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Jet privé mode d’emploi

et
Tom Cassauwers

Les voyages en jet privé sont plus populaires que jamais. Durant la pandémie, beaucoup ont découvert l’existence des vols privés, ce qui a provoqué un boom dans le secteur. Mais comment cela fonctionne-t-il ? Et quid des critiques environnementales ? « Le luxe est important, mais c’est le gain de temps qui constitue l’argument décisif. »  

Aujourd’hui, les terminaux de jets privés des aéroports belges regorgent d’activité. De plus en plus de voyageurs fortunés préfèrent les vols privés aux vols réguliers. Arshad Bajwa peut en témoigner. Il est cofondateur de Jetters, une entreprise créée il y a peu, qui agit comme courtier pour les jets privés.  « Les clients ne connaissent pas toujours la différence entre un opérateur et un courtier », observe Arshad Bajwa. « Mais c’est une différence fondamentale sur le marché. Les opérateurs mettent les avions à disposition. Les courtiers, en revanche, servent d’intermédiaires. Nous recherchons donc des avions pour nos clients. Les deux parties ont besoin l’une de l’autre sur ce marché. »    

© Textron, Bombardier, Falcon

« On peut réserver un vol en cinq minutes »    

Selon Arshad Bajwa, commander un jet privé n’a rien de compliqué. « C’est très simple », déclare-t-il. « Il suffit d’envoyer un message ou de téléphoner. Le client nous dit alors où il veut aller et nous lui proposons différentes options. Le contrat et la facture sont émis dans la foulée. On peut réserver un vol en cinq minutes. »  En fonction des options sélectionnées et de l’entreprise avec laquelle vous réservez, plusieurs catégories de luxe s’offrent à vous. Une voiture peut venir vous chercher directement à votre domicile pour vous conduire à un terminal privé, car de nombreux aéroports disposent de terminaux distincts dédiés aux vols privés. On peut s’y restaurer et parfois même réserver une salle de réunion. À bord, des divertissements ou un menu peuvent être proposés. Parfois, il est même possible de prévoir un hélicoptère à l’atterrissage pour vous rapprocher encore davantage de votre destination.   « Les profils de nos clients sont très variés », explique Arshad Bajwa. « Il y a bien sûr beaucoup d’hommes ou femmes d’affaires. Pour ces personnes, voler en privé est parfois crucial. Un CEO doit peut-être faire plusieurs réunions à différents endroits, ce qui est impossible avec des vols réguliers. Avec nous, vous pouvez facilement visiter trois pays en une journée. »  

On voit aussi beaucoup de sportifs, de personnalités médiatiques et de vacanciers à la recherche d’une expérience haut de gamme. Un vol vers les Alpes pour un court séjour de ski se révèle par exemple beaucoup plus facile à bord d’un jet privé, qui peut atterrir sur des aéroports plus petits.    

© Textron, Bombardier, Falcon

« Contrairement à ce que les gens pensent parfois, ce n’est pas incroyablement cher »    

Les vols sont chers, mais tout dépend de ce qui est demandé. « Le prix varie considérablement en fonction du jet, de la distance et des aéroports », explique Arshad Bajwa. « Mettons que quatre personnes souhaitent faire l’aller-retour Anvers-Londres pour une nuit, par exemple pour assister à un match de football, il faudra compter 6 000 euros. Cela revient à 1 500 euros par personne. Ce n’est pas donné, mais ce n’est pas non plus incroyablement cher, comme les gens le pensent parfois. »  

Autre courtier solidement implanté au Benelux, le néerlandais Global Aviation. « Nous ne sommes pas des nouveaux venus sur le marché : l’année dernière, nous avons fêté nos 30 ans d’existence », s’exclame en riant Stephan van den Hurk, cofondateur et directeur général de Global Aviation. « Nous nous sommes développés grâce au courtage d’avions. Au départ, il s’agissait de gros appareils, comme les Boeings et les Airbus. Mais nous avons rapidement constaté une forte croissance du marché des jets privés, et c’est sur celui-ci que nous concentrons aujourd’hui l’essentiel de nos efforts. Tant en termes de location que de vente. »  

Selon Stephan van den Hurk, le luxe a son importance, mais c’est l’aspect pratique qui attire les gens vers le vol privé. « C’est un gain de temps énorme », raconte-t-il. « Évidemment, nos clients choisissent les vols privés pour le luxe et le confort. C’est pourquoi nous misons également sur des services comme le catering ou le divertissement à bord. Mais le plus grand avantage, c’est que ça va beaucoup plus vite. Vous pouvez presque décoller immédiatement après votre arrivée à l’aéroport, et repartir tout de suite lorsque vous avez atterri. Les aéroports sont souvent plus proches de la destination. Et l’avion vous attend, ce qui est extrêmement important lorsque votre réunion dure plus longtemps que prévu. »  

