Depuis des années déjà -et surtout depuis la pandémie-, les médias se font régulièrement l’écho de l’offre croissante de gîtes touristiques et du succès des plateformes de location en ligne telles qu’Airbnb.
Dans certaines communes rurales, la concentration de résidences secondaires, souvent commercialisées par des propriétaires venus d’ailleurs, a progressivement modifié l’utilisation du logement rural. Pour les populations et les autorités locales, cette utilisation touristique -parfois qualifiée d’exploitation spéculative démesurée- du tissu résidentiel historique engendre diverses pressions; à commencer, pour les habitants locaux, par la difficulté croissante d’accès à un logement abordable et par la perte d’une quiétude légitime.
Du témoignage subjectif aux chiffres
Jusqu’à présent, on manquait cruellement de recensements exhaustifs pour chiffrer et pondérer le phénomène à l’échelle de la Wallonie. La Conférence permanente du développement territorial (CPDT) vient enfin de combler cette lacune en réalisant un premier état des lieux de cette expansion de l’habitat non permanent (HNP).
L’étude, accessible en ligne, met tout d’abord en évidence la forte sous-estimation de l’ampleur du phénomène dans les statistiques officielles. Elle illustre également la rapidité avec laquelle la situation évolue: entre 2019 et 2023, les capacités d’hébergement dans les biens de type HNP ont augmenté de 10%. En croisant les données statistiques et les témoignages, une carte de synthèse a été produite pour délimiter les zones rurales wallonnes sous pression de l’habitat non permanent.
Implantés traditionnellement dans des habitations anciennes rénovées, ces gîtes et meublés de tourisme mis en location à la semaine occupent désormais souvent aussi des logements neufs et dépassent l’offre des hébergements touristiques traditionnels tels que les hôtels et les campings. A tel point que certaines petites communes rurales comptent aujourd’hui plus de lits touristiques que d’habitants domiciliés à l’année.
Cet état des lieux affiné sur une centaine de pages montre que l’habitat non permanent se diffuse bien au-delà des pôles touristiques historiques, confrontant certaines petites communes à une problématique nouvelle face à laquelle elles ne sont pas toujours équipées. Les autorités communales voient se multiplier les conflits de voisinage et sont parfois contraintes de faire des arbitrages imprévus en termes de dépenses publiques par la seule pression de ces nouveaux résidents venus d’ailleurs.
Communes sous pression de l’habitat non permanent (HNP)
Dans un contexte de lutte contre l’artificialisation des sols à l’échelle régionale, la gestion des logements existants et de leur affectation est devenue un enjeu majeur pour les habitants de la Wallonie rurale. C’est pourquoi le ministre de l’Aménagement du Territoire, Willy Borsus, a soumis dès 2023 la transformation de logements en hébergements touristiques à l’obligation d’obtention d’un permis d’urbanisme. Une déclaration d’exploitation est également désormais obligatoire.
La relative méconnaissance de l’ampleur du phénomène par les pouvoirs publics, du fait d’un manque de transmission des données par les plateformes en ligne notamment, complique l’encadrement prévisionnel et la régulation devenus indispensables par endroits et régulièrement sollicités par les responsables communaux, certains allant jusqu’à rejeter systématiquement les demandes de permis d’urbanisme pour logements touristiques, majoritairement introduites par des propriétaires venus du nord du pays.
Cette année, la CPDT a d’ailleurs ciblé ses études sur des territoires ruraux identifiés comme étant sous pression. L’objectif sera de proposer des mesures d’encadrement plus adaptées aux réalités locales.