Avec un taux de succès qui plafonne à 40 % dans les centres de PMA classiques, le marché de la fertilité en Belgique montre ses limites structurelles. C’est dans cette brèche que s’engouffre Honae Care. Ouverte en septembre à Waterloo par Maroussia Poumay et Victoire de Bourqueney, cette première « maison de fertilité » entend rationaliser un parcours de soins souvent morcelé. Analyse d’un modèle qui mise sur la rentabilité de l’approche intégrative.
En Belgique, le secteur de la procréation médicalement assistée (PMA) est une industrie sous tension. Les 36 centres agréés du pays font face à une demande croissante, mais opèrent souvent en silos, laissant peu de place à l’accompagnement global. C’est ce constat d’inefficacité qui a poussé les fondatrices d’Honae Care à imaginer une structure hybride, positionnée délibérément en dehors de l’hôpital. Loin d’être une simple adresse « bien-être », l’entreprise se présente comme un maillon manquant stratégique de la chaîne de santé, visant à optimiser les résultats médicaux avant même l’entrée en laboratoire.

L’approche intégrative comme levier de performance
Le cœur de la proposition de valeur d’Honae repose sur un constat clinique : l’échec des traitements est souvent lié à une prise en charge trop segmentée. « Les médecins spécialisés sont ultra-compétents, mais ils travaillent énormément en silo », analysent les fondatrices. Pour contrer cette perte d’efficacité, la structure rassemble 30 praticiens sous un même toit — gynécologues, endocrinologues, nutritionnistes ou encore acupuncteurs — afin de proposer un « bilan de fertilité intégratif ».
D’un point de vue économique, cette approche vise à réduire l’errance médicale. En investiguant dès le départ les causes métaboliques ou nutritionnelles de l’infertilité (souvent ignorées dans un premier bilan classique), Honae ambitionne d’améliorer la qualité des gamètes en amont. L’objectif est double : offrir une meilleure expérience patient dans un cadre chaleureux, mais surtout augmenter le ROI (retour sur investissement) des tentatives de FIV, coûteuses pour les patients comme pour la sécurité sociale.

Un modèle locatif scalable
Derrière la promesse médicale se dessine un business model rigoureux. Honae Care fonctionne sur un système de location d’espaces de consultation, assurant des revenus récurrents basés sur le taux d’occupation des cabinets. « Il faut un taux d’occupation de 55 % pour atteindre le seuil de rentabilité », précise Victoire de Bourqueney. Une cible que l’entreprise frôle déjà, quelques mois après son lancement, avec un taux avoisinant les 50 % prévu pour janvier 2025.
Ce modèle « asset-light » — la structure ne possède pas de lourds laboratoires de biologie, les actes techniques restant la prérogative des hôpitaux partenaires — offre une agilité précieuse. Il permet d’envisager une duplication du concept. Si Waterloo fait figure de MVP (Minimum Viable Product), l’ambition est clairement de scaler le modèle en Belgique, où le besoin de structures intermédiaires se fait sentir.

Capter les marchés oubliés : les hommes et la « silver economy »
La stratégie de croissance d’Honae repose également sur l’élargissement de sa base de clientèle vers deux segments historiquement négligés. D’abord, la fertilité masculine. Alors que la qualité du sperme a chuté de 50 % ces 75 dernières années, les hommes restent les grands oubliés des parcours classiques. En les intégrant pleinement au processus de soin, Honae s’ouvre de facto à 50 % du marché potentiel supplémentaire.
Ensuite, la ménopause. Ce pivot stratégique permet à l’entreprise de s’adresser à la Silver Economy et d’entrer sur le marché B2B. « C’est un enjeu majeur pour le maintien de carrière des femmes », soulignent les entrepreneures, qui envisagent des partenariats avec des entreprises pour accompagner leurs talents féminins via des packs dédiés. Une diversification intelligente qui lisse l’activité et pérennise le modèle au-delà de la seule patientèle en désir d’enfant.
Vers un changement de paradigme économique ?
Le défi majeur reste l’accessibilité financière dans un pays habitué à une médecine quasi-gratuite. Si les consultations médicales suivent les tarifs conventionnels, le parcours paramédical reste à la charge du patient. Toutefois, les fondatrices portent une vision politique : celle de la prévention comme source d’économies publiques. « Une FIV coûte 12 000 euros à la sécurité sociale », rappellent-elles. En optimisant la fertilité en amont pour éviter des traitements lourds et inutiles, ce modèle privé pourrait paradoxalement permettre à l’État de réaliser des économies substantielles à long terme. Une rhétorique économique qui pourrait séduire bien au-delà de la sphère médicale.
