ticketing… Le financement public est important, mais ce ne sont pas eux qui font vivre l’événement. Les plus gros sponsors sont des partenaires privés qui ont un intérêt à voir des startups belges briller au niveau national.” Cependant, Nicolas Debray n’envisage pas de se passer complètement de financement publique : “Le financement public reste important, ne fusse que pour sa portée symbolique. Il crédibilise. Mais je ne veux pas tomber dans le piège de la politique et nous devons rester indépendants.”
Pour cette édition 2025, les soutiens institutionnels sont bien présents, mais encore partiels. Hub.brussels, Wallonie Entreprendre et Finance & Invest Brussels ont répondu présent. Mais la Flandre, bien qu’indirectement représenté par Scale-Up Flanders, tarde encore à s’engager officiellement. Cette dynamique débouche sur un modèle économique équilibré : 60% du budget proviennent de sponsors comme ING, Proximus ou JCDecaux, 20% des pouvoirs publics, le reste de la billetterie et des fee de participations.
L’édition 2025 témoigne de cette approche pragmatique. Sur 81 candidatures, 49 startups ont été sélectionnées, représentant une répartition géographique équilibrée : 40% flamandes, 40% bruxelloises et 20% wallonnes. Ces finalistes, qui totalisent déjà 73 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé, concourent dans six catégories : Intelligence Artificielle, B2B, Consumer, SaaS, Impact et Plateformes.

Le parcours compétitif de cinq mois intègre appels à candidatures, pitchs régionaux, masterclasses spécialisées et pitchs finaux. L’événement d’aujourd’hui propose une journée complète avec quatre scènes thématiques (Startups, Services aux entreprises, Investisseurs, Corporates) avant la cérémonie de remise des prix. Le clou du spectacle : un live pitch à la « Shark Tank » avec 100 000 euros de prêts convertibles à la clé, offerts par We Love Founders. Cette approche dépasse largement le cadre traditionnel des awards. Les partenaires privés – ING, JCDecaux, La Libre Belgique, Silversquare – apportent une valeur ajoutée concrète : comptes boostés, campagnes publicitaires, consultance, accès aux espaces de coworking.
Un jury représentatif, échantillon de l’économie belge
Le jury de l’édition 2025 reflète la volonté de Nicolas Debray de créer des ponts entre startups et corporates. Parmi les experts figurent la directrice Sustainability d’AG Insurance Nathalie Erdmanis, un responsable innovation chez Decathlon (Thibaut Peeters), Béatrice de Mahieu (CEO BeCode.org), des représentants de Lyreco (Marc Curtis), Spadel (Clément Yvorra) ou encore Anne-Catherine Zoller (responsable ESG chez D’Ieteren Group). Cette composition privilégie « des profils business, capables de voir dans une start-up un potentiel partenaire ou fournisseur », explique l’organisateur.
Du côté des finalistes, plusieurs noms retiennent l’attention. Dans la catégorie IA, Scopr.AI développe des solutions d’analyse prédictive. Kids Ride révolutionne la mobilité scolaire dans le segment Plateformes. Shayp, spécialiste de la gestion intelligente de l’eau, illustre la dynamique Impact. Citronics (économie circulaire) et Dockflow (logistique SaaS) complètent ce panorama de l’innovation belge.
Cette sélection révèle les secteurs porteurs de l’écosystème national : 9 startups en IA, 7 plateformes, 8 projets à impact social ou environnemental, 7 actives dans le B2B, 8 orientées consommateurs, 9 développant un SaaS. Une cartographie qui permet aux investisseurs institutionnels comme la SRIW d’ajuster leurs stratégies sectorielles.
En attendant les résultats : tension et enjeux
À quelques heures du verdict, l’édition 2025 des Belgium Startup Awards cristallise des enjeux qui dépassent largement le cadre d’une simple compétition. Pour Nicolas Debray, l’événement constitue un test grandeur nature de sa capacité à fédérer un écosystème fragmenté.
L’enjeu dépasse la simple reconnaissance. Il s’agit de démontrer qu’une approche nationale peut créer plus de valeur qu’une logique purement régionale. Les 100 000 euros de campagnes média valorisées, l’accès privilégié aux 12 espaces Silversquare, l’augmentation moyenne de 35% du trafic web des finalistes constituent autant d’indicateurs tangibles.
Demain, les Belgium Startup Awards pourraient marquer un tournant historique pour l’entrepreneuriat belge. Ou révéler les limites d’une ambition fédératrice dans un pays aux institutions décentralisées. Dans tous les cas, Nicolas Debray aura posé les jalons d’une réflexion nécessaire sur l’avenir de l’innovation en Belgique. Les résultats des Belgium Startup Awards 2025 seront dévoilés ce soir à TheEgg à Bruxelles.