Graspop, Couleur Café, Werchter, LaSemo, Dour Festival, Esperanzah, Tomorrowland, Francofolies de Spa, Ronquières Festival, Pukkelpop, Solidarités, etc. On ne compte plus les festivals musicaux en Belgique. C’est bien simple, chaque week-end dispose de son propre événement, voire parfois de plusieurs. Dès lors, n’y en a-t-il pas trop? La question peut paraître saugrenue mais prend de plus en plus de sens après que Scène sur Sambre ou Feel Good Festival aient disparu. Le modèle économique de ces événements populaires est-il encore viable, alors que les cachets des artistes et les coûts d’organisation et de production ne font qu’augmenter ? Plongée dans les coulisses de trois des principaux festivals et réponse auprès de leurs organisateurs.
Saturation ?
Pour Samuel Chappel, l’organisateur de LaSemo (10-12 juillet) à Enghien, il y a peut-être un phénomène de saturation auprès du public. Les artistes sont de moins en moins exclusifs, explique-t-il, et donc de plus en plus présents sur plusieurs scènes belges durant l’été. A cela s’ajoute le fait que ces mêmes artistes se produisent également dans des salles de concert à des dates relativement rapprochées de l’été. L’intérêt d’aller les voir en festivals est donc moindre du côté du public.
« Pour autant, cette multitude de festivals musicaux montre aussi une belle richesse pour notre territoire, avec une importante dynamique culturelle et des retombées économiques substantielles, que ce soit sur le tourisme, l’hébergement ou l’horeca », insiste Samuel Chappel.
Pour rentrer dans ses frais, les organisateurs doivent vendre entre 80 et 90% des places disponibles. Un objectif qui n’est pas toujours simple à atteindre, étant donné donc la multitude des festivals et des opportunités d’admirer un même artiste. Du côté de LaSemo, le bilan 2025 est en tous les cas positif, avec plus de 50.000 personnes sur les quatre jours de l’événement.
Variable d’ajustement
Les artistes, justement, privilégient désormais les arenas et les grandes salles de concert, particulièrement en France, constate, de son côté, Yoann Frédéric, l’organisateur des Francofolies de Spa (17-20 juillet). « Les festivals d’été sont devenus une variable d’ajustement et ne sont plus une priorité dans la logique de marché de ces grandes tournées », regrette-t-il.
Il n’y a en outre pas la même typologie de festivals ni de public entre la Flandre et la Wallonie, analyse Yoann Frédéric. Le sud du pays est davantage tourné vers la France et la francophonie, là où le nord est plutôt axé sur les (grands) artistes anglo-saxons.
« S’il y a 20-30 ans, il existait 3-4 festivals, aujourd’hui, chaque ville veut son petit festival », illustre l’organisateur des Francos. « Et cette bulle commence à éclater, avec un Feel Good Festival à Aywaille ou un Scène sur Sambre à Thuin qui n’ont pas survécu aux difficultés. La survie passera par la manière dont on tricote l’offre proposée au public et sur l’expérience qu’il y vivra. On ne peut par contre plus jouer la surenchère sur les cachets des artistes pour les attirer à soi. »
L’édition 2025 ne restera d’ailleurs pas dans les annales pour les « Francos » avec un total de 110.000 personnes et un recul de 30% des ventes des pass pour les quatre jours. Yoann Frédéric annonce d’ores et déjà qu’il faudra « se réinventer » pour l’an prochain.
Un peu trop ?
Pour Jean-François Guillin, co-organisateur du Ronquières Festival, il y a(vait) en effet « peut-être un peu trop de festivals. L’offre est très large et il est difficile de la combler. » Il y a quelques mois, son collègue Gino Innocente, co-fondateur de l’événement hennuyer avait même plaisanté en disant qu' »il faut être totalement crétin pour organiser un festival en 2025″.
L’un des seuls moyens de remédier à cela est dès lors de se démarquer, que ce soit avec la localisation de l’événement ou en programmant des artistes plus rares ou recherchés, à l’image d’un David Guetta aux Ardentes début juillet ou d’un Will Smith, qui s’est produit en exclusivité belge en ce début août à Ronquières. « On ne regrette pas du tout d’avoir réussi à l’attirer chez nous. Ce sera un super show et il fera date dans l’histoire du festival! », se réjouissait à l’avance Jean-François Guillin.
Au final, ce dernier concert aura attiré près de 8.000 spectateurs, ce qui équivaut à 70% de la jauge escomptée. Le festival dans son ensemble termine, lui, et pour la toute première fois, l’exercice dans le rouge, avec un recul de la fréquentation de 12% (67.000 festivaliers en 2024 contre 59.000 cette année). Même si le modèle économique devra être revu, reconnait-on du côté du Ronquières Festival, cela ne remet pas en cause l’édition 2026, qui aura lieu du 7 au 9 août.
Les festivals belges ne sont en tous les cas pas les seuls à être confrontés à cette nouvelle réalité économique et à cette situation de (sur)abondance, assurent de concert les trois organisateurs. C’est aussi le cas en Angleterre ou en France, entre autres.
