Le McLaren Technology Centre (MTC), le siège futuriste et secret de la prestigieuse équipe de course, ouvre exceptionnellement ses portes. Entre gloire passée, ingénierie de pointe et plateaux de tournage hollywoodiens et alors que l’équipe d’origine néo-zelandaise vient de rafler les deux championnats du monde de F1 (pilote et contructeur) à Abu Dhabi, Forbes Belgique vous emmène au cœur du mythe.
Niché dans les paisibles paysages de Woking, au sud-ouest de Londres, le McLaren Technology Centre (MTC) est bien plus qu’un simple siège social : c’est une icône architecturale. Conçu par Norman Foster et inauguré en 2004, le complexe épouse la courbe d’un lac artificiel dont l’eau contribue astucieusement au refroidissement des installations. Pendant des décennies, sous l’ère de Ron Dennis, ce lieu a été sanctuarisé, cultivant une aura de mystère. Dennis le décrivait comme « 90% Nasa, 10% Disneyland » une formule qui résume l’alliance de l’ingénierie de haute précision avec un certain sens du spectacle.

Jadis, l’accès se limitait à une vue lointaine depuis un sentier ; aujourd’hui, poussé par la vague de popularité de la F1 – McLaren revendique 470 millions de fans mondiaux – ce temple du sport automobile s’ouvre aux clients VIP et… aux happy few. Une volonté d’inclusivité du CEO, Zak Brown, qui fait écho à son statut de lieu de tournage prisé : ses couloirs immaculés ont notamment servi de décor à la série Star Wars Andor, et, plus récemment, aux scènes du film F1 mettant en vedette Brad Pitt. Le mythe se frotte désormais à la pop culture.
Un musée de vitesse
À l’abri des regards indiscrets, le site recèle en son sein un centre de recherche et de développement, un musée, les unités d’assemblage des supercars, des ateliers de restauration d’anciens bolides de course ; d’autres, interdits à la visite, sont consacrées à la fabrication et à la mise au point des F1 McLaren. La visite commence par une entrée théâtrale menant directement au Boulevard. Dans cet espace longiligne, toute l’histoire de McLaren se dévoile le long d’une baie vitrée.

L’épopée débute par un contraste saisissant : l’unique voiture non-McLaren, une modeste Austin Seven de 1929. C’est avec elle que le jeune Bruce McLaren, fondateur de l’écurie, a remporté sa première victoire à l’âge de 15 ans, transformant une vieille pièce mécanique en voiture de course familiale. À ses côtés, l’histoire se décline en monoplaces de F1 victorieuses pilotées par des géants comme Alain Prost, Mika Häkkinen, Ayrton Senna, Lewis Hamilton et Lando Norris, le petit dernier. On y trouve même une réplique grandeur nature assemblée à partir de 468 000 pièces de Lego, témoignant du fétichisme technologique de l’équipe.
Derrière les vitres du Boulevard, l’action se poursuit dans des ateliers strictement sécurisés. C’est ici que les ingénieurs travaillent à démonter les monoplaces avant leur expédition vers le prochain Grand Prix ou qu’ils moulent du carbone pour créer des pièces actualisées. L’expérience est étonnante : ici, pas de robots, mais un travail d’orfèvre qui révèle que l’automobile a encore besoin de méthodes artisanales – et, surtout, d’humains – pour gagner l’avantage concurrentiel.
Le luxe de la précision
Le sport automobile, c’est aussi la confrontation permanente au danger. Le MTC n’échappe pas à cette réalité. Près des premiers véhicules, se dresse la M8D Can Am de 1970 en livrée « orange papaye », voiture sœur de celle qui coûta la vie à son fondateur, Bruce McLaren, à 32 ans. Plus loin, un autre morceau d’histoire : la MP4/8 avec laquelle Ayrton Senna a signé sa dernière victoire au Grand Prix d’Adélaïde en 1993, six mois avant sa mort tragique. Ces machines rappellent que la technologie la plus avancée repose toujours sur le courage de ses pilotes.

La visite mène ensuite au McLaren Production Centre (MPC), l’usine où sont fabriquées les supercars McLaren depuis 1992. Après avoir traversé des galeries où trône la plus grande collection de trophées de sport automobile au monde, un tunnel souterrain s’ouvre sur un balcon surplombant l’atelier de 34 500 mètres carrés. C’est là que l’on découvre l’extraordinaire processus de fabrication des supercars : il faut 21 jours pour construire une McLaren avec un objectif de neuf voitures par jour.
Triple check humain
Mais peut-on réellement parler de chaîne d’assemblage ? Le spectacle est tout sauf industriel : il s’agit plutôt d’ateliers successifs où chaque technicien taille sa pièce au scalpel, comme un chirurgien ou un horloger. Précision des gestes, puissance des moyens, rigueur dans l’exécution des processus, la voiture doit être « zéro défaut ». L’efficacité repose sur une chorégraphie bien huilée : 45 minutes sont allouées par station, et, détail crucial, il n’y a aucun robot ; l’assemblage est entièrement réalisé à la main. Chaque étape nécessitant un triple check humain pour garantir une perfection absolue.

Au fond de l’atelier, les contours de la future W1 de McLaren sont déjà perceptibles : bien que la commercialisation n’intervienne pas avant 2026, 399 unités de ce prototype ont déjà trouvé preneurs, confirmant l’appétit insatiable pour ces joyaux d’ingénierie. Une fois terminées, toutes les voitures passent le redoutable « Monsoon test », une aspersion de 1 000 litres d’eau par minute pour en garantir l’étanchéité.
Immersion high-tech
L’ouverture du McLaren Technology Centre au public est le reflet d’une nouvelle stratégie de marque cruciale. Après avoir dû vendre des véhicules historiques et même son siège au fonds souverain de Bahreïn, Mumtalakat, pour se stabiliser, McLaren mise sur sa communauté. La visite de ce temple, c’est aussi l’occasion unique de se glisser dans les derniers joyaux du constructeur britannique, comme la McLaren Artura, et de découvrir la finesse intérieure d’une supercar. L’intégration technologique est poussée : derrière le cockpit, on découvre le puissant système audio Bowers & Wilkins, avec des caissons de grave intégrés montés directement sur le châssis monocoque en carbone. Lové dans le cuir, on comprend qu’une supercar, ce n’est pas seulement une question de pure mécanique. C’est une expérience lifestyle. On ne conduit pas une voiture, mais un hub technologique. Une salle de concert.

Comme l’explique Henrik Wilhelmsmeyer, directeur commercial de McLaren Automotive Ltd., dans le segment des supersportives, l’élément lifestyle, les courses de voitures historiques et les événements « pure driving » sont devenus essentiels pour créer du lien entre propriétaires et faire la différence. Pour les passionnés, cette incursion dans le MTC est plus qu’un pèlerinage. Si un jour vous prenez la route de Woking, la visite du site vous donnera non seulement le sentiment d’entrer dans un sanctuaire, mais de saisir d’un peu plus près l’alliance de l’héritage, du luxe, de la résilience et de l’ingénierie qui définit McLaren. Prix d’entrée ? Plus de 500 euros pour 90 minutes de rêves mécaniques.
