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Tim Boury, un chef, deux pieds sur terre et trois étoiles

En Belgique, seuls deux restaurants arborent aujourd’hui la prestigieuse distinction des trois étoiles Michelin : Zilte, à Anvers, et Boury, à Roulers. Ce dernier a rejoint ce cercle très fermé en mai 2022, lorsque son chef Tim Boury a décroché sa troisième étoile à seulement 35 ans. Onze ans après l’ouverture de son établissement, il incarne une nouvelle génération de chefs : rigoureux, exigeant, mais profondément ancré dans le réel. Rencontre.

« Il n’y a pas vraiment de secret au succès et aux étoiles », entame d’emblée le chef Tim Boury. « Dès le premier jour, nous avons visé l’excellence, et surtout, nous avons été cohérents dans notre démarche. On a commencé modestement, avec pour objectif de bâtir une clientèle fidèle, autour d’une cuisine savoureuse, de produits d’exception, d’un service chaleureux et d’un bon rapport qualité-prix. »

Ce cheminement progressif, sans effet de manche ni virage opportuniste, a permis au restaurant de croître naturellement, en s’adressant à un public de plus en plus large, sans renier sa philosophie de fine dining. « Nous avons toujours misé sur l’expérience, dans un cadre serein, avec une attention portée à chaque détail. »

Le goût pur, sans artifice

Pour décrire sa cuisine à ceux qui ne la connaissent pas encore, Tim Boury va à l’essentiel : « C’est une cuisine de produit. Nous travaillons avec les meilleurs ingrédients de saison, en circuit court quand c’est possible. Pourquoi chercher un fromage du sud de la France, si un artisan local peut nous offrir quelque chose d’exceptionnel ? »

© SeLo

Chaque plat repose sur l’expressivité de son ingrédient principal. « Le goût doit être profond, pur, immédiatement lisible. Un chevreuil, par exemple, doit être reconnaissable, sans masque ni surcharge. Le produit guide le plat, et non l’inverse. »

Une aventure familiale exigeante

Le chef ne travaille pas seul. Boury est une affaire de famille : Inge, son épouse, et Ben, son frère, participent à la gestion quotidienne. Cette configuration demande une rigueur supplémentaire. « Travailler en famille, c’est un défi. Il faut des règles claires, une communication fluide. Au restaurant, nous discutons du personnel, des fournisseurs, des clients. Mais à la maison, nous évitons les sujets professionnels. C’est indispensable pour préserver l’équilibre. »

© SeLo

Cette discipline permet à chacun de garder sa place, tout en poursuivant ensemble un idéal commun : celui de l’excellence sans compromis.

Le contrôle par la confiance

Tim Boury ne cache pas son tempérament de perfectionniste. « Je suis présent à 99 % du temps : je goûte, j’oriente, je vérifie. Mais je ne fais pas tout moi-même. Ce serait impossible et inutile. »

La clé réside dans la structure. Une brigade de vingt cuisiniers, dont quatre ou cinq chefs solides, assure la continuité de sa vision. « C’est comme un chef d’orchestre : on ne joue pas chaque instrument, mais on doit comprendre chaque note. La rigueur vient de l’organisation, pas du contrôle permanent. »

Le souci de chaque détail

Chez Boury, l’expérience client ne s’arrête pas à l’assiette. Tout compte : le ton du service, l’ambiance, la mémoire des préférences. « Si un client vient deux ou trois fois par an et boit toujours la même chose, on s’en souvient. Ce sont des détails simples, mais ils font toute la différence. »

L’ambiance est voulue chaleureuse, sans raideur. « On veut éviter les lieux guindés. Il faut que ce soit fluide, naturel, souriant. Les gens viennent vivre un moment, pas seulement manger. »

Une signature qui parle à tous

Le restaurant attire des clients du monde entier, mais la ligne culinaire ne varie pas. « Que nos hôtes viennent de Roulers, de New York ou de Pékin, nous servons la même cuisine. On adapte parfois le rythme, mais pas l’essence. »

Ce qui prime, c’est l’excellence du produit, la justesse des textures, la clarté du goût. « La Belgique est une terre gastronomique. On veut que cela se ressente, partout dans l’assiette. »

Nourri par les autres cultures

Avec la Boury Academy, le chef accueille de jeunes cuisiniers venus du monde entier. Une richesse, à ses yeux. « La diversité des cultures nous inspire. Les gestes, les techniques, les mentalités varient d’un pays à l’autre. On apprend beaucoup. »

Certaines techniques venues du Pérou, de l’Inde ou de l’Italie peuvent même nourrir des recettes locales. « Cela ne remplace pas notre cuisine, mais ça l’enrichit. On garde notre ancrage, tout en restant ouverts. »

Un plat en tête, toujours à perfectionner

S’il y a un plat que Tim Boury n’abandonne jamais, c’est le pâté en croûte. « Je viens d’une famille de bouchers. J’ai grandi avec ce plat, et je l’adore. Mais je ne suis jamais satisfait. Obtenir la bonne pâte, l’équilibre des textures, la justesse du goût… c’est un défi permanent. »

© SeLo

Il voit aussi dans ce plat une tradition un peu oubliée, qu’il aimerait remettre en valeur. « C’est un classique. J’aimerais lui redonner la place qu’il mérite, avec les techniques d’aujourd’hui. »

Une haute cuisine accessible

Contrairement aux clichés qui entourent la haute gastronomie, Tim Boury tient à l’accessibilité. « Depuis le premier jour, on veut que chacun se sente bienvenu. Que ce soit un habitué ou quelqu’un qui a économisé pour une belle occasion. »
La fidélité de la clientèle locale pendant la pandémie en est la preuve. Et aujourd’hui encore, l’équipe multiplie les initiatives pour rester proche des gens. « On participe à des événements, on fait des démonstrations. On veut aussi parler aux jeunes : ce sont eux, nos clients de demain. »

Le goût du partage, au quotidien

Les week-ends sont consacrés à la famille. « On aime aller au restaurant le samedi ou le dimanche, en toute simplicité. Ce sont souvent de petites adresses qu’on connaît bien : une bonne grillade, une table chaleureuse, pas forcément gastronomique. Ce moment, on le partage avec les enfants. »

Pour Tim Boury, sortir manger ailleurs est à la fois un plaisir personnel, une respiration et une source d’inspiration. « J’aime voir ce que font les autres. On découvre, on s’amuse, on observe. Cela fait partie de notre équilibre. »

Les loisirs restent limités, mais essentiels. « Avant, je faisais beaucoup de vélo. Aujourd’hui, je joue au padel avec mes enfants, on passe du temps ensemble. Et on voyage. Cet été, on part au Japon. Ce sont des vacances, mais c’est aussi une façon de s’enrichir, de nourrir notre curiosité, et bien sûr… de bien manger. »

www.restaurantboury.be

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