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Relais & Châteaux : 70 bougies pour Le luxe en deux mots

Pour souffler ses 70 bougies, l’association Relais & Châteaux avait mis les petits plats dans les grands et réuni près de 800 adhérents venus du monde entier au cœur de Paris. Salle Pleyel pour l’utile puis au château de Versailles, privatisé pour l’occasion, pour l’agréable.

Créée en 1954 par Marcel et Nelly Tilloy, un couple d’artistes éclairé qui ne croyait sans doute pas voir son idée des Relais de Campagnes et de Routes du Bonheur (dont la mythique Nationale 7) essaimer un jour sur cinq continents, l’association Relais & Châteaux rassemble aujourd’hui 580 hôtels d’exception et restaurants étoilés totalisant 370 étoiles au Michelin. 

Désormais, pas moins de 146 Routes du Bonheur les relient à travers le monde, offrant ainsi une collection unique de 13.500 chambres et suites logées dans 600 villas, palais, domaines, riads, lodges, ryokans ou ranchs à usage privé, le tout tenu par des indépendants exerçant le plus souvent en famille dans 65 pays différents. 

Congrès refondateur

C’est d’ailleurs souvent en famille qu’ils se sont retrouvés pour l’occasion à Paris fin 2024. D’abord pour participer à une journée de travail refondatrice scellant l’arrivée de 42 nouveaux membres, mais surtout pour sceller la mise en place de nouveaux Engagements associatifs, en gestation depuis 10 ans déjà. 

C’est que, depuis 70 ans et l’avènement des congés payés, de la voiture privée et des départs routiers estivaux en famille, les repères ont bien changé. Fini l’épicentre européen, le «progrès» à tout crin, le goudron et la plage pour tous. La famille a éclaté, les destinations, les modes de transport et les calendriers se sont diversifiés, les priorités de la demande aussi.

Relais & Châteaux se devait donc d’anticiper ces changements de fond pour faire prendre à temps un tournant stratégique indispensable à ses membres, pour les motiver et les accompagner en douceur. Fort de 12 nouveaux commandements longuement affinés en collaboration étroite avec l’Unesco, ce texte refondateur, charpenté sur trois axes stratégiques, a enfin été validé et présenté à tous les membres lors d’un congrès qui restera, selon Laurent Gardinier, dans les annales du groupe. 

Loin d’être un dépliant publicitaire, ces Engagements et leurs 12 piliers seront dorénavant pour le président en exercice et ses équipes les balises de toutes les initiatives et actions portées par la marque au lys au cours des années à venir. Avec, comme il se doit, l’environnement et la diversité culturelle pour colonne vertébrale.

L’association Relais & Château est née en 1954. – © Relais & Châteaux

Nouveaux paramètres de marché porteurs

Lors de la plénière organisée Salle Pleyel, une étude de marché abondamment chiffrée présentée par la société de conseil Deloitte a eu le don de faire réagir l’assemblée. Après avoir rappelé que le secteur du tourisme produit actuellement à lui seul 10% du total des émissions de gaz à effet de serre, Deloitte a enfoncé le clou: 68% des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête à échelle mondiale récente qualifient le changement climatique d’urgence absolue. Et le leader de la réservation hôtelière en ligne, Booking.com, rapporte que 53% des voyageurs du monde entier se disent plus déterminés à voyager de manière durable qu’ils ne l’étaient il y a un an à peine. 

En d’autres mots, le secteur doit revoir rapidement et drastiquement de A à Z ses pratiques quotidiennes pour prouver qu’il met tout en œuvre pour réduire son impact sur l’environnement, au risque de perdre une partie croissante de clients qui font du respect de la nature une priorité absolue.

R&C propose des routes du bonheur qui emmènent les voyageurs à la découverte de différents pays. – © Relais & Châteaux.

Surprises de taille

Mais la présentation de Deloitte a également listé une surprenante série de paramètres moins attendus censés orienter tout aussi fortement et durablement la demande -et donc l’offre commerciale à mettre en place pour y répondre.  Parmi les chiffres les plus remarquables, celui du tourisme estampillé «wellness»: 1,2 milliard de clients devraient le plébisciter en 2025. C’est 20 fois plus qu’il y a 10 ans seulement. 

1,2 milliard de clients devraient plébisciter le tourisme estampillé « wellness » en 2025.

Autre constat, et non des moindres: l’archétype classique du client de référence – le couple hétérosexuel avec enfants – perd rapidement son statut dominant: en 50 ans, le nombre de mariages a chuté de 50% et celui des divorces a bondi de 110%, avec les effets que l’on imagine sur cet archétype familial. 

L’archétype classique – le couple hétérosexuel avec enfants – du client de référence perd rapidement son statut dominant.

