Le rapprochement entre les groupes de presse IPM et Rossel franchit une étape décisive. Un accord de fusion par absorption a été officiellement signé et annoncé ce mercredi matin par mail à l’ensemble du personnel d’IPM. Reste désormais une étape cruciale : l’examen du dossier par l’Autorité belge de la concurrence, dont la décision conditionnera l’entrée effective d’IPM sous pavillon Rossel.
Selon les informations communiquées en interne, l’Autorité de la concurrence examinera le dossier à partir de janvier 2026. La procédure prévoit un délai de 55 jours pour rendre un avis, ce qui laisse entrevoir une validation possible entre mars et avril 2026, si aucun obstacle majeur n’est soulevé. C’est précisément cette période transitoire qui inquiète aujourd’hui les équipes.
Pour rappel, les deux groupes avaient trouvé un accord en juin dernier. Concrètement, Rossel – déjà propriétaire du Soir, de Sudinfo, de 50% de L’Écho et de 50% de RTL Belgium – absorbe les activités de presse écrite d’IPM, soit La Libre, La DH/Les Sports, L’Avenir, ainsi que les magazines Moustique, Télé Pocket et Paris Match Belgique. En échange, la famille le Hodey, qui dirige IPM, entre à hauteur de 10% dans le capital du groupe Rossel, désormais détenu par les familles Hurbain, Marchant, Defourt et Le Hodey. François le Hodey siègera au conseil d’administration de Rossel. Il avait été question d’une remise en cause récente de la valorisation à 10% mais selon nos informations, l’accord signé est conforme au deal de juin dernier. Un deuxième mail, émanant cette fois du CEO François Le Hodey, a été envoyé en fin de matinée au personnel pour tenter de rassurer tout le monde.
Chômage économique dès la mi-février
Dans l’attente de cette décision, la direction d’IPM a annoncé le recours à une période de chômage économique, qui s’étendrait de mi-février à mi-avril, à raison d’un jour par semaine, sous réserve de l’aval de l’ONEM. Une mesure présentée comme temporaire, mais qui traduit la tension financière d’un groupe en pleine bascule.
Reste à savoir comment cette mesure va s’applique concrètement et si elle concernera l’ensemble du groupe. Certaines sources nous précisent que seul le groupe L’avenir serait concerné de manière généralisé.
En interne, cette décision est largement interprétée comme une stratégie de limitation des sorties de liquidités, avant le transfert effectif des activités de presse quotidienne vers Rossel. Une façon de passer le cap en réduisant les coûts fixes, alors que l’avenir du groupe se joue désormais au niveau réglementaire.
Deux entités, une presse quotidienne appelée à basculer
Le montage prévu par l’accord signé prévoit la création de deux structures distinctes. D’un côté, une entité IPM “historique”, appelée à être absorbée par Rossel et regroupant les activités de presse quotidienne. De l’autre, une structure résiduelle – Maja – conserverait certains actifs : le bâtiment de la rue des Francs, quelques sites liés au voyage, le pôle radio ainsi que LN24, la chaîne d’information continue.
Un découpage qui alimente déjà un sentiment de déclassement chez une partie du personnel, certains évoquant ce qu’il reste « en dehors » de la fusion comme des actifs périphériques, loin du cœur historique du groupe.
Premières coupes dans les freelances
Au-delà du chômage économique, les premières mesures d’économies ont déjà été enclenchées. Plusieurs freelances sportifs ont été informés d’une baisse de rémunération de 8%, une décision qui touche un secteur déjà fragilisé par la précarisation des statuts dans la presse.
Dans le même temps, des collaborations historiques seraient remises en question, notamment du côté de la photographie. Des noms bien connus à Liège, actifs depuis parfois plus de trente ans, auraient été écartés ou verraient leur avenir sérieusement compromis. Autant de décisions qui pourraient donner lieu à des contestations sociales.
Pluralisme et emploi sous tension
Cette fusion, l’une des plus importantes de ces dernières années dans le paysage médiatique francophone, soulève de nombreuses questions : pluralisme de l’information, concentration des médias, conditions de travail et avenir de l’emploi journalistique. Des craintes déjà largement exprimées par les syndicats et relayées dans le débat public.
Si Rossel insiste sur la nécessité de consolider économiquement le secteur face à l’érosion des revenus publicitaires et à la transition numérique, du côté d’IPM, l’annonce brutale du chômage économique et les premières coupes dans les collaborations nourrissent un climat d’inquiétude.
Les prochaines semaines seront donc déterminantes. Non seulement pour l’avenir industriel de deux groupes majeurs de la presse belge, mais aussi pour les centaines de journalistes, techniciens et collaborateurs qui attendent désormais le verdict de l’Autorité de la concurrence – et, avec lui, une réponse plus claire sur leur futur professionnel.
Ainsi, des informations concordantes font état d’un plan social au sein de l’Avenir, qui convergerait au sein du pôle régional du groupe sous la direction de Sudinfo. Des listes « noires » contenant des noms de journalistes connus pour leur volonté de maintenir une distance nette entre rédaction et direction, mais aussi pour leur proximité avec des structures syndicales ou l’Association des Journalistes professionnels, circuleraient déjà. Il serait aussi question, dans la mise en place de synergies, de rapprocher les deux groupes (Sudinfo et L’Avenir) en fonction de leur implantation dans chacune des sous-région.
Dans le même registre, la direction d’IPM devrait signifier sous peu leur licenciement à trois journalistes emblématiques de LN24. Il s’agirait, selon nos informations de Jim Nejman, rédacteur en chef, de Nicolas Pypin, de l’éditrice de l’émission « Le monde ou rien » mais aussi de Maxime Binet, responsable de l’interview politique du matin.
D’autre part, certaines informations confirmées à bonne source annoncent la disparition de La Capitale, l’édition bruxelloise et Brabant wallon de Sudinfo, au profit de la Dernière Heure. Enfin, il serait aussi question de rapprocher sous une même direction toutes les rédactions sportives des deux groupes, à l’exception de RTL Sports qui resterait en dehors de la nouvelle coupole sportive, ce qui n’empêcherait en rien la possibilité de collaborations déjà existantes.
