Un an après sa prise de fonction à la tête de Baobab Collection, Julien Gommichon dresse le bilan d’une année charnière pour la maison belge de bougies de luxe. Restructuration organisationnelle, renforcement des talents et préparation à l’expansion internationale, le CEO détaille sa vision pour faire rayonner ce fleuron de l’artisanat belge sur la scène mondiale.
Fondée en 2002 par un couple belge passionné d’Afrique, Baobab Collection s’est imposée comme une référence mondiale dans l’univers des bougies parfumées haut de gamme. La marque, qui tire son nom du célèbre arbre africain et puise son inspiration dans les paysages de Tanzanie, conjugue depuis plus de deux décennies design olfactif et savoir-faire artisanal européen.
La croissance de l’entreprise est remarquable : son chiffre d’affaires est passé de 17 à 42 millions d’euros en cinq ans, porté par une progression annuelle des ventes de 25%. Le dernier dépôt fait état d’un chiffre d’affaires de 43,96 millions d’euros. En 2021, Baltisse, le fonds d’investissement de l’homme d’affaires Filip Balcaen, a acquis une participation majoritaire de 61% dans la société, avec l’ambition d’accélérer son internationalisation vers les États-Unis et le Moyen-Orient tout en consolidant sa présence sur les marchés européens matures.

Le siège social est établi à Wavre, mais la production reste intégralement européenne : verres soufflés bouche en Pologne, céramiques réalisées au Portugal, cire d’Allemagne réputée la plus pure du marché, mèches de coton égyptien assemblées outre-Rhin, collections en raphia confectionnées par une coopérative à Madagascar, et parfums élaborés par des maisons renommées de Grasse et d’Espagne. Chaque bougie nécessite jusqu’à six couches de cire et quatre jours de fabrication, faisant de chaque pièce un objet unique. Avec des prix s’échelonnant de 50 à 700 euros, la marque s’inscrit résolument dans le segment du luxe artisanal.
Aujourd’hui, Baobab Collection compte une douzaine de boutiques en Europe (dont deux en Belgique, au Sablon et à Anvers) et s’appuie sur un modèle de distribution à 70% B2B. L’e-commerce, en pleine refonte, devrait rapidement atteindre 20% du chiffre d’affaires. C’est dans ce contexte d’expansion que Julien Gommichon a pris les rênes de l’entreprise il y a un an, fort d’une carrière de quinze ans chez Chanel puis à la présidence américaine de Diptyque et Byredo.
Forbes.be – Quinze ans chez Chanel, puis Diptyque et Byredo aux États-Unis : qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre Baobab Collection ?
Julien Gommichon – J’ai consacré une grande partie de ma carrière aux parfums et cosmétiques de luxe. Chez Chanel, j’ai occupé des fonctions de direction en Europe, puis en Scandinavie, ensuite à Dubaï pour le Moyen-Orient et l’Inde, et enfin à New York. Après quinze ans, j’ai rejoint Manzanita Capital comme président américain de Diptyque et Byredo. Nous avons vendu Byredo au groupe Puig, et j’ai continué à développer Diptyque jusqu’à l’année dernière. J’ai ensuite décidé, pour des raisons personnelles, de revenir en Europe. Ce qui m’a séduit chez Baobab Collection ? D’abord la possibilité d’exercer un rôle global de CEO, avec des responsabilités allant de la production au développement commercial. Ensuite, le potentiel de cette marque. Chez Diptyque, c’était une marque que nous observions. Elle n’est pas toujours reconnue comme belge (on la pense parfois française), mais je la trouvais magnifique et très différenciante. J’étais frappé par le fait qu’elle soit une véritable « love brand » : une marque qui attire et fidélise de façon organique, sans gros investissements marketing. Elle est très forte dans certains marchés mais quasi absente dans d’autres. Un vrai potentiel de développement.

