À l’aube des vendanges, alors que les grappes mûrissent sur les coteaux namurois, le Domaine du Ry d’Argent s’apprête à franchir un nouveau cap. Vingt ans après sa création à Bovesse, cette propriété belge est devenue un laboratoire d’adaptation, où l’agriculture se conjugue avec l’entrepreneuriat.
Aux commandes, Audrey et Jean-François Baele. Issu d’une famille enracinée dans la terre, Jean-François assume pleinement ce double rôle « d’agriculteur-entrepreneur ». Il cultive ses vignes, élabore ses cuvées et a construit une activité de prestations qui soutient l’investissement et amortit les aléas climatiques. « Je ne veux pas dépasser 50% de prestations, sinon on devient une usine à façon », insiste-t-il.
Concrètement, le domaine aligne 12 ha (8 ha Bovesse, 2 ha Lasne, 2 ha Ohain). Pour 2025, Jean-François Baele vise environ 8 t/ha, soit plus de 100 t de raisins et 100 000 bouteilles, tout en vinifiant 20 ha pour des clients, sans jamais franchir la barre des 50% de prestations.

Après une vendange 2024 catastrophique (10% d’une année normale : 1 500 magnums et 8 000 bouteilles d’effervescents), la remontada 2025 se prépare. « Il faut les nerfs solides pour être vigneron, peu importe où on est. »
Cette résilience s’appuie sur une répartition mobile entre bulles et vins tranquilles, dans toutes les couleurs. « On prend l’année au mieux : mauvaise météo ? Plus d’effervescents. Belle maturité ? On pousse les tranquilles. » La densité de 4 140 pieds/ha, « comme en Allemagne ou au Luxembourg », autorise vendange en vert et changement de cap : « S’il fait très chaud comme en 2025, on peut sortir un top rouge ; s’il pleut, on bascule en blanc de noirs ou en rosé effervescent. »
Côté encépagement, Jean-François Baele a longtemps cru aux résistants. Mais, selon lui, le marché a tranché : « En vingt ans, sur 15 projets vendus, plus personne ne m’a commandé un seul hectare d’interspécifique ces dernières années. »

La souplesse est aussi économique. Les prestations (dégorgement, mise, filtration) pour des clients qui voulaient externaliser cette partie du travail, ont permis d’investir lourdement : « 150 000 € mis récemment dans le froid, un filtre tangentiel, une deuxième étiqueteuse… » Surtout, elles ont permis de constituer des stocks : « J’ai fait des réserves comme un écureuil : je peux tenir quatre ans sans récolte. C’est très rare en Belgique. »

Reste le sujet sensible des prix du vin pour le consommateur final. « Je trouve aussi que le vin belge est cher. » Sa parade : deux sociétés. L’une est dédié au bio et au haut de gamme (dont Lisy Grande Réserve), l’autre valorise le reste des jus. « Sans ça, Lisy ne serait pas à 26 € TTC mais à 37 ou 38 €. »
Vingt ans après la première plantation, le Domaine du Ry d’Argent aborde les vendanges avec le calme de ceux qui savent durer. « Le vrai défi en Belgique ? Tenir sur la longueur. »
Domaine du Ry d’Argent en quelques chiffres-clés
Année de création : 2005.
Surface : 12 ha (8 ha Bovesse, 2 ha Lasne, 2 ha Ohain).
Vendange 2024 : 10 % d’une année normale.
Objectif 2025 : +/-100 000 bouteilles (≈ 8 t/ha × 12 ha).
Prestations : plafond ≤ 50 % de l’activité ; +/- 20 ha vinifiés pour des clients.
Encépagement des résistants : 3,5 ha (Solaris 1 ha, Cabernet Jura/Regent ≈ 3 ha, Cabaret Noir).
Investissements récents : 150 000 € (froid pro, filtre tangentiel, 2ᵉ étiqueteuse).
Stocks de sécurité : autonomie jusqu’à 4 ans sans récolte.