À l’heure où les bières spéciales séduisent par leur diversité, la Brasserie de l’Abbaye du Val-Dieu prend le contrepied en lançant…une pils. Mais cette pils joue la carte de l’originalité. Baptisée « Audas », cette nouvelle blonde revendique sa simplicité, sa fraîcheur, et une certaine forme de minimalisme assumé, dans un marché où l’authenticité se cherche souvent du côté des IPA ou des triples houblonnées. On savait les Liégeois ardents, voici qu’ils nous prouvent qu’ils ont aussi de l’audace…
Se lancer en 2025 dans la production d’une pils, c’est un pari osé pour la Brasserie de l’Abbaye de Val Dieu. En effet, si le marché de la bière est en net recul, en Belgique comme dans le monde, c’est essentiellement à cause de la baisse de consommation des pils. « Sur les 15 dernières années, on a vendu 20% de bières en moins en Belgique, une décroissance qui suit la chute des ventes de la pils » souligne Lionel Delbart, directeur commercial chez Val-Dieu. « Jusqu’en 2020, la perte sur le marché belge était compensée par la croissance de la vente des bières belges à l’étranger, mais depuis le COVID, la décroissance est généralisée à cause du recul de la pils. Les Belges boivent moins de bière, mais de meilleure qualité, en se tournant vers les bières spéciales ».
Se diversifier sans perdre son âme
Étonnant, dans ce contexte, de voir Val-Dieu, un brasseur historiquement tourné vers les bières spéciales, avancer dans un univers inconnu et fortement concurrentiel, celui de la pils. « Il faut savoir que la pils représente tout de même 70% des ventes globales d bière », poursuit Lionel Delbart.
Pour Val-Dieu donc, il s’agit d’occuper ce segment de marché extrêmement important, sans perdre son âme de producteur artisanal de bière d’abbaye et de qualité. « C’est pour cette raison que notre pils, l’Audas, n’a rien d’une pils ordinaire, nous avons voulu sortir un produit de qualité, audacieux, moderne, convivial qui est en phase avec les nouvelles générations », enchaine le directeur marketing du groupe Vincent Brossel, en présentant une marque, une identité visuelle et un caractère originaux, entre vintage et de modernité.
Beaucoup moins de sucre que les autres pils

« Nous avons voulu offrir une pils très différente des marques industrielles, l’Audas a du caractère, de l’amertume mais surtout, elle contient beaucoup moins de sucre (NDLR : entre 10 et 20% de moins que la moyenne des autres pils) ce qui la rend plus légère 4,5° contre 5,5° en moyenne), plus désaltérante et plus digeste », assure Alain Pinckaers, responsable de la brasserie et de la fabrication des bières. « Nous utilisons des produits triés sur le volet, houblon et pilsener et bien entendu l’eau de la Gileppe, connue pour sa pureté et sa stabilité ».
Innovation et prise de risques
Avec cette Belgian Craft Pils à 4,5 % d’alcool, brassée à fermentation basse pendant quatre semaines, Val-Dieu entend faire redécouvrir un style parfois jugé trop classique. Ici, l’amertume est franche, le goût net, et la promesse claire : proposer une alternative artisanale aux pils industrielles omniprésentes. La brasserie mise sur un positionnement à la fois accessible (10 cents de plus qu’une pils industrielle, ndlr) et identitaire.
Ce lancement s’inscrit dans une dynamique de renouveau entamée l’année dernière par Val-Dieu, avec la gamme « Excellence ». Jusqu’ici, cette stratégie s’est avérée payante. Car si le marché brassicole belge souffre, Val-Dieu enchaîne les années de croissance. « De 2016 à aujourd’hui, nous avons presque triplé nos ventes, en passant de 8.000 à 30.000 hectolitres », précise Lionel Delbart. La clé de ce succès ? L’innovation et la prise de risques. « Nous appartenons à un grand groupe, Unibox, qui a des moyens et nous permet de lancer des nouveaux projets », se réjouit Vincent Brossel. D’ailleurs, cette pils pourrait en cacher une autre, la brasserie ne cache son ambition de lancer une bière sans alcool.

Audas vise d’abord l’Horeca régional, en particulier la province de Liège, avant un déploiement plus large dans les grandes surfaces. Objectif de la première année : 1.000 hectolitres, pour atteindre les 3.000 hectolitres fin 2026. La bière sera aussi présente lors de festivals et grands événements, comme les Francofolies de Spa, afin de se faire une place dans un segment qui représente encore 70 % du marché belge.
Unibox, d’un garage de Lambermont à un groupe régional multicarte
Derrière ce repositionnement brassicole se trouve un acteur économique discret mais actif : le groupe Unibox, basé à Chaineux (Liège). Historiquement lié aux jeux de café et aux appareils de divertissement, le groupe a entamé un virage stratégique il y a une dizaine d’années, pour devenir une structure diversifiée, active dans l’horeca, le loisir, l’immobilier ou encore les services informatiques.
Aujourd’hui, Unibox chapeaute plus de 50 sociétés et emploie environ 450 collaborateurs. On lui doit, entre autres, la brasserie de Val-Dieu, les centres de loisirs S’pace, les hôtels MyHotel, ou encore les jardineries Univert. À la manœuvre, Victor Léopold Bosquin et Jean-Marc Corteil, poursuivent une logique de développement régional, avec un ancrage affirmé en province de Liège.
La stratégie repose sur la diversification mais aussi sur l’impact local. Dernier exemple en date : le fonds So Impact Invest, destiné à soutenir des projets dans la santé, l’énergie ou l’économie collaborative. Quant au volet brassicole, il continue d’évoluer entre tradition (les bières d’abbaye) et expérimentations plus récentes, comme un gin maison ou, désormais, cette nouvelle pils.