La RTBF traverse une zone de turbulences politiques et stratégiques. Après la démission surprise de Laurent Hublet, soupçonné de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts potentiel dans le cadre d’un marché public stratégique, Les Engagés ont désigné leur nouvel administrateur au sein du conseil d’administration du service audiovisuel public. C’est Éric Poncin, figure bien connue du parti centriste, qui succède à l’entrepreneur-philosophe.
Un profil politique expérimenté et respecté
Éric Poncin n’est pas un inconnu dans les cercles du cdH et des Engagés. Ancien proche collaborateur des présidences de Benoît Lutgen et Joëlle Milquet, il est réputé pour sa maîtrise des dossiers économiques, sa rigueur et son sens des codes du monde politique. Après avoir quitté le parti (où il a œuvré successivement comme secrétaire général puis chef de cabinet de son ami Benoît Lutgen), Éric Poncin s’est réorienté dans d’importantes structures régionales, comme la SOFICO, Société qui gère le réseau structurant (autoroutes, routes principales…) puis dans des outils économiques comme la SRIW, puis dans la nouvelle structure faitière Wallonie Entreprendre. À Reyers, il épaulera directement Joëlle Milquet, présidente du CA de la RTBF, dans une mission qui s’annonce délicate.
En effet, la désignation d’Éric Poncin intervient alors que le financement et les missions de la RTBF divisent même au sein de la majorité MR–Les Engagés. Les centristes, tout en validant la non-indexation de la dotation, sont nettement plus réservés sur les critiques formulées par le MR et les déclarations de Georges-Louis Bouchez en faveur d’une réduction du périmètre du service public.
Un dossier stratégique rejeté dans un contexte de tensions
Au cœur de la polémique qui a précipité le départ de Laurent Hublet se trouve le marché public pour la révision du plan stratégique de la RTBF à l’horizon 2030. Issu de l’avenant au contrat de gestion adopté le 11 juillet dernier, ce marché devait fixer les priorités et la feuille de route de l’entreprise dans un contexte budgétaire tendu. Une information qui avait été révélée en exclusivité par Forbes Belgique.
Trois cabinets de consultance avaient remis une offre en juillet : Roland Berger (465.000 € HTVA), Deloitte (700.644 € HTVA) et Arthur D. Little (883.400 € HTVA). Seule la proposition de Roland Berger respectait le plafond budgétaire de 575.000 €, mais elle a été écartée par prudence juridique en raison du poste occupé par Laurent Hublet dans ce cabinet. Les deux autres, jugées trop coûteuses, ont été rejetées pour non-conformité budgétaire.
Selon un document interne, le lien entre Laurent Hublet et Roland Berger ne permettait pas d’exclure l’accès à des informations privilégiées, pouvant procurer un avantage concurrentiel sur les concurrents. Hublet affirme n’avoir jamais participé aux discussions sur l’appel d’offres, mais a fini par quitter le CA, invoquant l’incompatibilité de ses nouvelles fonctions chez Roland Berger avec son rôle à la RTBF.
Une procédure à relancer
La non-attribution de ce marché stratégique laisse la RTBF sans prestataire externe pour mener l’étude prévue par l’avenant au contrat de gestion. L’administrateur général, Jean-Paul Philippot, a proposé au comité permanent de relancer la procédure. Dans un communiqué, la RTBF a rejeté toute « allégation de problématique juridique » sur une décision inexistante, confirmant que le travail d’analyse continuait.
Dans ce contexte, Éric Poncin hérite d’un dossier lourd, à la croisée des intérêts politiques, économiques et stratégiques. Sa mission consistera à naviguer, aux côtés de Joëlle Milquet et des autres administrateurs, entre pressions budgétaires, attentes du gouvernement et préservation des missions fondamentales du service public audiovisuel.