Par contre, les couples LGBTQIA ou les touristes séjournant avec leur animal de compagnie ont explosé et s’identifient désormais prioritairement comme tels en centaines de millions lors des réservations. Les effets directs multiples sur l’infrastructure et l’offre hôtelière personnalisée sont loin d’être anodins et passagers. Enfin, selon Deloitte toujours, donner davantage de place à l’IA générative dans la programmation et la gestion des services hôteliers personnalisés sera un des outils à privilégier pour répondre efficacement à cette demande de plus en plus diversifiée et à la carte sur le marché hôtelier. Et pour combler, sur les tâches les plus ingrates et répétitives, le manque structurel de main d’oeuvre qui frappe le secteur hôtelier comme la restauration depuis trop longtemps déjà.

Cinq questions à Laurent Gardinier, président de Relais & Châteaux

© Relais & Châteaux

Créé en 1927, le groupe familial Gardinier, aujourd’hui leader dans l’art de recevoir, a su depuis un siècle se reconvertir et multiplier les métiers pour rebondir et survivre. Une aptitude à la reconversion que Laurent Gardinier applique aujourd’hui au coeur de la direction de Relais & Châteaux pour adapter les fondements de l’association aux nouveaux standards de ses métiers. Le propriétaire du château de la Treyne (Dordogne) se confie sur cette mutation profonde à ne pas louper.

Vous semblez particulièrement fier de ce partenariat entamé il y a plus de 10 ans déjà avec l’UNESCO pour écrire les nouveaux fondamentaux de l’association que vous présidez pour l’instant. Pourquoi?

L’UNESCO, espace neutre au sein duquel les nations dialoguent, nous semblait être le partenaire idéal pour enraciner et objectiver notre démarche de refondation au sens philosophique du terme. Et conclure un partenariat aussi important avec une organisation internationale de cette envergure, géographiquement et culturellement, donne du crédit à ce que nous avons accouché ensemble. A contrario, un partenariat avec une organisation non gouvernementale a toujours un aspect militant et engagé. Embarquer notre association avec une ONG aurait donc selon moi présenté des risques car on ne maîtrise pas les prises de parole de celles et ceux auxquels votre marque est alors associée. 

On pourrait toutefois douter, tout comme le général de Gaulle à propos de l’ONU, de l’efficacité de ce «machin» international…

Effectivement. On peut interroger le sens et l’intérêt de ce partenariat. Tout dépend de ce que vous faites concrètement de cette collaboration exemplaire: elle pouvait rester dans un tiroir. Vous avez pu vérifier que nous souhaitons résolument en faire autre chose. L’essentiel du travail à accomplir nous incombe désormais, en profitant de cet effet de levier symbolique très fort et rare. 

Le prochain congrès de votre association aura lieu à Boston et vous placez d’ores et déjà comme priorité incontournable de ce rendez-vous l’IA, un sujet tarte un peu tarte à la crème.

Même si Boston est un des centres scientifiques les plus importants de la côte Est des Etats-Unis, nous allons dépasser l’effet d’annonce. Et prouver que, dans la gestion quotidienne d’un hôtel ou d’un restaurant, l’intelligence artificielle ou le support numérique est désormais un adjuvant incontournable, un investissement indispensable à toutes les étapes du service hôtelier. Avec l’évolution exponentielle en marche, il y a lieu de se demander, par exemple, quel sera le futur des agences de voyage. Mais parallèlement, nous avons créé un poste de direction du développement durable et nous allons bien sûr reparler de cet enjeu structurel à Boston également. 

Pour poser sa candidature, chaque nouveau membre R&C doit répondre à une check-list de plus en plus pointue. La porte d’entrée au sein de l’association devient de plus en plus étroite ?

Notre objectif est de conserver notre ADN d’exception et de nous assurer que les maisons qui rejoignent l’association -tout comme celles qui y sont déjà d’ailleurs- restent en adéquation avec l’évolution de nos fondamentaux. Cette année, nous avons 30 nouveaux entrants pour un total de 580 membres. Du côté des sortants, il n’y a pas de règles: nous avons des démissions, des décès, des arrêts d’exploitation. Parfois aussi, nous alertons certains membres sur la nécessité de corriger le tir, en leur donnant toujours le temps de s’amender dans un processus de co-construction. Nous ne sommes jamais dans un esprit de flicage, mais nous restons très soucieux de défendre la qualité intrinsèque de la marque présente en façade de tous nos affiliés.

On constate un déficit d’adresses belges dans la famille Relais & Châteaux actuelle. Que dire aux futurs candidats potentiels?

Je voudrais leur dire que s’ils participent à l’ensemble des 60 services que nous proposons, ils auront, c’est sûr, un effet de levier significatif qui dépasse la plaque apposée sur la façade, même si cette dernière reste un gage de qualité. Mais l’appartenance à un compagnonnage, très familial, de professionnels qui partagent les mêmes préoccupations et les mêmes recettes de réussite est également une richesse difficile à mesurer. 

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