À Bruxelles, au croisement d’un métier artisanal et d’un flair d’entrepreneur, trône Helianthus. Une boutique de fleurs fondée en 1990, devenue au fil des ans bien plus qu’un simple fleuriste de quartier. Aujourd’hui, sous l’impulsion d’Adrien Ghislain, Helianthus est devenu un véritable case study de réussite entrepreneuriale : un business capable de s’adapter, d’innover, et de transformer une boutique de quartier en marque globale.
De la compta aux bouquets
Rien ne prédestinait Adrien Ghislain à faire des bouquets. Diplômé en comptabilité et marketing à l’Ephec, il débarque un jour pour livrer quelques fleurs à côté de ses études. Rapidement, il met le nez dans les comptes d’Helianthus (à l’époque au bord de la faillite) et restructure tout. « Les gens ne payaient pas, ou à 120 jours. J’ai tout réorganisé », raconte-t-il.
En parallèle, il se met à composer des bouquets « pour passer le temps »… avant de se découvrir un talent. Diplôme de chef d’entreprise en poche, spécialisation en botanique, il reprend le magasin en 2014, seul maître à bord. En dix ans, il triple le chiffre d’affaires du magasin belge, passe d’environ 350 000 euros à plus d’un million, et développe un groupe de sociétés qui pèse désormais 2,5 millions d’euros de CA annuel.
Trois noms, trois mondes
Helianthus, c’est l’enseigne historique pour les fleurs fraîches et la vitrine physique de la marque. À côté, Adrien a également fondé Greenery, née en 2019, qui s’occupe de tout ce qui est artificiel haut de gamme : murs floraux sur mesure, plafonds végétaux, façades habillées… « J’ai créé deux sociétés distinctes car je ne voulais pas que les gens associent Helianthus à de l’artificiel », explique Adrien. Enfin, il y a Helianthus Rental, fraîchement lancé, via lequel on peut louer arches, socles, pergolas ou encore arbres artificiels pour mariages et événements.
La répartition ? « Environ 70% de notre chiffre vient de l’événementiel, 30% du retail », résume-t-il. Mais cette vitrine physique pourrait disparaître d’ici sept ou huit ans. « Le magasin, c’est une belle image, mais ça coûte cher. Aujourd’hui, 6 à 7 commandes sur 10 se font par téléphone, mail ou e-shop. »
L’événementiel comme moteur de croissance
Si Helianthus s’illustre sur les mariages belges (budget moyen entre 5 000 et 15 000 euros), c’est à l’international que les chiffres explosent. Suisse, États-Unis… et bientôt Luxembourg. Là, les budgets peuvent grimper à 80 000, voire 100 000 euros.
Adrien a compris très tôt que l’avenir du métier n’était pas dans la boutique, mais dans la prestation haut de gamme. « On travaille comme du Bespoke Floral Service, du service sur mesure. Les camionnettes sont nickel, on repart avec les déchets, tout est impeccable », insiste-t-il. Un positionnement qui séduit autant des particuliers fortunés que des marques mondiales (Rolex Benelux)), des hôtels, ou de grandes maisons.

Un marché saturé… et polarisé
La fleur, c’est beau, mais c’est aussi impitoyable. « Le métier est saturé. Les petits fleuristes ferment. Les gros grossissent », constate Adrien. Son constat est cash : « Se lancer aujourd’hui en boutique, c’est se tirer une balle dans le pied. » Il conseille plutôt de devenir freelance et de travailler pour des structures établies.
Le nerf de la guerre ? L’achat. Grâce à un contrat exclusif avec Agora, fournisseur européen majeur, Helianthus obtient des conditions imbattables. « Dans ce métier, si tu es petit, tu achètes peu donc tu achètes cher. Si tu es gros, tu as de meilleures conditions et tu vends moins cher… C’est la loi du plus fort malheureusement. »
L’envers du décor : l’écologie impossible
Adrien ne se voile pas la face : « Quand tu deviens gros, c’est fini l’écologie. » Les fleurs voyagent du monde entier via la plateforme d’Aalsmeer, aux Pays-Bas. En événementiel, elles sont souvent jetées après quelques heures d’exposition. « C’est le mauvais côté du métier », admet-il. Helianthus trie scrupuleusement ses déchets, mais la production reste énergivore. L’artificiel, paradoxalement, peut se révéler plus “durable” à long terme.
Et demain ?
L’avenir, Adrien le voit en grand. Littéralement. Moins de projets, mais plus spectaculaires, avec des tickets d’entrée à 50 000 euros minimum. « Ce n’est pas le budget qui me challenge, c’est le défi technique : comment réaliser ce que le client imagine ? »
Son rêve ? Continuer à exporter l’ADN Helianthus (style reconnaissable, service impeccable) sur des événements internationaux XXL. Et prouver qu’un fleuriste, au XXIe siècle, peut être à la fois artisan, logisticien, marketeur… et stratège.