Leader européen du recyclage des métaux et des plastiques, Galloo est une entreprise familiale solidement ancrée en Flandre occidentale (Menin). À sa tête, Jan Vandeputte incarne un modèle d’industrialisation durable, de diversification stratégique et de gestion directe. Rencontre avec un patron à la parole libre.
« Nous sommes francs et directs, sans langue de bois. C’est dans notre ADN ouest-flamand », affirme d’entrée Jan Vandeputte. Le décor est planté. À la tête de Galloo, qu’il a rejoint en 1991, cet industriel assume un style de management à l’image de son entreprise : enracinée, rigoureuse, discrète… et redoutablement efficace.
Fondée en 1939 par son grand-père, Galloo est née « à vélo, avec une remorque, pour récolter les ferrailles ». Après la guerre, la société prend son essor en récupérant les matériaux abandonnés par l’armée allemande. Puis viennent les premières machines de tri, les innovations inspirées du charbon ou de l’agroalimentaire, la première déchiqueteuse en 1976, les débuts du tri plastique en 1982. « On récupérait déjà les plastiques et les métaux non ferreux quand la plupart des concurrents envoyaient encore tout à la décharge », rappelle-t-il.

Aujourd’hui, Galloo traite quelque 1,3 million de tonnes de matériaux par an. « Du fer, du cuivre, de l’aluminium, des plastiques, issus de voitures hors d’usage, d’électroménagers ou de déchets électroniques. Nos lignes tournent 24 heures sur 24, avec une capacité de 30 à 35 tonnes par heure. C’est trois fois plus que la moyenne du secteur. »
Ce tri ultra-fin repose sur des technologies de pointe : aimants, capteurs, aspiration, flottaison… « Autrefois, on pressait des carcasses entières qu’on envoyait à la fonderie, cuivre, aluminium et fer confondus. C’était du gâchis. Aujourd’hui, on sépare presque tout, avec un taux de valorisation proche de 98%. »
Le plastique, matière noble
Parmi les matériaux extraits, les plastiques occupent une place stratégique. « Nous trions les ABS, le polypropylène, le polystyrène, etc. Ces plastiques sont très recherchés par les constructeurs automobiles, notamment pour refabriquer des pare-chocs ou des tableaux de bord. Ce sont des matériaux nobles quand on les isole correctement. »
Pour y parvenir, Galloo collabore depuis longtemps avec des industriels comme PSA (aujourd’hui Stellantis). « Nous avons par exemple proposé de remplacer certains inserts décoratifs non recyclables par des pièces plus simples, mais mieux valorisables. Cette logique de recyclabilité, on l’intègre en amont, dès la conception. »
Diversifier pour durer
Autre activité en développement : le recyclage d’acier pur pour les grandes industries. « Nous pressons les déchets d’acier de Volvo Cars Gand, par exemple. Ils sont ensuite réutilisés directement en fonderie. Cela réduit l’empreinte carbone de la production. »
Mais Galloo ne se contente pas du recyclage automobile. Depuis 2002, elle est aussi active dans le démantèlement naval. « On a racheté un site à Gand capable de déconstruire des cargos de 4.000 à 6.000 tonnes. C’est complexe : il faut d’abord retirer les huiles, l’amiante, les fluides… »
Ce modèle multi-marchés protège Galloo des fluctuations des matières premières. « Les prix varient selon la conjoncture mondiale. Pour rester stables, nous devons rester agiles et diversifiés. On ne peut pas dépendre d’un seul secteur. »
Investir pour mieux trier
Cette stratégie s’appuie sur un plan d’investissement solide : entre 50 et 62 millions d’euros injectés chaque année dans les nouvelles technologies, jusqu’en 2030. « On modernise nos broyeurs, on installe des lignes de tri encore plus précises, on teste des technologies de flottaison pour les plastiques complexes. »

L’arrivée massive des véhicules électriques constitue un nouveau défi. « Nous ne traitons pas les batteries, c’est trop spécifique. Elles sont extraites en amont et confiées à des acteurs spécialisés comme Umicore. Mais nos équipes sont formées aux protocoles de sécurité, car même l’extraction comporte des risques. »
Indépendant et libre
Galloo, c’est aujourd’hui 45 sites en Belgique, en France et aux Pays-Bas, plus de 800 salariés et un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros. Malgré cette envergure, l’entreprise reste familiale … et entend le rester.
« On a envisagé une introduction en bourse, mais ça aurait tué notre flexibilité. On devrait rendre des comptes à des actionnaires, respecter des cycles de reporting… Chez nous, un projet arrive sur la table, on tranche dans l’heure. C’est notre force. »
Cette liberté, Jan Vandeputte y tient. « J’ai grandi ici. J’ai conduit des camions, des chariots élévateurs, j’ai été sur les lignes. Je connais l’entreprise de l’intérieur. Aujourd’hui encore, je gère tous les achats. C’est comme ça qu’on garde la maîtrise. »
Et l’avenir ? « Galloo reste une entreprise familiale. Est-ce que ce sera toujours le cas ? L’avenir le dira. Mes enfants sont encore jeunes. Ce qui est certain, c’est qu’on continuera d’innover, d’investir et de trier toujours plus, toujours mieux. »
Car chez Galloo, rien ne se perd. Ni les matériaux, ni les convictions.