Newsletter

Magazine

Inscription Newsletter

Abonnement Magazine

Archi2000 finalise son management buy-out : le cabinet d’architecture bruxellois change de mains

Fondé en 1990 par Philippe Verdussen, le cabinet d’architecture Archi2000 vient de boucler la seconde phase de son management buy-out, avec la cession des 54 % restants du capital à huit nouveaux actionnaires, dont trois enfants du fondateur. Une transmission familiale orchestrée en deux temps pour préserver l’indépendance et l’ADN d’une structure de cinquante collaborateurs, active à Bruxelles et au Luxembourg.

Archi2000 fait partie de ces cabinets d’architecture belges qui ont traversé les cycles immobiliers sans jamais perdre leur identité. Créé il y a trente-cinq ans par Philippe Verdussen, le bureau bruxellois compte aujourd’hui une cinquantaine de collaborateurs, onze associés, et revendique environ 800 000 m² de développements architecturaux à son actif. Début 2025, son fondateur a finalisé la cession de l’intégralité de ses parts à une nouvelle génération d’actionnaires, au terme d’un processus de transmission entamé cinq ans plus tôt. Un management buy-out pensé comme une alternative à l’absorption par un grand groupe européen.

Le déclic de 1996

L’histoire d’Archi2000 commence en 1990, lorsque Philippe Verdussen fonde seul son cabinet et engage un premier dessinateur un an plus tard. « Je croyais fortement à l’informatisation de l’architecture », explique-t-il. Les débuts sont laborieux. Pendant six à sept ans, le bureau réalise essentiellement des projets privés pour le cercle familial et amical. « Comme au début de toute histoire, nous avons un peu essuyé les plâtres et souffert », reconnaît Philippe Verdussen.

Le tournant intervient en 1996 avec la victoire lors d’un concours institutionnel pour la rénovation du Certificat Immobilier, ancien siège de la CGER, sur le rond-point Schuman. « À la surprise générale, nous l’avons remporté face à de gros bureaux comme Assar, qui avaient peut-être pris cela un peu à la légère, alors que nous avions proposé des idées plus audacieuses », se souvient le fondateur. Ce succès marque le début d’une deuxième période, celle de la croissance dans le marché du bureau.

Auderghem. Siège du groupe CFE. Développé par BPI Real Estate et vendu à Ethias. © Archi2000

Entre 1996 et 2010, Archi2000 développe son expertise en construction neuve et en rénovation de bureaux. Le cabinet se fait une place chez des clients majeurs du secteur immobilier : Immobel, Besix, CFE, Burco. « Nos clients, c’étaient tous les acteurs de l’immobilier : les développeurs, les maîtres d’ouvrage. La boule de neige s’est mise à grossir », résume Philippe Verdussen.

Une capacité d’adaptation éprouvée

Lorsque le marché du bureau s’effondre au début des années 2011-2012, le cabinet doit se réinventer. « Nous avons dû montrer à nos clients que nous pouvions également faire du logement », précise Philippe Verdussen. Avec les mêmes donneurs d’ordres, Archi2000 apprend à développer le résidentiel et se positionne parmi les pionniers de la reconversion de bureaux en logements à Bruxelles.

Parallèlement, le cabinet construit son expertise patrimoniale. Depuis 2004, il assure la restauration des Galeries Royales Saint-Hubert, un chantier au long cours mené en collaboration avec la Commission Royale des Monuments et Sites. « C’est vraiment un client de 20 ans », note Philippe Verdussen. Parmi les projets emblématiques figurent également Tour & Taxis, où Archi2000 a contribué à sauver de la démolition et à restaurer les deux premiers bâtiments historiques, l’École Européenne n°4 (2 200 enfants logés dans une ancienne caserne militaire) ou encore l’Institut Bordet à Erasme, 100 000 m² dédiés à la recherche et au traitement du cancer, livré en 2021-2022. « C’était notre premier grand hôpital, et un hôpital est par définition très complexe », souligne le fondateur.

Grand-Duché du Luxembourg. M.O : Croix-Rouge Luxembourgeoise et IKO Real Estate © Archi2000

Le cabinet a également traversé une période faste dans l’audiovisuel, avec la réalisation des sièges de Rossel, de la VRT, de la RTBF à Liège et de RTL au Luxembourg. Des références qui illustrent la diversification sectorielle d’une structure restée, par choix, exclusivement focalisée sur l’architecture.

