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Van Gils et filles

Angélique Van Gils a grandi au milieu des échantillons de tissus et des patrons de son grand-père. Depuis quatre ans, elle écrit, avec ses filles Joy et Jill, un nouveau chapitre dans le monde de la couture. Avec Pursuit Femmes, elles créent des costumes sur mesure qui aident les femmes à affirmer leur puissance tout en affichant une élégance intemporelle. 

Le grand-père et le père d’Angélique ont jeté les bases de la célèbre marque Van Gils. Elle a grandi parmi les costumes pour hommes. « Je suis entrée tout naturellement dans ce monde », dit-elle. Avec son cousin et sa cousine, elle a fondé Café Costume, un label de costumes sur mesure pour hommes. Mais chemin faisant, elle a commencé à se demander pourquoi rien de similaire n’existait pour les femmes. « On dit toujours que les femmes sont «difficiles», mais je me suis attelée à aborder autrement cette question, en poursuivant l’objectif de me concentrer sur ce que veulent vraiment les femmes. »  

Lorsque l’idée d’Angélique a germé, sa fille aînée Joy était sur le point d’obtenir son diplôme. « J’ai assisté à la présentation de ma mère et j’ai été immédiatement touchée », dit-elle. « Un costume sur mesure comme moyen d’émancipation des femmes : quelle mission courageuse et inspirante. »  

La cadette des filles, Jill, trouve son chemin vers le monde de la mode par un détour. Les études de commerce ne lui conviennent pas. « J’ai toujours été fascinée par les blazers », confie-t-elle. « Dans l’atelier de mon grand-père, il y avait des tissus d’essai pour les patrons mais ils n’étaient jamais utilisés. J’ai commencé à expérimenter : je mettais d’autres manches ou modifiais le dos des blazers. C’est ainsi que ma première collection est née. À vingt ans, j’ai lancé mon propre label, Jill Antwerp. » 

Lorsque la nouvelle marque féminine d’Angélique et Joy – Pursuit Femmes – prend forme, Jill se joint naturellement à elles. « Je n’aurais jamais pensé que mon idée se transformerait un jour en une entreprise familiale », s’amuse Angélique. « Nous avons intégré la marque de Jill dans la nouvelle société, de sorte qu’elle n’a pas eu à faire de choix. »  

Sur rendez-vous  

Pendant le confinement, elles poursuivent leur rêve, travaillant depuis leur cabane de jardin. Tout se faisait sur rendez-vous, et ça fonctionnait. Peu de temps après, leur première boutique pop-up voit le jour à Anvers. « Trouver des clients n’a pas été facile », raconte Joy. « Nous abordions simplement les gens dans la rue. Les premières réactions étaient parfois dures, mais nous avons appris à persévérer. » Le coup de pouce du programme Start it @ KBC a fait la différence. « Ce réseau nous a donné l’oxygène nécessaire pour grandir », ajoute Angélique. 

Au sein de Pursuit Femmes, chaque membre de la famille joue un rôle particulier. Jill est le cerveau créatif à l’origine des collections et du style visuel. En tant qu’entrepreneuse, Angélique veille à l’orientation stratégique et au marketing, tandis que Joy s’emploie à définir le cap à suivre. Depuis le début, la clientèle est très variée : des jeunes femmes qui s’habillent pour leur remise de diplôme aux dames plus âgées qui se font faire des costumes pour la première fois. Aujourd’hui, les femmes de carrière constituent le cœur de leur clientèle. « Des femmes qui prennent leur travail au sérieux et qui savent qu’un tailleur leur donne une plus grande confiance en elles. » 

« Il ne s’agit pas uniquement d’élaborer une coupe parfaite : tout est affaire de proportions. Celles-ci doivent être justes » 

Un costume féminin réussi dépend totalement de la personne qui l’enfilera. « Il ne s’agit pas uniquement d’élaborer une coupe parfaite : tout est affaire de proportions. Celles-ci doivent être justes », explique Jill. « Pour une femme dotée d’une poitrine généreuse, par exemple, on choisit un col subtil. On prend soin de mettre des accents aux endroits adéquats. Les costumes sont intemporels et soulignent l’individualité de chaque femme. Alors que les costumes masculins doivent être ajustés, nous optons pour le confort. » 

Elles considèrent le regain de popularité des costumes comme une évolution intéressante, mais leur mission fait fi des tendances. « Le costume est une forme d’expression, pas un effet de mode », affirme Angélique avec conviction, « pour nous, le costume n’est pas un phénomène temporaire, mais une façon de s’exprimer. » Des tissus qui racontent des histoires 

