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Jean-Christophe Goethals : “À Monaco, on ne peut pas faillir”

Après 25 années passées en Belgique, Jean-Christophe Goethals s’est installé à Monaco où il a fondé JustUnlimited, une agence événementielle qui s’est imposée sur un marché exigeant et très concurrentiel. Méthode belge, adaptation locale et stratégie relationnelle… Il revient sur son parcours, son implantation dans la Principauté, et les spécificités du marché monégasque.

Forbes.be – Quel a été votre parcours professionnel avant la création de JustUnlimited ?
Jean-Christophe Goethals – J’ai grandi en Belgique et j’y ai passé 25 ans. J’y ai suivi des études en communication à l’ISFSC, à Bruxelles. J’ai toujours aimé faire la fête, par souci de joindre l’utile à l’agréable, en 2009, j’ai rejoint EventAttitude, une société maintenant disparue qui était pionnière dans la mise en place d’animation photo et vidéo sur des événements. L’un de leurs principaux clients était la Loterie Nationale, très active sur les festivals belges. J’étais chargé de coordonner les activations pendant les événements de l’été, puis j’ai été recruté à temps plein. J’étais le treizième collaborateur de la société à l’époque ; à mon départ, fin 2011, nous étions 35. J’ai quitté la Belgique pour rejoindre celle qui est devenue mon épouse à Monaco, elle-même belge ayant grandi en Principauté. Je n’avais pas de projet professionnel défini, mais j’ai rapidement intégré une société d’organisation d’événements locale. Cette expérience, d’environ un an et demi, m’a permis de comprendre les spécificités du marché local avant de créer JustUnlimited.

© JustUnlimited

– Quelles différences avez-vous observées entre le marché événementiel belge et celui de Monaco ?
À mon arrivée, j’ai perçu un réel contraste. En Belgique, les processus sont généralement structurés, lisibles, et les relations commerciales assez transparentes. À Monaco, j’ai observé une approche plus opportuniste chez certains acteurs du secteur, avec une logique de maximisation rapide de la marge, parfois au détriment de la satisfaction du client. Ce fonctionnement m’a semblé en contradiction avec ma manière de concevoir la relation commerciale. Mon objectif est de construire des partenariats sur le long terme, basés sur la confiance et la qualité. Cette approche a contribué à la pérennité de JustUnlimited, qui fête ses dix ans cette année. En 2024, nous avons organisé 54 événements, ce qui, pour notre taille, constitue une très belle performance dont je suis fier.

– Comment avez-vous trouvé vos premiers clients à Monaco ?
Mon premier contrat concernait une association qui organisait des tournois de backgammon. Cela a constitué mon point d’entrée dans le tissu local. Et puis, comme Monaco est un endroit qui se prête volontiers au relationnel, j’ai commencé à construire mon réseau. Au fil des années, au départ de Monaco, j’ai fait des choses que je n’aurais jamais imaginées : des événements dans toute l’Europe, jusqu’à piloter tout le rebranding d’une banque en Azerbaïdjan : naming, logo… on a même été jusqu’à créer une identité olfactive et sonore à la marque. L’événement de lancement a été grandiose. Ils voulaient sortir de leur précédente image encore très connotée ex-URSS. C’est une collaboration qui a duré deux ans et demi. Désormais, c’est la 3e banque du pays. Je dois ces projets uniquement à la relation et à la confiance de mes clients. Désormais, notre rayon d’action couvre autant le dîner privé pour 6 personnes préparé en exclusivité par un chef étoilé que l’inauguration de Mareterra en décembre dernier, le gigantesque projet d’extension en mer de Monaco, le plus gros projet immobilier privé d’Europe des dernières années.

© JustUnlimited

– Entre le tournoi de backgammon et l’Azerbaïdjan, comment on scale-up quand on est à Monaco ?
Je pense que le principal, c’est de savoir rester soi-même. Monaco, ça fait 2,08 km². Par conséquent, tout le monde connaît tout le monde assez vite. Dans les tournois de backgammon, on y trouvait Pierre, Paul, Jacques et Jean qui connaissaient Antoine, Eric et quelques autres… si tu as un peu une fibre sociale, que tu aimes parler sincèrement avec les autres, et que tu es crédible professionnellement, alors les portes s’ouvrent. D’abord des petites, puis, de plus en plus grandes. Depuis 2017, nous avons la chance d’organiser tous les gros événements de la Fondation de la Princesse Charlène. Ils sont venus frapper à notre porte parce qu’un physio de boîte de nuit avec qui je m’entendais bien m’a recommandé à quelqu’un en charge de la Fondation. J’ai pu les rencontrer, le match s’est fait. Sur ce premier événement pour eux, je n’ai pas gagné un euro, mais j’ai amorcé une relation de confiance qui est devenue un partenariat solide et pérenne. Je n’ai jamais fait de pub, ni jamais sollicité directement quelqu’un. En revanche, j’ai toujours pris la peine de semer des graines partout où j’allais et je me suis efforcé d’en récolter les fruits en travaillant le plus dur possible. Une chose importante aussi à Monaco, c’est de garder les pieds sur terre : la fête, l’argent, l’alcool, les people. Cela peut monter à la tête. On en voit qui finissent par péter les plombs.

