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Bruxelles : quand la gastronomie devient un moteur de revitalisation urbaine

Au moment où le cœur de Bruxelles peine à retrouver son dynamisme, certains restaurateurs parient sur l’audace plutôt que le repli. En misant sur des formats réduits, un ancrage local fort ou des expériences immersives, ces entrepreneurs redéfinissent la restauration comme levier économique et culturel – et plaident pour que la capitale figure de nouveau parmi les destinations culinaires mondiales.

Face à un centre-ville en perte de vitesse, certains acteurs bruxellois choisissent d’investir là où d’autres se retirent. Leur pari : réinventer le restaurant non plus comme simple point de vente mais comme vecteur de flux, d’emplois et d’image pour la ville. Dans le sillage de concepts tels que Wolf, Klok ou Fish Tank, des chefs comme San Degeimbre démontrent que la gastronomie audacieuse peut aussi constituer un acte de foi dans la ville.

Avec Jayu, ouvert rue de Flandre en juin 2025 et récompensé d’un 14/20 au Gault&Millau 2026, San Degeimbre transforme le repas en performance scénique. « Il s’agit de 12 actes en 120 minutes, pour 12 convives seulement. On voulait créer une véritable expérience, utiliser le champ lexical du théâtre : non pas une attente gastronomique mais un moment à vivre. » Ce format millimétré, à la fois exclusif et maîtrisé, répond à une double logique : rentabilité et viabilité. « Le projet est entièrement autofinancé. Il fallait trouver un modèle économique viable, où la proximité client et la maîtrise des coûts vont de pair. »

Le chef San Degeimbre © Pieter D’Hoop

Dans un contexte où les marges se contractent, Jayu illustre une tendance de fond : le retour à des formats réduits, expérientiels et rentables à moyen terme. Comme le souligne le chef doublement étoilé : « Un concept doit vivre cinq ans. Au-delà, il s’essouffle. Il faut sans cesse repenser le format et anticiper le mouvement du client. » À ses yeux, la scène bruxelloise conserve un fort potentiel mais manque encore de prise de risque : « Bruxelles a du potentiel mais souffre parfois d’un déficit d’audace. Il faut oser des projets qui la placent sur la carte mondiale de la gastronomie. »

Pour Kamila Ostrowska, directrice générale de la Fédération Horeca Bruxelles, cette mutation du secteur traduit un changement de paradigme : « Nous observons aujourd’hui davantage d’investissements dans la mise en scène et l’identité des lieux. Mais à Bruxelles, la rentabilité reste un défi : les marges sont faibles, contrairement à d’autres capitales. »

Une réalité confirmée par les chiffres : dans un restaurant bruxellois typique « sans dettes ni investissement », seulement 1 % de marge brute reste après personnels, matières premières, taxes/TVA et frais fixes.

Malgré ces contraintes, on perçoit une dynamique encourageante : selon les dernières données, le nombre d’établissements Horeca en Belgique a progressé de 30% en dix ans et la moitié des travailleurs du secteur à Bruxelles sont aujourd’hui des étudiants (48% en 2024, contre 32% en 2019), témoins d’une main-d’œuvre plus flexible et d’une capacité d’adaptation accrue du secteur. Par ailleurs, pour la région bruxelloise, on recense plus de 7 000 établissements Horeca actifs et près de 9 millions de nuitées touristiques en 2023. Soit un potentiel d’attractivité non négligeable.

Entre innovation culinaire et redéfinition du modèle économique, ces initiatives ne se limitent plus à satisfaire une clientèle : elles participent à la reconstruction du tissu urbain et à la (re)création d’un écosystème au cœur de la ville.

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