– Qu’est-ce qui distingue Baobab Collection de ses concurrents ?
– Il y a quelque chose de magique dans cette marque. Ce n’est pas uniquement une bougie aromatique : c’est d’abord un très bel objet. Notre savoir-faire autour du verre est reconnu. La plupart de nos collections sont réalisées en verre soufflé, manuellement, en Europe. Chaque pièce est unique. Nous maîtrisons une diversité de techniques (verre soufflé, sérigraphie, sublimation, céramique, gravure) que nous sommes les seuls dans notre secteur à posséder. Nous sommes aussi les seuls à proposer ces grands formats, les Max, dont le plus grand fait 35 centimètres de hauteur. Au-delà du produit, nous lançons deux fois par an de nouvelles créations et éditions limitées autour du voyage. Au fil des années, nous avons étendu notre portefeuille : bougies parfumées, diffuseurs à sticks, et depuis trois ans une gamme cosmétique. Nous travaillons avec les meilleurs parfumeurs, notamment Robertet. C’est cet équilibre entre qualité olfactive et qualité de l’objet qui nous confère un positionnement unique : nous sommes au carrefour de la décoration et de l’olfactif.
– Quand on fait des bougies, même très belles, on fait des bougies. Quels leviers de croissance avez-vous identifiés ?
– Trois axes principaux. D’abord, développer nos collections existantes sur des territoires où nous ne sommes pas encore assez présents : États-Unis, Moyen-Orient, Angleterre, Asie. Ensuite, enrichir notre portefeuille produit avec de nouvelles senteurs, techniques de verre, extensions de gamme comme les room sprays ou le Bath & Body. Enfin, renforcer nos best-sellers qui représentent une grosse part du chiffre d’affaires et dont le succès s’est fait de façon organique. On peut encore beaucoup développer leur croissance en les soutenant davantage en termes de marketing, storytelling et formation en magasin.

– Jusqu’où peut-on croître sans compromettre l’aspect artisanal ?
– Nous n’avons pas d’inquiétude. Des marques de luxe dans d’autres secteurs pèsent plusieurs milliards et continuent à faire des produits de qualité avec un vrai savoir-faire. Nous avons nos propres usines, avec un site de production qui n’est pas à capacité totale. Nous pouvons encore agrandir et augmenter la production sans impacter la qualité. Nous serons extrêmement vigilants sur la distribution : développer la marque dans des points de vente très qualitatifs, contrôler notre réseau, nos prix, la qualité de nos produits. C’est ce qui nous permettra de grandir sans compromettre les fondamentaux.
– Quel bilan tirez-vous de cette première année à la tête de Baobab Collection ?
– Beaucoup de choses m’ont surpris. Nous avons une taille de PME, il faut être extrêmement agile. J’ai travaillé sur l’organisation, des changements au sein du leadership, et surtout la mise en place de processus. Beaucoup de choses fonctionnaient bien mais de façon organique. Pour accompagner la croissance, il faut davantage de structures. J’ai passé du temps à comprendre le fonctionnement de la société, à travailler sur nos systèmes : ERP, informatique, communication. Et puis l’humain : identifier les talents, les motiver, en recruter de nouveaux. Cela a représenté une grosse partie de mon année : préparer les fondamentaux pour accélérer la croissance.

– Quels sont les prochains objectifs ?
– Le prochain objectif est de restructurer notre réseau de distribution en Europe et à l’international. Nous avons beaucoup de potentiel aux États-Unis, au Moyen-Orient, en Angleterre, en Asie. Nous ne voulons pas aller trop vite : il s’agit de développer de bons partenariats, trouver les bons partenaires dans chaque marché. Nous avons une quarantaine de personnes au siège à Wavre, plus des équipes aux États-Unis, en Angleterre et des agents commerciaux en Europe. Ce que nous développons fortement, c’est le direct-to-consumer : e-commerce et boutiques en propre. Nous avons une quinzaine de magasins aujourd’hui, bientôt une vingtaine. Paris, Bruxelles, Amsterdam, Nice, Madrid, Londres, New York… Et nous regardons le Moyen-Orient, la Chine, la Corée, le Japon. L’enjeu est de positionner la marque dans le luxe et d’offrir une expérience client exceptionnelle.
– La société a été rachetée par Baltisse. Qu’est-ce que cela change pour Baobab Collection ?
– Filip et Louis Balcaen, à la tête du fonds Baltisse basé à Gand, ont décidé d’investir dans la marque avec ma nomination. J’ai pu renforcer l’équipe de direction avec des profils venant de l’industrie du luxe et de la beauté. C’est vraiment une belle aventure humaine. Je suis toujours émerveillé par la désirabilité de cette marque et sa capacité à surprendre avec ses créations, par ce savoir-faire qui se perpétue de génération en génération autour du verre soufflé. J’aime ce mélange entre l’artisanat (il n’y a plus beaucoup de marques vraiment artisanales dans notre secteur) et l’ambition d’être présent partout dans le monde. C’est une mission extrêmement excitante.