DES TISSUS QUI RACONTENT DES HISTOIRES

Pursuit Femmes travaille avec des tissus de Scabal – maison de couture bruxelloise qui conçoit les costumes de James Bond –, du britannique Holland & Sherry et de l’italien Loro Piana. « En Angleterre, la largeur d’une rayure dit quelque chose de votre statut dans le monde de la finance », explique Jill, fascinée. « C’est ce genre de détail qui rend les tissus si envoûtants. » 

Elles ne suivent pas servilement les tendances de la mode. « Nous les surveillons de près, mais nous concevons surtout des vêtements qui durent, dans lesquels on se sent toujours bien, et pas seulement lorsqu’ils sont à la mode. » Leurs pièces tiennent également compte des changements du corps féminin au fil des ans. « Nous y répondons par des coupes, des ceintures et des éléments extensibles. Nous pensons toujours de la même manière : votre costume doit pouvoir épouser votre évolution. » 

GARDER UN OEIL CRITIQUE

Maintenir sa concentration demeure un véritable défi. « Parfois, on se laisse distraire par ce que font d’autres labels, mais ensuite nous nous rappelons : c’est notre cap. Laissons les autres faire ce qu’ils veulent », précise Angélique. 

Elles ne prennent pas non plus les conseils pour argent comptant. « Nous nous demandons à chaque fois si ça nous correspond vraiment, si ça concorde avec notre mission ? », raconte Jill. « Au début, nous faisions parfois preuve de naïveté. Nous prenions des décisions rapidement, sans trop penser aux risques encourus. Aujourd’hui, nous réfléchissons à deux fois. Avec le temps, nous savons mieux ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. » Cette lucidité est nécessaire, car le secteur n’est pas du tout prévisible. « Au printemps et en été, tout tourne autour des mariages et des événements, à l’automne nous travaillons surtout pour les clients B2B. Cette diversité rend les choses intéressantes, mais requiert aussi un business model flexible. » 

En quatre ans, elles ont beaucoup appris. Leur plus grande erreur ? « La boutique pop-up à Amsterdam », répondent-elles en chœur. « Nous n’avons pas fait suffisamment d’études de marché. Désormais, nous sommes mieux préparées et ne nous contentons pas simplement de copier ce qui fonctionne ici. » 

Les trois femmes entendent laisser à Pursuit Femmes le temps de croître durablement. « Notre stratégie initiale était ambitieuse : ouvrir une boutique éphémère, recruter du personnel et passer directement à l’emplacement suivant », se souvient Angélique. « Nous avons grandi très rapidement, mais la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont tiré la sonnette d’alarme. Elles nous ont obligées à ralentir et à poser un regard plus critique sur les opportunités qui nous conviennent vraiment. » 

 Aujourd’hui, elles optent pour un modèle flexible : un lieu fixe à Anvers, des espaces de coworking à Gand et Bruxelles, et des freelances pour les accompagner au gré de leur évolution. Pursuit Femmes est rentable depuis deux ans. « Nous suivons de près nos KPI », raconte Angélique. « La flexibilité est essentielle, surtout avec la hausse des prix de l’énergie et des coûts du personnel. Ce n’est jamais agréable de se séparer de collaborateurs, mais parfois c’est nécessaire. Dans une entreprise familiale, on ne pense pas en termes d’années, mais de générations. » 

Le prochain défi ? Offrir l’expérience de l’habillement sur mesure à plus grande échelle. « Les clients doivent toujours être en mesure de toucher les tissus. C’est pourquoi nous organisons des trunk shows : les valises pleines de tissus, nous nous rendons dans des villes comme New York et Londres, afin que notre clientèle puisse nous rencontrer et mesurer la qualité de ce que nous proposons. » 

GARDER UN OEIL CRITIQUE: la famille comme force

Pour le trio, le plaisir au travail importe tout autant que la croissance. « Je suis fière lorsque je vois une femme rayonner dans un costume qui lui donne du pouvoir », dit Angélique. « Voir le sourire et la confiance en soi d’une cliente, c’est une récompense magnifique. » Joy et Jill partagent cette satisfaction et sont surtout reconnaissantes de pouvoir réaliser leur rêve sans investisseurs extérieurs ni partenaires. 

« Joy et moi sommes comme l’eau et le feu, mais notre mère dit toujours : c’est le frottement qui produit des étincelles » 

Appartenir à une entreprise familiale comporte aussi son lot de défis. « Scinder travail et vie privée n’est pas toujours simple », admet Jill. « Nous faisons en sorte que chacune ait assez d’espace. Joy et moi sommes comme l’eau et le feu, mais notre mère dit toujours : c’est le frottement qui produit des étincelles. »  

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