400 millions d’euros de chiffre d’affaires, voilà ce qu’avait perdu Sonaca à la suite de la crise du Covid-19, qui avait terrassé le secteur de l’aéronautique. 689 millions d’euros, voilà le chiffre d’affaires, en hausse de 12% par rapport à 2023, qui permet à l’équipementier aéronautique wallon de signer la deuxième meilleure année de son histoire et de redevenir rentable pour la première fois depuis la pandémie. Une croissance grâce à laquelle le groupe carolo prévoit son budget d’investissement le plus important à ce jour pour 2025. Le montant: 57 millions d’euros.
Sonaca a traversé la crise du Covid grâce au chômage pour cause de force majeure disponible en Belgique. « Les volumes de production avaient baissé de moitié et nous avons fait passer tout le monde à mi-temps afin de ne devoir se séparer de personne », se souvient Yves Delatte, le CEO arrivé en 2021. Cet épisode a toutefois provoqué des tensions dans le secteur de l’aéronautique durant plusieurs années et a eu des effets durables sur l’industrie.
L’équipementier est parvenu à garder la tête hors de l’eau et en porte aujourd’hui les fruits, avec un résultat net positif de 15 millions d’euros l’an dernier. L’EBITDA s’est établi à 72 millions d’euros, contre 52 millions en 2023, soit une augmentation annuelle de près de 40%.
Pour le patron, ce retour à la rentabilité est le fruit d’un effort collectif de toutes les équipes du groupe mais aussi d’un recentrage stratégique sur les marchés à fort potentiel, comme la défense et le spatial, et d’un contrôle renforcé des coûts, avec la fermeture de certaines usines ou de lignes de production.
« A mon arrivée en 2021, nous avons positionné la défense, qui était devenue une portion congrue de nos activités au profit de l’aviation commerciale, comme un axe stratégique de notre développement », situe Yves Delatte. « Depuis lors, nous avons déployé beaucoup d’efforts pour nous placer sur ce marché. Et cela porte ses fruits », se réjouit-il.
Sonaca produit ainsi des pièces pour l’avion de chasse américain F-35 ou pour l’A400M d’Airbus. L’entreprise collabore également avec des constructeurs comme Boeing Defense ou Lockheed Martin, pour n’en citer que quelques-uns. Elle est aussi active dans un consortium européen (au budget de 100 millions d’euros) chargé de développer un système permettant d’intercepter les missiles hypersoniques, qui se distinguent par leur trajectoire imprévisible, contrairement aux missiles traditionnels ayant une trajectoire parabolique.
Et la défense belge dans tout cela? « Elle n’est pas oubliée, avec, entre autres, le développement d’un avion belge pour nos forces spéciales, qui cherchent un nouveau moyen de transport. L’idée est d’acheter un avion classique et de l’aménager selon leurs besoins pour remplir leurs missions. Si cela aboutit, nous comptons ensuite exporter ce modèle à destination d’autres pays. On espère donc décrocher le contrat », confie le CEO de Sonaca.
« De nombreux contrats ont été signés ces trois dernières années et se concrétisent actuellement. Nous prévoyons donc un chiffre d’affaires et un bénéfice opérationnel en croissance ces prochaines années ».
Le carnet de commandes est en outre plein pour l’aviation commerciale, et ce pour au moins dix ans encore. Les délais de production des avions sont devenus très longs mais Sonaca assure pouvoir encore augmenter la cadence si nécessaire. L’année dernière s’est d’ailleurs inscrite dans la poursuite d’une montée en cadence industrielle sur plusieurs programmes stratégiques.
Ce contexte de croissance fait prévoir à l’entreprise carolo son budget d’investissement le plus important à ce jour. L’objectif de cette enveloppe, fixée à 57 millions d’euros, est notamment d’accompagner l’augmentation des volumes de production et de sécuriser l’intégration industrielle du constructeur aéronautique espagnol Aciturri.
Yves Delatte insiste: il s’agit d’une étape décisive dans l’évolution de Sonaca car cette opération, toujours en cours, vise à combiner l’expertise historique du groupe dans l’aérostructure métallique avec les compétences reconnues d’Aciturri dans les matériaux composites. Ensemble, les deux entreprises auront un chiffre d’affaires consolidé d’1,1 milliard d’euros, sur base des résultats de 2024, soit le double de celui du groupe carolo. « Cela fera de nous le 3e acteur mondial indépendant (et le leader européen, NDLR) dans la carrosserie des avions! », souligne-t-il.
Les perspectives pour 2025 devraient par ailleurs être soutenues par un contexte géopolitique en évolution, anticipe Sonaca. L’augmentation annoncée des investissements de l’État belge en matière de défense pourrait générer des retombées industrielles positives pour l’écosystème aéronautique et spatial national et l’équipementier entend y contribuer pleinement, conclut-il.