© JustUnlimited

– Le territoire de Monaco ne limite-t-il pas votre potentiel de développement ?
C’est en effet un marché de petite taille, très dense et concurrentiel. Mais la qualité et la fréquence des événements sont telles qu’il existe de réelles opportunités pour des prestataires positionnés sur un créneau très haut de gamme et qualitatif. Notre philosophie, très belge, qui nous permet d’organiser des manifestations à la fois distinguées et décontractées, est très appréciée ici. Certains de nos concurrents ont une clientèle essentiellement russophone qui exige des prestations très démonstratives et tape-à-l’œil… ce n’est pas ce que nous proposons.

© JustUnlimited

– Vous voulez dire que votre sensibilité belge vous permet d’émerger sur ce marché ?
Oui. Exactement. Notre étiquette “belge” plaît beaucoup. Nous avons une image de compétence, de fiabilité, d’humilité et de simplicité, loin de l’approche parfois un peu prétentieuse ou arrogante que peuvent avoir les Anglo-saxons. Nous sommes respectueux de tout le monde : des convives comme du personnel. Les établissements avec lesquels nous travaillons le savent et le reconnaissent. Il nous arrive parfois de jouer les intermédiaires entre un concurrent et son client parce qu’il est de notoriété publique que nous savons lisser les angles et que nous trouvons toujours des solutions. C’est une question d’éducation, de respect. Quand ce sont ces valeurs qui guident ton action, alors tu peux réussir des choses incroyables !

– Qu’est-ce qui fait que Monaco est tellement stratégique pour ce genre de business ?
Il y a à Monaco une concentration de gens qui ont d’importants moyens. C’est un public qui passe nécessairement par des agences quand il veut organiser quelque chose. Géographiquement aussi, c’est intéressant : nous sommes à 20 minutes de l’aéroport de Nice, l’offre HoReCa est riche et variée. Il faut imaginer que le Grimaldi Forum organise en moyenne 5 événements corporate par semaine toute l’année. Le même weekend, il peut y avoir un tournoi de padel, de l’opéra et un salon professionnel. Monaco est aussi une destination qui fait rêver parce qu’elle a une histoire : la tradition du cirque, le tennis, l’automobile (la F1, le rallye…), le nautisme, le casino… entretiennent cette mythologie chaque année. La sécurité est aussi un atout de la principauté, d’autant plus dans un monde aussi incertain que le nôtre. La qualité de vie est extraordinaire.

© JustUnlimited

– Quels enseignements avez-vous pu transférer de votre expérience belge à votre activité monégasque ?
J’ai rapidement compris que, comme en Belgique, la réputation se construit lentement mais peut se défaire très rapidement. Il y a une obligation de résultat permanente. On ne peut pas faillir. On travaille souvent avec des délais très restreints. La veille pour l’avant-veille presque. Dans ces conditions très tendues, avoir une bonne relation avec tes clients mais aussi tes partenaires et sous-traitants est primordial. C’est comme ça que tu obtiens ce petit quelque chose que les autres n’auront pas. Sortir de notre zone de confort, c’est ça qui nous fait vibrer et qui nous anime tous les jours, bien sûr !

– Comment avez-vous vécu la période de confinement sanitaire à Monaco, réputée très dure pour votre secteur d’activité ?
J’ai eu la chance, avec le précieux soutien de mes clients, de traverser la période de la crise sanitaire sans dégât. Notre structure est suffisamment souple pour nous permettre de trouver des solutions à quasiment toutes les situations. La pandémie en est un bel exemple. On s’est retrouvés à installer des studios télé (caméras, régies, écrans…) chez des pilotes de F1, des sportifs de haut niveau, ou des propriétaires d’entreprises bloqués chez eux, qui devaient intervenir sur différents médias internationaux mais qui ne pouvaient pas le faire avec leur webcam domestique. Nous sommes les spécialistes de la débrouillardise. J’aime le nom de l’entreprise : JustUnlimited. Il reflète bien notre état d’esprit : plus c’est le chaos, mieux on se porte ! Ce n’est peut-être pas le plus simple, mais c’est là qu’on fait la différence.

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