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Remco Evenepoel: « Je veux gagner le Tour de France »

Double champion olympique, champion du monde, double vainqueur de Liège-Bastogne-Liège, vainqueur du Tour d’Espagne, Remco Evenepoel, né en janvier 2000, peut déjà s’enorgueillir d’un palmarès exceptionnel. Et comme le coureur cycliste le rappelle, avec ambition, les plus belles années de sa carrière sont théoriquement devant lui. Accompagné de son épouse Oumaïma Rayane, le Brabançon a livré ses espoirs mais aussi ses échecs.

Il devient le premier double champion olympique du contre-la-montre et de la course en ligne aux Jeux olympiques d’été 2024 à Paris, puis il conserve son titre de champion du monde du contre-la-montre quelques semaines plus tard.

Depuis combien de temps vous connaissez-vous ?
Oumaïma : Huit ans.
Remco : La première fois que nous nous sommes parlé, je venais juste de commencer le cyclisme. J’étais en pleine transition.
Oumaïma : C’est le moment où il a arrêté de jouer au football. Il avait un peu plus le temps. Il n’avait pas encore commencé son nouveau hobby.

Comment s’est passée cette « transition » ?
Remco : J’avais commencé le football à l’âge de quatre ans. Très tôt donc. A 15 ans, je me suis blessé à la hanche.
J’ai pu rejouer mais beaucoup d’entraîneurs et de recruteurs trouvaient que je n’avais plus le même niveau qu’avant. J’étais pourtant redevenu capitaine de l’équipe après ma blessure ; je jouais dans l’équipe nationale. Puis, petit à petit, mon statut a changé. On m’a mis sur le banc. C’était bizarre. J’ai eu l’impression d’avoir été traité injustement. Et je me suis dit que le monde du football n’était peut-être pas fait pour moi. C’était comme une rupture de confiance. J’ai voulu faire quelque chose de totalement différent. Soit de l’athlétisme, de la course de fond ou du triathlon, soit du cyclisme.

Remco Evenepoel et Oumaïma Rayane © Eric Herchaft
Remco Evenepoel et Oumaïma Rayane © Eric Herchaft

Qu’est-ce qui a déterminé votre choix ?
Remco : Je voulais quelque chose de totalement différent. Une nouvelle vie. Et, à la réflexion, sur un terrain de football, je courais déjà beaucoup…
Le cyclisme s’est donc imposé…

Quelle a été la réaction de vos proches ?
Remco : Ce fut un choc. C’était durant un jour de congé scolaire. Je suis allé rouler avec le vélo de mon père (Patrick, ancien coureur professionnel dans les années 90, NDLR). Quand il est rentré, il a vu que son vélo avait bougé. C’est alors que je me suis confié à lui. Mon ras-le-bol du football et mon envie de changer radicalement de sport. Je lui ai dit que je voulais faire du vélo. Il m’a dit « ok, on commence l’entrainement demain mais tu dois le dire à maman ce soir ». Mon père a dit à ma mère que j’avais une annonce à faire et lorsque je suis arrivé à table pour le dîner, il y avait un couvert supplémentaire. Elle pensait que j’allais leur présenter une petite amie. C’est comme cela que ça a commencé. Environ un mois et demi plus tard, j’ai gagné ma première course.

Remco Evenepoel © Eric Herchaft
Remco Evenepoel © Eric Herchaft

Vous étiez encore en âge d’obligation scolaire…
C’est à l’école que vous vous êtes connus ?
Oumaïma : Nos parents sont voisins. Quand Remco jouait à Anderlecht, il allait dans une école avec laquelle le club a une collaboration. Lorsqu’il a arrêté le football, il voulait se concentrer sur l’école. Il est venu dans mon école parce qu’elle bénéficiait d’une bonne réputation.
Remco : A chaque récréation, on se retrouvait, on se voyait tous les jours. Lorsque j’ai commencé le vélo, je me suis dit que si je voulais le faire sérieusement, il fallait que j’arrête l’école.
Oumaïma : Moi j’ai pensé que ce n’était pas une idée intelligente en soi. Pensez à n’importe quel jeune de 17 ans qui dit « je vais arrêter l’école ». Cela choque tout le monde. L’école est fondamentale. C’était prendre un gros risque. Que se passerait-il s’il ne réussissait pas dans le cyclisme ? J’aurais aimé qu’il finisse ses études secondaires. J’avais un peu peur. J’espérais qu’il ne le regretterait pas. À l’école aussi, ils lui disaient de terminer ses études. Je le comprenais aussi. Il était très enthousiaste et l’école commençait à lui peser, parce qu’il devait s’entraîner avant ou après l’école, s’entraîner le week-end et qu’il ne pouvait pas se concentrer sur ses devoirs…

Comment avez-vous géré une relation et une carrière professionnelle naissantes ?
Remco : Au début, c’était difficile. Nous nous parlions à peine que je devais déjà m’absenter de l’école pour les championnats du monde junior. Quand je suis devenu coureur professionnel, je passais d’une course à un stage, d’un stage à une course. La période du lockdown est arrivée puis, dès que ça a été fini, c’est devenu extrême. Juste pour donner une idée, ces dernières années, je n’ai pas passé plus d’un mois chez moi. Il faut donc être flexible.

