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Du cirque en pierre au hub technologique

Après une rénovation en profondeur, le Cirque d’hiver de Gand accueille désormais startups et entreprises technologiques. « Notre ambition était de donner une identité à l’écosystème gantois », affirme Louis Jonckheere, CEO de TENT, qui pilote ce hub technologique.

Construit en 1894, le Cirque d’hiver était autrefois un lieu emblématique où les troupes de cirque divertissaient le public gantois, même en hiver. Le plan original de l’architecte Emile De Weerdt comprenait une piste de course pour chevaux et des écuries. Un incendie survenu en 1920 a détruit presque entièrement le bâtiment, épargnant seulement quelques murs extérieurs, les écuries et le manège. Sous la supervision de l’architecte Jules-Pascal Ledoux, le Cirque d’hiver a été rebâti, adoptant alors son design iconique et sa coupole, toujours intacte à ce jour. 

Garage Mahy 

Après la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment subit une nouvelle transformation. Ghislain Mahy en devient le propriétaire et le convertit en garage Fiat avant-gardiste. L’intérieur est repensé avec une structure en béton et un système de rampes permettant aux véhicules d’accéder aux étages supérieurs. « Il a transformé ce garage en une véritable expérience », raconte Wouter Notebaert, chef de projet chez sogent, l’entreprise en charge du développement urbain. « Un avion miniature était suspendu à la coupole, et un passage reliait directement la piste centrale, la salle de réception et le coiffeur voisin. » Après la fermeture du garage en 1978, le bâtiment sert d’entrepôt pour les voitures de collection de Mahy. À la fin des années 1990, le Cirque d’hiver est laissé à l’abandon et menace de tomber en ruine. 

Nouveau quartier urbain 

En 2005, sogent, mandaté par la Ville de Gand, fait l’acquisition du Cirque d’hiver pour le préserver de la démolition. Parallèlement à la création de la bibliothèque De Krook et de la place adjacente, un projet prend forme afin d’intégrer le Cirque d’hiver à un quartier dynamique et novateur. Sogent organise un concours d’architecture, remporté par Atelier Kempe Thill, en collaboration avec aNNo architecten, qui proposent un centre multifonctionnel incluant une salle de concert pour 500 personnes, des bureaux, des espaces retail et Horeca. « Lorsque la collaboration est devenue difficile, il a été mis fin à l’amiable à ce partenariat. Sogent a ensuite retenu l’association temporaire Baro Architectuur + SumProject pour finaliser les travaux, laquelle a également apporté de nombreuses optimisations, notamment sur le plan budgétaire », poursuit Wouter Notebaert. 

Rénovation 

C’est en juin 2017 que sogent démarre les travaux de rénovation, répartis en deux phases. La première concerne les gros œuvres et la création d’une salle de concert sous la piste centrale. « La deuxième phase, entamée en octobre 2019, portait sur les étages supérieurs », précise Wouter Notebaert. « Sogent a achevé les espaces publics, tandis que les zones livrées casco ont été mises à disposition de l’exploitant pour une utilisation future. » 

Wouter Notebaert revient sur ce processus long de près de 20 ans. « Si nous devions recommencer, nous veillerions à mieux enchaîner les différentes étapes. Pendant les périodes d’inactivité, nous avons compensé autant que possible avec des initiatives temporaires, comme une exposition sur l’histoire du Cirque d’hiver ou la diffusion de la Coupe du monde de football par la VRT. » 

La rénovation a combiné préservation du patrimoine, avancées technologiques et durabilité. « Le bâtiment est entièrement exempt de combustibles fossiles grâce à un stockage d’énergie géothermique souterrain (BEO) qui alimente également en chaleur la bibliothèque De Krook voisine. Cette solution s’inscrit dans la démarche écologique de la Ville et réduit la dépendance aux systèmes de chauffage traditionnels à gaz. » 

© Mélanie De Vrieze

Coût 

Le projet de rénovation du Cirque d’hiver est un investissement considérable, avec un coût total d’environ 43 millions d’euros. L’acquisition du bâtiment s’est élevée à environ 2 millions, la rénovation à 23 millions, et les 16 millions restants ont été alloués aux frais de financement, honoraires et coûts annexes. Des financements externes ont contribué à ce projet, notamment des subventions du Fonds européen de développement régional (1,3 million d’euros), du Fonds flamand pour l’aménagement urbain (3,2 millions d’euros), du Fonds des villes flamandes pour les économies d’énergie (270 000 euros), et du Fonds des priorités (875 000 euros). 