Le MBO plutôt que l’absorption

Dès 2019, Philippe Verdussen, alors âgé de soixante-cinq ans, engage une réflexion sur la succession. Il consulte Deloitte pour identifier d’éventuels repreneurs européens. « Nous avons abouti sur quatre bureaux intéressés par le rachat ou l’absorption d’Archi2000 : des Français, des Hollandais et un Belge », relate-t-il.

Philippe Verdussen, fondateur d’Archi2000 © Archi2000

Mais le fondateur finit par bloquer. « Je me demandais si j’allais passer cinq ans de ma vie sous les instructions d’une plus grosse structure », confie-t-il. Dans le monde de l’architecture, la fusion comporte des risques spécifiques : perte du pouvoir de décision et du pouvoir créatif, systèmes informatiques différents, reportings lourds. « Je ne trouvais pas que c’était la voie qui me plaisait », tranche Philippe Verdussen.

Il se tourne alors vers l’interne : ses trois enfants présents dans la société et les architectes qu’il avait sélectionnés pour leur polyvalence et leur complémentarité. « Je me suis dit qu’au fond, j’avais tout en interne pour faire ce que j’envisageais », explique-t-il. Un management buy-out est structuré avec l’aide de spécialistes. Dans une première tranche, Philippe Verdussen cède 46% de ses actions.

S’ouvre alors une période de transition de cinq ans. « Les jeunes ont mis en place de nouvelles méthodes, un comité de direction. Nous sommes passés à une direction plus collégiale, plus participative, plutôt qu’un organigramme pyramidal où tout passe par le patron », décrit le fondateur. Les nouvelles pratiques sont évaluées et testées dans un contexte difficile : après le Covid, la crise en Ukraine, l’inflation et l’explosion des prix des matériaux mettent à mal les clients du cabinet. « Tous nos clients, tous les grands promoteurs et développeurs, ont pas mal souffert pendant cette période, et nous avec eux », reconnaît Philippe Verdussen.

Une deuxième phase bouclée début 2025

Malgré ces turbulences, le fondateur estime début 2025 que le moment est venu de céder les 54% restants. « Je n’étais pas certain que les jeunes seraient toujours aussi enthousiastes après cette période compliquée. Mais j’étais convaincu que fin 2025, nous allions nous en sortir et commencer à connaître des jours meilleurs », explique-t-il. Les signaux récents lui donnent raison : « Ces deux ou trois derniers mois, nous avons signé quelques beaux dossiers. À ma grande satisfaction, ils ont tous dit oui, ils sont tous repartants pour les 54% restants. »

L’opération, financée avec l’appui de banquiers, représente un effort conséquent pour les repreneurs. Archi2000 compte désormais huit nouveaux actionnaires : quatre architectes et quatre non-architectes, dont trois enfants Verdussen. Arthur, l’aîné, issu du monde de l’événementiel et titulaire d’un master en gestion commerciale, a rejoint le cabinet pour développer la partie commerciale et la communication. Une sœur travaille également dans la structure, tandis qu’un frère est architecte. « Quand on parle de transmission familiale, c’est aussi un peu poétique de se dire que le père a commencé, et que maintenant, ce sont les enfants qui reprennent le flambeau », observe Arthur Verdussen.

Réhabilitation de l’Hôtel des Douanes sur le site de Tour et Taxis. M.O : Nextensa © Archi2000

Philippe Verdussen reste président du conseil d’administration jusqu’à fin décembre, le temps d’accompagner la transition. « Je trouvais que le management buy-out était la seule façon de garder la maison dans son état original », résume-t-il.

Un ADN centré sur la transformation et la durabilité

Pour Arthur Verdussen, reprendre Archi2000 représente « un double challenge ». « C’est un énorme honneur et c’est excitant de relever ce défi, de pouvoir reprendre ce que mon père a mis 35 ans à construire », confie-t-il. Le cabinet dispose d’atouts solides : une marque reconnue, un savoir-faire accumulé, des procédures et des standards éprouvés. « On a mis en place au cours des dernières années, avant la passation complète, toute une série de procédures, de templates, de standards, pour qu’au final, nous soyons devenus un bureau très formaté, qui peut faire de très bons immeubles parce qu’on connaît bien les prix, les méthodes de construction », détaille Arthur Verdussen. « Cela fait partie de notre ADN et cela restera », assure-t-il.

