Newsletter

Magazine

Inscription Newsletter

Abonnement Magazine

Thierry de Cordier : peintre de l’effacement

À la Fondation Prada (Milan), l’artiste belge révèle un ensemble majeur, où il place l’image du Christ au bord de l’effacement.

Né à Ronse en 1954, Thierry de Cordier est Ostendais. En 1988, vêtu d’une cagoule géante en papier mâché et muni d’un mégaphone, à l’aube, sur la Piazza del Duomo déserte, à Milan, il prononçait un discours et arborait une banderole proclamant : « Moi, Thierry De Cordier, né en Flandre le 17 juin 1954, philosophe autodidacte, j’ai décidé de changer le monde ! »

À la Fondation Prada, dans la crypte de béton percée de fenêtres ecclésiales de la Cisterna (Citerne), avec une persistance insolente, il passe à l’acte. Ses dix peintures de sa série NADA, qu’il poursuit depuis 1999, montrent et dérobent aussitôt à notre regard une figure qui a aussi changé le monde : celle du Christ.

Immagine della mostra “NADA” di Thierry De Cordier
© Agostino Osio/Courtesy : Fondazione Prada

L’Ostendais s’inscrit dans la double tradition intimement liée des maîtres espagnols et flamands du XVIIe siècle : Rubens, van Dyck, Zurbarán, Ribera, Murillo, Velázquez. Ces peintres représentaient des sujets sacrés, et notamment le Christ et les saints, sur un fond nocturne, comme si la nuit du néant menaçait de les engloutir et de nier leur existence. Cordier a vécu en Espagne et s’est immergé dans cette peinture.

Thierry de Cordier © Patrick Toomey

Philosophe autodidacte, il a été lecteur de Saint Jean de la Croix et de sa doctrine ascétique de « Nada y Todo » (Rien et Tout) que le saint énonçait ainsi : Pour arriver à goûter tout / ne désire avoir goût en rien / pour arriver à posséder tout / ne désire rien posséder en rien.

Néant magistral

Dans la Cisterna, Thierry de Cordier place ses toiles sur des panneaux et dans des niches, traversées par la lumière mouvante du ciel. Sous nos yeux étonnés, ses toiles se muent en suaires tendus sur un néant aussi noir que la nuit interstellaire, comme autant de réceptacles sans fond pour notre regard. Sur cet espace insondable et béant de la toile, Cordier noie la figure du Christ en croix sous des nappes épaisses de couleurs, huile, aquarelle et bitume.

Immagine della mostra “NADA” di Thierry De Cordier
© Agostino Osio/Courtesy : Fondazione Prada

Et il remplace l’acronyme INRI (Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum, Jésus de Nazareth, Roi des Juifs) que Ponce Pilate aurait fait graver sur la croix du Christ pour désigner le « crime » imposant sa mise à mort, par cette autre inscription, empruntée justement à Saint-Jean de la Croix : NADA (le Néant)

Sur ces visions de la Crucifixion où la croix ne tient plus qu’à un fil, Thierry de Cordier affirme qu’il ne reste, selon ses mots, qu’un « silence glacé » ou « la grandeur du néant », une manière de démontrer la finitude de la vie, perdue dans l’infini. Un néant pictural magistral.

Fin le 29.09
www.fondazioneprada.org/project/nada

A la une