©Textron, Bombardier, Falcon

Confiance  

À un autre échelon du marché, on trouve des compagnies comme Luxaviation. Il s’agit de l’un des plus grands opérateurs des Pays-Bas. Le groupe international gère quelque 250 avions. « Nous ne possédons pas nous-mêmes de jets privés, mais nous assurons une gestion complète pour les personnes qui possèdent ce type d’appareil », explique Nicolas Kroll, Head of Business Development & Sales chez Luxaviation Belgium. « Cela commence par l’assistance au client lors de l’achat. Ensuite, nous certifions l’avion et assurons tout le suivi. Nous formons les pilotes, nous nous occupons de la maintenance et nous mettons l’appareil en location si le propriétaire le souhaite. »    

Luxaviation travaille avec des courtiers pour louer les avions, mais dessert surtout les clients directement. C’est pourquoi il s’agit une expérience légèrement différente par rapport à un courtier. « Le courtier est un intermédiaire », explique Nicolas Kroll. « Il est impartial et cherchera sur le marché la solution la moins chère ou la meilleure. L’avantage d’un opérateur, c’est que le client est en contact direct avec l’organisation qui effectue le vol. Le choix entre les deux tient à des facteurs personnels : il dépend des besoins et des préférences de chacun. »  

Ce sont souvent des organisations de plus grande envergure, comme des entreprises, qui ont recours à Luxaviation, étant donné qu’elles ont des besoins différents de ceux des particuliers. Nicolas Kroll insiste néanmoins sur le fait que tout repose sur la confiance. « Le contact personnel est très important, que l’on soit opérateur ou courtier », raconte-t-il. « Les gens sont souvent très fidèles à leur opérateur ou à leur courtier. Je pense que c’est l’argument décisif : la confiance que l’on accorde à la personne à qui l’on s’adresse. C’est la meilleure façon de faire un choix entre différentes entreprises. »  

Outre la location, Luxaviation assiste également les particuliers qui souhaitent acheter un jet privé. Combien cela coûte-t-il ? « Il y a de grandes différences », répond Nicolas Kroll. « On commence, surtout pour les avions d’occasion, à environ 2 millions de dollars. Les prix grimpent jusqu’à plus de 80 millions de dollars pour les plus gros appareils. La Belgique est d’ailleurs un pays qui compte proportionnellement beaucoup de propriétaires. Nous avons une vingtaine d’avions belges en gestion, par exemple. »  

Cependant, il n’est pas toujours nécessaire d’acheter un appareil complet seul. Il est également possible de partager les frais avec plusieurs autres personnes. « Nous avons un programme de propriété fractionnée », explique Nicolas Kroll. « Il permet d’acheter une part d’un avion. C’est très populaire. Depuis 2022, nous avons ajouté cinq nouveaux avions belges à notre flotte selon ce principe, ce qui rend l’achat d’un avion beaucoup plus accessible. »  

©Textron, Bombardier, Falcon

Pionniers  

Malgré le succès des jets privés, le secteur est sous le feu des critiques. En effet, les émissions de ces avions sont relativement élevées. Les vols privés sont de plus en plus considérés comme une dépense frivole de la part d’une élite dont l’empreinte écologique est déjà élevée. Comment le secteur réagit-il à cette situation ?    

« Nous aimerions beaucoup voler à l’électricité, mais la technologie n’existe pas encore »    

« L’impact environnemental existe bel et bien, nous ne devons pas l’ignorer », explique Stephan van den Hurk de Global Aviation. « Mais les gens oublient souvent que notre industrie est déjà très engagée dans cette voie. Nous aimerions beaucoup voler à l’électricité, mais la technologie n’existe tout simplement pas encore. Pourtant, nous sommes des pionniers. Une compagnie aérienne comme Brussels Airlines ne sera pas la première à voler à l’électricité, à l’hydrogène ou aux carburants renouvelables. Comme nous avons des avions plus petits, nous pouvons expérimenter plus facilement. Dans environ cinq ans, par exemple, nous volerons déjà à l’électricité. Cela prendra au moins 10 ans pour les vols réguliers. »  

La filière utilise déjà de plus en plus de biocarburants durables. « Le prix de ce bio-kérosène est encore assez élevé par rapport au kérosène normal », explique Nicolas Kroll.
« Mais nous nous attendons à ce qu’une demande plus élevée entraîne une baisse des prix. Nous essayons de limiter notre impact autant que possible. »  

Quelles que soient les contraintes environnementales, le vol privé est aujourd’hui plus populaire que jamais. Les entreprises du secteur voient leur avenir en rose.
« Jusqu’en 2014, le secteur a traversé une période difficile, dans le sillage de la crise financière », raconte Stephan van den Hurk. « Mais ensuite, notre produit a connu une énorme croissance, au sens propre comme au figuré. Étonnamment, la pandémie a renforcé cette tendance. Les gens n’avaient plus la possibilité de voler via les lignes commerciales, alors que nous pouvions continuer à opérer. C’est ainsi que beaucoup ont découvert notre produit. Depuis lors, nous nous en sortons de mieux en mieux. Nous n’avons pas de boule de cristal, mais je vois l’avenir de manière positive. »  

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