Cette ADN repose sur une expertise rare en Belgique : la transformation de bâtiments, qu’il s’agisse de façades, de structures ou de réaffectations. Cette compétence s’appuie sur une équipe de techniciens et dessinateurs décrite comme solide et polyvalente. Après avoir compté jusqu’à soixante-dix personnes, le bureau a ajusté ses effectifs en période difficile pour privilégier la qualité à la quantité.

« Je dirais que le gros défi pour moi dans les années qui viennent, c’est la durabilité, l’environnemental, le fait de rénover et de transformer davantage plutôt que de démolir et de reconstruire », projette Philippe Verdussen. Les deux fers de lance du cabinet restent le logement et le bureau, en neuf, rénovation, réaffectation ou restauration. Le secteur hospitalier et l’hôtellerie constituent des relais de croissance, avec plusieurs projets d’hôtels en cours à Bruxelles.

Perspectives : Luxembourg, régions belges et concours stratégiques

La nouvelle direction entend poursuivre le développement géographique amorcé. Archi2000 dispose depuis 2019 d’une équipe au Luxembourg, où le cabinet réalise notamment le futur siège social de la Croix-Rouge luxembourgeoise.

En Belgique, le cabinet souhaite renforcer sa présence dans tous le pays : « Je trouve que s’ouvrir à d’autres horizons et d’autres pays, c’est un challenge excitant. La France est juste à côté et les Français ont tendance à apprécier les architectes belges », souligne Arthur Verdussen. « C’est quelque chose que nous essayons de développer : être plus présents en Wallonie, plus présents en Flandre (même si nous avons une petite entité à la mer). Ce sont des challenges en cours qui prennent du temps », précise-t-il.

Zeedijk à Knokke. Rénovation lourde d’un immeuble. (En cours de construction). M.O : Residentie Saint-Georges © Archi2000

Arthur Verdussen est également en charge de la partie concours, un volet stratégique mais risqué de l’activité. « Nous en faisons, mais pas énormément, car c’est toujours très risqué : on peut travailler six ou sept mois sans être rémunéré », reconnaît-il. « Dans cette gestion des concours, je pense que nous devons aussi savoir nous allier aux bonnes personnes. Parfois à d’autres architectes qui ont des compétences que nous n’avons pas », ajoute-t-il, citant la participation au concours du Stade National de Bruxelles aux côtés d’un architecte français.

Le développement reste toutefois encadré par une philosophie prudente. « J’aime bien ne pas lâcher la proie pour l’ombre, ne pas faire des concours à risque quand on a des clients qui nous paient. Je préfère soigner nos clients existants et resigner avec eux », tempère le patriarche.

Arthur Verdussen, passionné de sport, aimerait voir le cabinet investir le secteur des infrastructures sportives : clubs de padel, terrains de football, complexes sportifs. « Ce sont des challenges qui m’excitent énormément », reconnaît-il, tout en admettant que ces projets restent peu récurrents comparés au bureau ou au logement.

Le management buy-out d’Archi2000 illustre une voie de transmission encore minoritaire dans le secteur de l’architecture, où les fusions avec de grands groupes restent la norme. En préservant son indépendance et en associant une nouvelle génération d’actionnaires aux profils complémentaires, le cabinet bruxellois fait le pari de la continuité dans le renouvellement. Les prochains mois diront si cette gouvernance collégiale, testée dans la tempête, saura transformer les opportunités d’un marché en convalescence.

Martin Boonen
Martin Boonen
Martin Boonen est journaliste diplômé de l'Institut de Journalisme de Bruxelles (2012). Il collaboré avec de nombreuses rédactions à différent niveau de responsabilité : journaliste, chef de rubrique, secrétaire de rédaction et rédacteur en chef, tant sur le web que pour la presse imprimée. Spécialisé dans les startups et l'entrepreneuriat à impact, il est devenu en 2025 rédacteur en chef du site web de Forbes Belgique. Il est affilié à l'Organisation Mondiale de la Presse Périodique depuis 2011.

A la une