« Ces dernières années, je n’ai pas passé plus d’un mois chez moi »

Oumaïma : Nous avons dû faire des choix en fonction de sa carrière. De mon côté, je désirais poursuivre mes études. J’en étais capable et c’était positif pour nous. Je voulais d’abord étudier le droit, mais je me disais que si j’étudiais le droit belge et que nous partions à l’étranger, cela ne m’apporterait pas grand-chose. C’est pour cela que finalement j’ai opté pour les sciences économiques, la finance. Parce que c’est assez universel. C’est une discipline que l’on peut pratiquer partout. Nous en avons discuté ensemble et j’ai pris la décision.
Remco : Il est toujours bon que quelqu’un comprenne bien les chiffres.
Oumaïma : Pendant mes études, j’ai suivi Remco et je n’ai jamais pu aller en classe. J’ai étudié à distance, en Espagne ou durant d’autres stages de haut niveau. Et quand j’étais en Belgique, je trouvais un peu ridicule d’assister soudainement au cours.

Vous discutez beaucoup avant de prendre des décisions ?
Remco : Nous discutons de tout entre nous d’abord. C’est une bonne idée ? N’est-ce pas une bonne idée ? Je donne mon sentiment. Oumaïma apporte plutôt ses connaissances. Elle se concentre plus sur le rationnel.
Oumaïma : Parfois, nous prenons de mauvaises décisions, mais je pense que tout le monde prend de mauvaises décisions.
Remco : Tout le monde fait des erreurs. C’est comme ça qu’on avance.
Oumaïma : Nous sommes encore assez jeunes. Il y a un certain nombre d’années, nous pouvions encore prendre de mauvaises décisions. Mais aujourd’hui, je pense que c’est de moins en moins le cas. Et la carrière ne va plus durer vingt ans. A un moment donné, la famille va se construire. Alors il faudra être prêt.

Vous songez déjà à ce que vous ferez après le vélo ?
Remco : Non pas encore vraiment. J’essaie vraiment de me concentrer sur le moment présent. J’espère continuer le cyclisme encore une dizaine d’années. Les meilleures années sont devant moi.

Quelles sont vos ambitions ?
Remco : Je voudrais gagner le Giro (le tour d’Italie, NDLR) et le Tour de France. Ces deux-là sont vraiment des ambitions de carrière. J’aimerais aussi devenir champion d’Europe, parce que j’aurai alors gagné tous les championnats. Et puis il y a des courses comme le Tour des Flandres, Milan-San Remo, le Tour de Lombardie qui font vraiment partie de mes objectifs principaux. Tout ce qui s’y ajoutera sera bien mais ces courses-là sont celles que je veux gagner.

Et le record de l’heure ?
Remco : C’est pour la fin de carrière. Oui, oui, je peux certainement y arriver. Je viens de changer d’équipe (il vient de quitter Soudal-Quickstep pour Red Bull-Bora-Hansgrohe, NDLR). C’est le meilleur environnement pour me guider, notamment en améliorant l’aérodynamique. En termes d’entraînement aussi. Donc, c’est définitivement sur la liste, mais dans un futur un peu plus lointain.

Vous gérez vous-même vos revenus ? Vous vous intéressez aux investissements ?
Oumaïma : Nous avons des personnes qui s’en occupent.
Remco : Nos vies sont vraiment très occupées. C’est vraiment très chargé toute l’année. Cela ne laisse que peu de temps libre. C’est pourquoi nous faisons appel à des professionnels compétents. Nous sommes bien entourés.
Oumaïma, vous avez achevé vos études en économie, qu’allez-vous faire ?
Oumaïma : Les cinq à sept prochaines années devront être le moment d’atteindre les grands objectifs, et donc de se concentrer à 100% sur la carrière de Remco.
À part cela, nous verrons si d’autres projets peuvent être ajoutés ou non.

« Je rêve encore souvent que je rejoue au football »

 

Vous avez tenu à faire cet entretien dans le stade d’Anderlecht. Pourquoi ?
Remco : J’ai toujours rêvé de devenir footballeur. Et je rêve encore souvent que je rejoue au football. Les premières fois que je suis revenu au stade, c’était un peu douloureux. Je me disais que j’aurais pu être sur le terrain. J’avais l’impression que mon avenir en tant que footballeur m’avait été enlevé. M’investir à 200% dans le cyclisme m’a permis de dépasser cela. Aujourd’hui, quand je suis en Belgique, je viens au stade totalement détendu.

Que signifie cette nomination Forbes pour vous ?
Remco : C’est bien évidemment un grand honneur. Cela veut dire que j’ai réalisé beaucoup de bonnes choses à un jeune âge. Et que j’inspire les gens. En plus, cela me motive à faire encore mieux dans le futur!

Remco Evenepoel et Oumaïma Rayane © Eric Herchaft
Remco Evenepoel et Oumaïma Rayane © Eric Herchaft

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