À 33 ans, Mathieu Nayis pilote dix salons de coiffure en Belgique dans un modèle qu’il affine et prépare déjà à l’échelle supérieure. Il vise une structuration de son réseau avec un développement de franchises en Belgique et à l’international. À terme, un cinquième lui appartiendra en direct, les autres seront en franchise. L’objectif est clair : seize salons d’ici fin 2025 et un écosystème intégré allant des produits aux outils digitaux. Dans un secteur éclaté, il trace une ligne ambitieuse et structurée. Il parle peu de cheveux, beaucoup de stratégie.
La notoriété s’est construite sans effet d’annonce, avec méthode. Dès 2015, sa présence active sur les réseaux attire l’attention. D’abord chez les joueurs d’Anderlecht, puis chez Anthony Vanden Borre, son premier client issu des Diables Rouges. Youri Tielemans suivra, et le nom circule. De bouche en bouche, de vestiaire en vestiaire, jusqu’à Chelsea, Valence ou Benfica. Quelques rappeurs, aussi. « C’était naturel. » Pas de coupes extravagantes, mais des exigences simples et soignées. « Je les coiffe comme tout le monde. Comme des gars qui prennent soin d’eux. » Ce qu’il vise, c’est l’effet de levier. « Si les gens importants me font confiance, les autres clients le feront aussi. » La notoriété devient un outil : produit d’abord, puis le marketing.
Son obsession : l’expérience. « Chaque personne doit être coiffée comme une star, pour se sentir forte. » L’attention au détail, l’image, les codes du luxe adaptés à la rue. Mais surtout, une mécanique humaine. « Je ne cherche pas des talents exceptionnels, je les construis. Ce qui compte, c’est que la personne aime profondément ce qu’elle fait. Le matin, je suis de bonne humeur quand je pars au travail. Si toi, tu ne l’es pas, tu n’es pas la bonne personne. »

Chez Mathieu Nayis, les ressources humaines sont un sport d’anticipation. Il positionne, déplace, ajuste les rôles comme dans un organigramme vivant. « J’ai une obsession pour le bon endroit. Tu ne peux pas être manager si tu n’aimes pas l’humain. Et si tu veux être CEO, il faut aimer les chiffres. » Il parle de réflexes, de profils, d’alignement. « Je regarde uniquement les qualités des gens. Tout le monde a des défauts. Mais il faut que les bons traits soient au bon endroit. »
En 2018, une fracture change la donne. Jambe cassée, huit semaines d’arrêt, et un tiers du chiffre d’affaires qui disparaît. « Ce jour-là, j’ai compris que si je ne suis plus là, le salon ne vaut rien. » Il arrête alors de penser en artisan et commence à construire comme un entrepreneur. La suite, il la structure : des process solides, une méthode duplicable, des équipes qui tournent sans lui. À Brenal, l’ambiance est dynamique, rapide, intense. À Louise, plus feutrée, haut de gamme. Chaque salon a son identité, chaque équipe sa mission.

Il ne coiffe presque plus, sauf parfois, « juste pour le plaisir, pour garder la main. » Ce qu’il aime vraiment, dit-il, c’est anticiper. « Ma vraie zone de génie, c’est de penser à dix ans. Structurer. Visualiser ce qui va venir. » C’est ce qui l’a poussé à ajouter dès 2020 des services comme la manucure, les soins visage ou la pédicure, bien avant que cela ne se généralise. « À Dubaï ou L.A., c’était déjà la norme depuis longtemps. »
Son entrée dans le métier, elle aussi, tient à un alignement intuitif plus qu’à un plan de carrière. « Je voulais être policier. Mais les inscriptions étaient closes. Mon père m’a dit : “Trouve un truc.” On est allés à l’INFAC. J’ai dit coiffure un peu au hasard. Et j’en suis jamais sorti. »

Dans le miroir, il ne voit plus seulement une coupe, il voit un système qui prend forme.