Trois quarts des produits lancés sur le marché échouent. Pas faute de budget marketing ni d’ingénierie brillante, mais parce qu’ils ne répondent pas à un besoin réel. C’est de ce constat qu’est née Buffl, une scale-up belge fondée en 2018 par Seppe Stroo et Dennis De Clerck. Leur mission ? Faire en sorte que les entreprises écoutent enfin leurs clients, avant de produire en masse des objets que personne n’attend.
« J’ai travaillé dans de grandes entreprises, raconte Seppe Stroo. Je me retrouvais dans d’interminables réunions à propos de « l’end-user« . Tout le monde avait un avis, mais personne ne validait ces intuitions auprès des vrais clients. Nous avions la sensation de mieux connaître le consommateur que n’importe qui, tout en ne disposant pas des bons outils. »
Le process Buffl : du brief client aux insights actionnables
Concrètement, une collaboration avec Buffl démarre toujours par un échange autour des objectifs business. L’entreprise expose ce qu’elle veut atteindre : tester un nouveau produit, valider une campagne, comprendre pourquoi une offre existante peine à décoller. « Nous commençons par ce que le client sait déjà de son marché et par les angles morts, précise Seppe Stroo. Est-ce qu’ils connaissent les canaux de découverte ? Les motivations d’achat ? La perception des concurrents ? »
Une fois le périmètre défini, Buffl aide à transformer ce brief en questions précises. Plutôt que de lancer de longues enquêtes, la plateforme fonctionne par séquences très courtes (généralement cinq questions maximum). « Less is more, insiste Seppe Stroo. Une question bien posée, c’est déjà un pas vers une décision ». Ces questionnaires sont envoyés via l’application mobile de Buffl à des panels de consommateurs ciblés. Les répondants ne sont pas choisis au hasard : Buffl s’appuie sur des bases statistiques (comme Statbel) pour constituer des échantillons représentatifs. « Dès qu’une enquête part, notre système garantit automatiquement la bonne répartition hommes/femmes, les tranches d’âge, les régions, etc. », explique Seppe Stroo.
Les réponses arrivent en temps réel, souvent en moins de 48 heures. Côté entreprise, les résultats sont traduits en insights directement actionnables. « Nous ne livrons pas seulement des données brutes. Nous disons : 70% des répondants préfèrent telle option, donc vous pouvez prendre cette décision en toute confiance. »
La vitesse comme arme fatale
La différence majeure avec les études de marché classiques ? La rapidité. « Là où une étude traditionnelle prend des semaines, Buffl ne prend que quelques heures », explique Seppe Stroo. Cette agilité change tout : elle permet aux entreprises de travailler selon un mode conversationnel avec leurs clients, de poser une première question, d’analyser les réponses et d’affiner aussitôt. Seppe prend une métaphore ludique pour l’expliquer : « C’est comme le jeu Qui est-ce ?. Vous posez une question, éliminez des options, puis continuez à affiner. »
Après la vitesse, la qualité
Si Buffl s’est d’abord démarquée par la vitesse, la scale-up a ensuite placé la barre plus haut : « Aujourd’hui, nous mettons autant l’accent sur la qualité que sur la rapidité. Parce que notre approche est conversationnelle, nous expliquons toujours aux répondants ce qui sera fait avec leur feedback. Cela crée un cercle vertueux : leurs réponses sont beaucoup plus pertinentes que dans l’industrie classique. »
La plateforme combine ainsi intelligence artificielle et expertise humaine. « La technologie fait 70% du travail. Les 30% restants viennent de l’humain, pour l’interprétation finale. Cela garantit que les données deviennent vraiment des décisions actionnables », souligne Stroo.
Des grands pontes parmi leurs clients
Buffl travaille avec de grands noms comme Engie, KBC, Colruyt ou Gimber. Lorsque Gimber a voulu explorer le marché des boissons fonctionnelles en proposant une version simplifiée et plus accessible en cannette, Buffl a aidé l’entreprise à définir quels éléments tester : le goût, l’emballage, le prix, la communication. En 48 heures, les panels de consommateurs donnent leur verdict. Résultat : des décisions rapides, et surtout moins de place laissée à l’intuition seule.
Autre cas : Engie. Le nom de son tarif dynamique a directement été choisi grâce aux panels Buffl. Les répondants ne se contentent donc pas de donner leur avis, ils participent à la création même du produit.
Un modèle hybride et scalable
Les clients peuvent opter pour une enquête ponctuelle (entre 2 500 et 5 000 euros), ou pour un abonnement annuel (jusqu’à 250 000 euros pour les grandes entreprises).
Aujourd’hui, Buffl génère environ 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le principal défi reste la « prédictabilité » : « Les entreprises n’ont pas toujours de département dédié à la relation avec l’utilisateur final. Nous devons souvent les éduquer, créer la culture d’un feedback continu. C’est essentiel pour passer d’un projet ponctuel à un partenariat durable. »
Une ambition claire
Dans cinq ans, Seppe Stroo espère que Buffl sera « la référence en Belgique pour tout ce qui touche au test rapide et à la prise de décision basée sur des données concrètes », avec une première expansion internationale déjà dans le viseur. Les Pays-Bas semblent une étape logique.
En attendant, la jeune pousse continue de tracer son chemin dans un marché sursaturé de datas, mais pauvre en véritables insights. « Les données seules ne valent rien. Ce qui compte, ce sont les décisions qu’elles permettent de prendre. »