Trouver un exploitant capable d’assurer la gestion future du Cirque d’hiver n’a pas été une sinécure. « Parmi les deux consortiums intéressés, c’est finalement TENT qui a été sélectionné et avec qui nous avons signé le contrat », ajoute Wouter Notebaert. « La rénovation ne marque pas seulement la renaissance d’un bâtiment historique, mais aussi le renforcement de la position de Gand comme centre de créativité, technologie et culture. » 

Écosystème 

Propriétaire, la ville de Gand a concédé le bâtiment historique en emphytéose à Voka Oost-Vlaanderen, un consortium regroupant une vingtaine d’entrepreneurs, des instituts de recherches, les universités de Gand et de Louvain, ainsi que Imec. Ensemble, ils ont fondé TENT (Together for Entrepreneurship, Networking and Technology), société ayant pour but de transformer le Cirque d’hiver en hub technologique innovant. « Tout s’est fait de manière organique », explique Louis Jonckheere, CEO du Cirque d’hiver. « Nous avons perçu le développement de l’écosystème gantois et voulu lui donner une identité à travers ce bâtiment. À l’origine, nous nous concentrions sur le coworking, mais le projet a rapidement évolué vers quelque chose de plus ambitieux. » 

TENT a fait du Cirque d’hiver  un véritable hub technologique, offrant des espaces de travail et de cocréation pour startups. Parmi les 200 candidatures reçues, 38 ont été retenues, axées sur des technologies numériques dans des domaines variés comme la biotechnologie, les jeux vidéo, la santé, les logiciels grand public et professionnels. « Nous privilégions la qualité de l’équipe, la technologie, le marché et l’intégration de l’intelligence artificielle », explique Louis Jonckheere. « Nous sommes convaincus qu’il est désormais impossible de concevoir un produit à long terme sans une forte composante d’IA. » 

Synergies 

Inspiré par des exemples comme Station F à Paris et Factory à Berlin, le hub gantois se veut un lieu où des entreprises de qualité peuvent développer à la fois leur technologie et leur marché. « Tous ceux qui viennent pitcher chez nous souhaitent intégrer notre réseau et notre communauté. Le Cirque d’hiver est un bel édifice, certes, mais les entrepreneurs veulent avant tout être entourés de pairs et d’autres entrepreneurs ambitieux. En Belgique, quiconque lance une entreprise technologique significative fait partie de notre actionnariat. Les startups voient ici une concentration de connaissances et de capitaux derrière laquelle il y a un écosystème solide » 

Pour favoriser les synergies entre les entreprises, TENT organise régulièrement des ateliers et des masterclasses, animés par des entrepreneurs expérimentés, et collabore notamment avec la Vlerick Business School. Chaque semaine, des experts sont également invités pour conseiller les startups. « En structurant les connaissances et le réseau, nous faisons vraiment la différence. » 

« Les entreprises qui dépassent 15 employés ou n’utilisent pas suffisamment leur espace doivent céder leur place » 

Conserver l’ADN  

TENT évalue chaque année les entreprises présentes au Cirque d’hiver . « La demande est forte, nous avons une longue liste d’attente. Les entreprises qui dépassent 15 employés ou n’utilisent pas suffisamment leur espace doivent quitter les lieux. Cela nous permet de préserver notre ADN et de maintenir la dynamique du campus. » 

Louis Jonckheere souligne que son expérience dans le secteur technologique – notamment chez In the Pocket et Showpad – constitue un pilier essentiel pour le développement de ce hub. « Le Cirque d’hiver a une ambition large et ambitieuse. Mon expérience me donne la crédibilité et les connaissances nécessaires pour bâtir cette structure. C’est un univers où je me sens à l’aise, et où j’ai déjà contribué à la croissance de deux entreprises. Sans cette expérience, je ne serais pas en mesure de mener à bien ce projet. » 

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