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« La fiabilité, c’est la base ! »

Damier Group, l’entreprise familiale dirigée par le serial entrepreneur Yvan Vindevogel, se spécialise principalement dans l’investissement et le développement de plateformes européennes actives dans les secteurs de la consommation et de la santé. Aujourd’hui, les deux fils sortent de l’ombre de leur père, auréolé de succès retentissants.

Yvan Vindevogel : « Pas un seul jour de ma vie, je n’ai eu l’impression de travailler. Le jour où j’éprouverai ce sentiment, il sera temps que je prenne ma retraite. » Et ce jour est encore loin. Notre interview se déroule au siège du Damier Group à Gand. Tandis que les fils Henri (29 ans) et Edouard (27 ans) assurent l’accueil en présentiel, leur père se connecte en streaming depuis Londres, où il assiste à diverses réunions avec des fonds de capital-risque anglo-saxons. Le lendemain, il est attendu à Madrid pour un autre dossier. « Je suis un touche-à-tout », s’amuse-t-il.

Damier Group, fondé par Yvan Vindevogel, représente le point d’orgue d’une carrière menée tambour battant, qui puise ses racines dans les soins de santé. Cofondateur d’Omega Pharma et fondateur de Vemedia Pharma et Vision Healthcare, trois entreprises internationales de premier plan dans les soins de santé grand public, Yvan Vindevogel possède une expertise inégalée dans le secteur. Ses pairs lui ont d’ailleurs décerné, fin 2023, un Special Lifetime Achievement Award lors de la conférence Nicholas Hall Consumer Healthcare. C’est seulement la troisième fois en 45 ans que cette organisation décerne une telle reconnaissance. « C’est sûr, ça fait plaisir », sourit Yvan Vindevogel.

Une diversification clé

Lorsqu’on interroge les Vindevogel sur la raison d’être du Damier Group, ils évoquent une combinaison de « plaisir et d’amusement ». Leur vision ? Collaborer et bâtir ensemble, qu’importe la taille du projet. Toutefois, il est évident que leur entreprise a pris de l’ampleur. En tant que family office, Damier Group connaît une croissance rapide et se diversifie dans plusieurs domaines.

La plus grande division du groupe est Cooper Consumer Health, basée à Paris et active dans les médicaments en vente libre (OTC). Outre Damier Group, CVC Capital Partners, Avista Capital Partners et Charterhouse Capital Partners sont également actionnaires. La société est passée du statut d’acteur local français à celui de plateforme pan-européenne pure-player OTC, produisant et distribuant une gamme diversifiée de produits de marque à l’échelle mondiale. Cooper se positionne comme un guichet unique pour ses clients, notamment les pharmacies, grossistes et drogueries. La société est bien placée pour entamer une expansion internationale, combinée à une croissance organique accrue. Le groupe exporte vers plus de 60 pays et devrait réaliser un chiffre d’affaires de
1 milliard d’euros, avec un bénéfice brut de 350 millions d’euros, sous réserve de l’approbation des autorités de la concurrence.

Yvan Vindevogel a démontré qu’il avait du flair pour dénicher les tendances émergentes avec Vision Healthcare. Fondée en 2017, elle est l’une des plus grandes plateformes numériques direct-to-consumer (D2C) pour les soins de santé grand public en Europe. Depuis sa création, Vision a réalisé plus d’une douzaine d’acquisitions. En 2020, Avista Capital Partners a acquis une participation de 50% dans l’entreprise pour accélérer la croissance externe et organique. Les vitamines, les compléments alimentaires et les produits cosmétiques sont distribués dans toute l’Europe grâce à la vente en ligne, générant un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros.

Enfin, avec TOCG (The Organic Consumer Group), Damier Group est présent sur le marché de la beauté naturelle et biologique, ainsi que des soins personnels. Le pilier de TOCG est Dr. Organic. En 2021, Yvan Vindevogel a fait main basse sur cette entreprise britannique, auparavant détenue par les géants anglo-saxons du private equity KKR et The Carlyle Group. Cette acquisition s’est présentée comme une opportunité faisant suite à l’achat de The Bountiful Company par le géant suisse Nestlé. Ce dernier, pas intéressé par Dr. Organic, cherchait une solution. L’accord avec Yvan Vindevogel a été conclu en à peine trois semaines. Récemment, l’entreprise italienne La Saponaria a également été achetée. Fondée en 2007 par le couple formé par Luigi Panaroni et Lucia Genangeli, La Saponaria propose une gamme de produits de beauté et de soins disponible dans des magasins spécialisés. Avec cette acquisition, TOCG est principalement actif au Benelux, au Royaume-Uni, au Moyen-Orient et en Italie. La stratégie vise également à rendre possible une extension vers la France, l’Allemagne et la Scandinavie d’ici 2026, avec un chiffre d’affaires ciblé de 100 millions d’euros. Henri Vindevogel est le responsable de cette division en pleine croissance.

Sortir de l’ombre

De plus, la famille est également propriétaire de l’hôtel Damier, d’où le holding familial tire son nom. Ce charmant hôtel quatre-étoiles, emblématique du centre-ville de Courtrai, possède une façade classée datant de 1769. Il compte parmi les plus anciens hôtels d’Europe et a accueilli au fil de son histoire des personnalités telles que l’empereur Joseph II, le roi Léopold Ier, la reine Paola, le président George Bush Sr., Margaret Thatcher, Eddy Merckx, Montserrat Caballé, Adamo, Christine Lagarde, et bien d’autres. L’hôtel est le quartier général de Catherine Debal, l’épouse d’Yvan Vindevogel. À proximité se trouve l’élégant bar à cocktails Sprezza. « Elle n’est pas du genre à rester à la maison ou aller prendre un café, elle veut également avoir quelque chose à faire », précise Yvan Vindevogel. « Elle m’a toujours énormément soutenu, et c’est encore le cas. Et puis, c’est plutôt agréable de pouvoir dîner dans son propre restaurant. » Comme dans tout ce que la famille entreprend, l’excellence est au rendez-vous. Ainsi, l’hôtel a rejoint la WorldHotels Crafted Collection, un réseau mondialement réputé qui garantit aux clients un hébergement unique. L’hôtel Damier est le premier en Belgique à obtenir cette distinction.

« Nos parents nous ont avant tout encouragés à faire ce que nous aimions. »

Les deux fils Vindevogel sortent de l’ombre de leurs parents. Ils ont cocréé CU Brands, qui regroupe plusieurs marques de cocktails telles que Nomuss. « Avec Nomuss, nous voulons rendre les cocktails premium accessibles à tous, sans rien céder sur le goût ou la qualité », affirme Henri Vindevogel, qui est également gestionnaire d’investissement au sein du Damier Group. Edouard Vindevogel, quant à lui, est ingénieur civil de formation et dirige sa propre start-up, Dilation, qui explore la synergie entre la robotique et l’intelligence artificielle.

« Nos parents nous ont avant tout encouragés à faire ce que nous aimions », poursuit Edouard Vindevogel. « Nous avons beaucoup de liberté. En même temps, notre père est toujours en coulisses en tant que stratège. C’est un luxe. Certains disent que c’est difficile de porter un tel héritage, mais, loin d’être un facteur de découragement, c’est plutôt une source de motivation pour moi. »

Henri Vindevogel : « Depuis mon plus jeune âge, je sais ce que je veux faire. On parlait toujours business à table. Et j’adore pouvoir travailler à la croisée de l’entrepreneuriat et de l’investissement. » Les frères sont complémentaires, chacun ayant un domaine d’intérêt distinct. Alors qu’Henri est plus inspiré sur le plan financier, Edouard est davantage attiré par la recherche. Au sein du Damier Group, leurs domaines respectifs se rejoignent tout en gardant leur spécificité.

Nouvelle génération

Yvan Vindevogel se dit « extrêmement heureux, et c’est un euphémisme », de voir ses fils endosser des responsabilités. « C’est la nouvelle génération, avec de nouvelles idées, et je trouve très agréable de pouvoir les voir à l’œuvre et leur donner un coup de main. » Interrogé sur le scénario idéal, Yvan Vindevogel décrit un Damier Group où les deux fils seraient en mesure d’exploiter leurs forces respectives. « Actuellement, nous sommes pleinement engagés dans les produits de consommation, ce qui est logique, car c’est ce que nous connaissons le mieux. Mais j’aimerais également évoluer vers l’intelligence artificielle, un domaine dans lequel Edouard est actif. Son entreprise pourrait servir de base pour une nouvelle plateforme. Si une accélération doit se produire pour franchir un nouveau cap, j’aimerais en être avec Damier Group. »

Une vision qui témoigne d’une orientation tournée vers l’avenir. Le family office n’est pas là aujourd’hui par hasard. « Avec ses hauts et ses bas », déclare Yvan Vindevogel. « Il y a toujours des gens qui ne vous veulent pas du bien. Il faut l’accepter. Je le déplore, mais certains n’ont ni empathie ni scrupules. Pour moi, la fiabilité est la chose la plus importante dans les affaires, n’hésitez pas à le mentionner. » L’homme d’affaires n’a jamais eu peur de prendre des risques. Surtout au début, il osait conclure des accords pour lesquels les moyens financiers faisaient défaut, au prix d’un endettement considérable. « En 2005, j’ai emprunté beaucoup d’argent pour racheter Vemedia. Je ne savais pas comment l’annoncer à ma femme le soir. Mais j’ai toujours su que c’était le rachat à faire. Bien sûr, il faut y croire. Si vous n’y croyez pas, comment pouvez-vous attendre des autres qu’ils croient en vous ? » L’histoire lui a donné raison.

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